Doctor Strange in the Multiverse of Madness : Madness ? This is …

Comme on pouvait s’y attendre, Doctor Strange apparaît comme la pierre angulaire de cette quatrième phase du MCU. Avec Spider-Man, ils officient un peu comme les héritiers logiques des Avengers. Et contrairement à ce qu’on pouvait craindre, en finalité ce Doctor Strange in the Multivers of Madness ne nécessite pas tant que ça une connaissance approfondie de toutes les productions précédentes de la firme. Pour vous aiguiller, nous allons commencer cet article en vous situant le contexte de cet opus et les différentes informations qu’il pourrait vous être important de connaître avant de vous lancer dans les salles obscures à la découverte d’un Bénédict Cumberbatch en grande forme.

Comme vous vous en doutez, Doctor Strange 2 se déroule évidemment après Doctor Strange, premier du nom. Non mais ne partez pas, faut bien commencer quelque part ! Un épisode qu’il est inévitablement indispensable de voir puisqu’il en est la suite quasi directe. Sur ce point, et par on ne sait quel tour de passe passe, Sam Raimi parvient à nous faire avaler les différents contextes par lesquels Stephen Strange est passé, comme s’il ne s’était écoulé que très peu de temps (alors que Thanos est tout de même passé par là, on nous le rappelle même en début de film). À croire qu’il était déjà dans un multivers avant même de s’en rendre compte. Bref, la question n’est pas là, connaître les péripéties des derniers films Avengers étant tout aussi important puisque de toutes manières, toute la quatrième phase de Marvel résulte de l’arc Thanos. En revanche, connaître les évènements de Spider-Man : No way home, n’est, contre toute attente, pas aussi indispensable que prévu. Puisqu’il n’en est concrètement fait mention que pour préciser que Strange s’est déjà retrouvé confronté au multivers à cause de Spidey. L’oeuvre qu’il est impératif pour vous de voir est Wandavision puisque tout repose sur la manière dont la sorcière rouge est parvenu à surmonter ses démons à la suite des ses péripéties dans la série. Et puisqu’on ne cesse de parler de sorciers dans Doctor Strange, il paraît logique d’y incruster la seule sorcière du MCU. Même la série Loki n’a aucun véritable impact sur ce film. En revanche, la série animée What if…?, bien que globalement non nécessaire, à l’exception de son épisode 4 qui peut tout de même vous donner des clefs de lecture importantes (mais non essentielles) à la compréhension de certains détails du film, la série vous permettra de mieux appréhender les problématiques du multivers abordées dans ce film. Et puis, conseil de la rédaction, la série est vraiment excellente.

Maintenant qu’on a posé les bases, il est temps de se pencher plus sérieusement sur le film en lui-même. Doctor Strange 2 s’ouvre sur le docteur tentant de sauver une jeune fille, America Chavez, dotée de pouvoir extrêmement puissant, des mains d’un monstre tout aussi puissant. Rapidement, on s’aperçoit qu’elle a le pouvoir de traverser les espaces temps, et donc peut voyager à travers les univers. Le problème est qu’en créant sans arrêt de nouvelles passerelles entre les différents mondes et univers, elle finit par être poursuivie par une entité beaucoup plus puissante et se retrouve comme par hasard coincée sur notre planète, celle que l’on connait de notre univers.

On en avait déjà eu un aperçu dans le dernier Spiderman, mais Doctor Strange est définitivement un film bac à sable dans lequel on peut laisser parler sa créativité de mise en scène. L’énorme point fort du film réside sans aucun doute dans son identité visuelle. De nombreuses scènes proposent une mise en scène ingénieuse caractéristique des symboliques spirituelles tortueuses de son protagoniste principal. Qu’il s’agisse de Sam Raimi ou des équipes des effets spéciaux, la liberté de ton dont ils ont pu faire preuve démontre, sans l’ombre d’un doute, le plaisir qu’ils ont pris à la proposer. Mais soyons durs avec eux, ils eurent eu tel loisir d’approfondir encore davantage cet aspect visuel et technique, qu’il persiste malgré tout un sentiment d’inachevé. Trop de bonnes idées sont simplement suggérées et auraient permis au film de gagner lourdement en crédibilité si elles avaient pu être approfondies. À titre d’exemple, une très courte scène animée aurait pu rendre le film incroyable si elle n’était pas présentée comme un simple clin d’oeil de 2 ou 3 secondes. Et les exemples comme celui-ci sont légions tant le film est effrayé à l’idée de véritablement sortir des sentiers battus. Quentin Tarantino l’a fait avec Kill Bill, pourquoi pas vous ? Quelle frustration d’avoir un simple clin d’oeil inexploité, réalisé exclusivement pour nous dire « on aurait pu le faire ». Une autre scène mêlant la musique à l’action offre un moment dantesque à ce film. Mais encore une fois, alors que le film aurait pu se targuer d’une scène mythique s’ils y étaient allés à fond, le montage se bride pour ne pas s’écarter d’un film qui évolue bien dans le rang.

Ne vous méprenez pas, c’est comme cela qu’on aime voir le MCU, osant embrasser pleinement son ambition visuelle et artistique, à l’image des séries Wandavision et Loki, que l’on préfère mille fois, malgré tous leurs défauts, à un triste et banal Falcon et le Soldat de l’hiver. Depuis ses prémisses, Doctor Strange est ce super-héros servant de réceptacle aux désirs artistiques les plus fous, alors pourquoi ne pas l’assumer plus que pleinement. Ne vous avisez plus de brider votre imagination, il n’y a rien de pire que de voir des projets sombrer dans la peur de ne pas plaire. Regardez les films du spiderverse, tous plus éclatés les uns que les autres, de vrais films mort-nés, d’un père asthmatique et d’une mère cul-de-jatte, que même les studios craignent dévoiler au grand public en les soumettant à des embargos critiques jusque la veille de leur sortie. Conserver sa patte artistique et son ambition visuelle est la clef de voûte de certains projets du MCU, et les films Doctor Strange semblent en être les principaux représentants, alors ne gâchez pas le potentiel énorme et les capacités que vous ne cessez de nous démontrer depuis quelques années.

Surtout que d’un point de vue divertissement, le film se pose là. À simple titre de comparaison, pour ravir les fans à qui cette statistique importe, le taux d’hémoglobine de Doctor Strange in the Multiverse of Madness est nettement supérieur à celui de Venom, Carnage et Morbius réunis. Ok, il faut bien admettre que ce taux était négatif dans les 3 films de la firme Sony, un simple saignement de nez ferait donc péter la comparaison. Mais en toute honnêteté, bien que la violence de certains passages n’est pas clairement montrée et est souvent amoindrie par l’impact du multivers, on ne peut leur retirer un aspect violent, parfois limite choquant, de la part de Disney. Un aspect plus adulte au film pour notre plus grand plaisir, ne nous le cachons pas. D’autant que même d’un point de vue moral, le film questionne beaucoup plus. À l’image de Black Panther et son antagoniste Kilmonger qui ne tuait pas par plaisir. Ici Stephen Strange se retrouve souvent acculé entre ses principes et la raison. Wanda et lui évoluant d’ailleurs sur un plan très similaire, à ceci près que Wanda a complètement embrassé les conséquences de ses peurs. Savoir comment agira Stephen Strange est donc la question principale de ce long métrage et un combat existentiel avec lui-même l’amène à devoir penser différemment. Ce combat intérieur, qu’il n’est pas le seul à avoir puisque la question qui se pose à un personnage d’un univers finit fatalement par se poser au même personnage d’un autre univers, multipliant la complexité de son propre schéma de pensée, finit par devenir le véritable enjeu du film. Questionner notre propre morale et ses limites devient la véritable finalité de cette aventure.

Et c’est là qu’on aborde l’un des points essentiels du long métrage, sa narration. Alors très sincèrement, difficile de ne pas prendre son pied devant Multiverse of Madness tant le film est dense en scènes d’action et en affrontements. On ne s’ennuie clairement jamais et il faut bien admettre que la mise en scène est particulièrement bien pensée pour nous donner beaucoup d’informations sur les enjeux et leurs conséquences sans jamais se reposer sur des temps morts. Pendant plus de deux heures vous serez accroché à votre siège, alors prenez une grande inspiration avant que le film se lance et n’oubliez pas d’aller aux toilettes avant. Cependant, et c’en est un de taille, l’histoire est une faille scénaristique elle-même. Premièrement, le principe même des multivers détruit totalement le moindre effet dramaturgique. On fait un petit bon dans le passé, c’était déjà le problème de Infinity War. Voir Spiderman mourir en pleurant dans les bras d’Iron Man, la scène était incroyablement émouvante, mais on se doutait que Disney n’avait pas enfin récupérer la garde partagée de l’homme araignée pour le tuer dès le deuxième film où il apparaît. Donc même lorsque Strange explique que c’est la seule et meilleure option qu’ils avaient après avoir consulté tous les cas de figure, sous-entendu les autres univers, on comprend qu’en réalité ce n’est pas tout à fait vrai. Et d’ailleurs, ce film démontre littéralement le contraire. En acceptant le multivers, on pose deux problèmes majeurs d’un point de vue dramaturgique. Le premier est que si quelque chose échoue dans le nôtre, il y en a peut-être un autre pour qui les évènements auront eu une meilleure fin, et donc pourraient venir en aide à notre univers. Et ensuite, tout comme le montre ce film de manière totalement abjecte, on peut allégrement tuer n’importe quel personnage d’un autre univers, de toutes manières, on le connait pas ce pauvre type, il avait qu’à faire partie de notre réalité. Et sur ce point, une scène incroyable, remplie de caméo, aurait elle aussi gagnée à être plus longue et plus aboutie en terme d’enjeux, et surtout mieux travaillée pour saisir l’ampleur de notre émotion, devenant finalement caduque et sans l’ombre d’un intérêt puisqu’elle se déroule dans un autre univers. Le plus triste étant, en plus, qu’elle ne devient pas inutile uniquement à cause de cela.

Sans dévoiler trop d’éléments d’intrigues de l’histoire, les personnages se retrouvent durant la très grosse majorité du temps à la poursuite de ce qui pourrait s’apparenter à un artéfact. Très rapidement, il est convenu qu’il s’agisse de la seule solution viable pour se débarrasser de leurs ennemis. Une seconde solution existe, mais nécessite un sacrifice que tout le monde souhaite éviter, la solution est donc écartée d’office. Une troisième solution semble exister à la connaissance du spectateur, mais le rythme narratif du film nous force à ne pas considérer cette option. Pendant donc 1h30 environ, les différents protagonistes sont à la recherche d’un élément précis qui, au moment même où ils sont sur le point de s’en accaparer, devient totalement inutilisable. Non seulement l’histoire se débarrasse de l’objet comme d’une vieille chaussette que même Dobby n’aurait pas voulu pour s’exempter de ses maîtres. Mais en plus, on pourrait presque imaginer Stephen Strange regarder l’objet l’air hagard en s’exclamant « Oh ben merde, la tuile. Chui ben confus ». Ne laissant en finalité que la troisième option que l’histoire a soigneusement essayé de nous faire oublier. Le problème est qu’en ne considérant cette option qu’aussi tardivement, elle résonne comme un Deus Ex Machina prévisible, d’autant que tout est raconté de telle sorte que cette option paraît irréalisable en théorie à l’instant T. Laissant ensuite place à une morale douteuse, à laquelle chacun est libre d’adhérer ou non, bien que tout le propos autour de cette volonté reste inconfortable.

De fait, l’introduction au multivers devient vraiment bancale alors que la série What if… ? semble beaucoup mieux la maîtriser. Il subsiste de très bonnes idées parasitées, au choix par un manque de confiance en soi de la part des artistes, ou un manque de confiance envers les artistes de la part des studios, et surtout une incompétence à tenir un récit crédible de bout en bout, tout en maintenant la dramaturgie à son paroxysme. Beaucoup d’erreurs pourraient être corrigées en assumant simplement que c’en est, tels des échecs pour mieux se relever derrière. Car la finalité est celle de toute quête initiatique qui se respecte, il s’agit de se débrider de ses mentors pour utiliser le plein potentiel de nos capacités. Partant de là, l’échec même devrait être mieux utilisé comme moteur de dépassement de soi. Ici Strange suggère à America Chavez qu’elle est capable de résoudre la situation parce qu’il ne reste désormais plus qu’elle, alors qu’elle est surprotégée par tout le monde depuis le début. En général ce n’est pas de cette manière que l’on débloque le potentiel latent d’une personne. Et il résulte le sentiment d’avoir poursuivi pendant 1h30 le fantôme d’une quête. Tous les sacrifices (et il y en a eu) qui ont amené les protagonistes à ce moment précis, sont littéralement morts pour rien, mais comme ils ne viennent pas de l’univers Marvel que l’on connait, ils peuvent bien crever la bouche ouverte, cela ne nous regarde pas.

En finalité, le film souffre de beaucoup d’erreurs. Sa production est dynamique, généreuse et ingénieuse, démontrant au choix une véritable fibre artistique chez Sam Raimi ou une volonté de pousser les concepts plus loin chez Disney. Mais la confiance reste encore très sensible, de sorte qu’on ne prenne pas encore l’ampleur des possibilités. Le chemin est encore long mais les propositions vont irrémédiablement dans le bon sens. De quoi rassurer plus que l’inverse. On se lâche de plus en plus. Malheureusement au détriment d’un sens narratif quasi inexistant par moment. Ce que cela raconte dans le fond est intéressant, et n’est encore que les conséquences de l’acte Thanos, mais dans la continuité narrative de l’histoire c’est assez aberrant d’avoir de tels trous. Difficile de savoir quoi conclure de tout ça, un énorme travail fourni mais pas à tous les niveaux, c’est peut-être la nouvelle devise de Disney.