Morbius : Jared Leto n’en a pas terminé avec les chauves-souris.

Comme si le Marvel Cinematic Universe n’était pas suffisant, voilà que Sony nous habitue à un Spiderman Cinematic Universe, déjà bien initié avec l’actuel dyptique Venom. Pour le moment, difficile de cerner les réelles intentions autres que des questions de droits tant les 2 précédents films peinent à convaincre par leur qualité. Ce que nous redoutions de voir le jour se concrétise petit à petit avec la sortie de Morbius, un autre antagoniste de l’univers de Spiderman. Conflit d’intérêt au niveau des droits oblige, Sony puise ses ressources dans le contenu comics le plus rentable sans jamais avoir la possibilité d’y inclure la star en question. Le spiderverse selon Sony nous affuble désormais d’un vampire, un vrai en chair et en os, qui n’est nul autre que ce cher Morbius. Car bien qu’il vampirisait la vie de son hôte, Venom n’en restait pas moins un symbiote. Et force est de constater qu’après s’être fait bouter du DC Cinematic Universe, Jared Leto n’en avait pas tout à fait terminé avec ses amies les chauves-souris.

En effet, les chauves-souris n’ont jamais rendu riche ou donné une grosse voix, mais transforment bel et bien leurs victimes en véritables vampires assoiffés de sang. C’est ce qui arrive à Michael Morbius qui, atteint d’une maladie du sang très rare, initie de nombreux essais sur le sang de cet animal nocturne pour lui créer un antidote et lui permettre de vivre plus longtemps. Malgré la stabilité apparente du sérum, sa mauvaise conception le transforme non pas en homme chauve-souris muni de gadgets tous plus amusants les uns que les autres, mais en véritable vampire doté de pouvoirs surhumains et d’une soif insatiable de sang. Jaloux de son nouveau statut, de ses nouvelles capacités et surtout de la longévité qu’il vient d’obtenir, son ami d’enfance, lui aussi handicapé, incarné par Matt Smith, décide de prendre également ce sérum maudit. Naît alors un conflit d’intérêt et moral entre les deux compères sur la bonne tenue à observer avec de tels pouvoirs, et leur application dans la société.

Première chose à noter, il s’agit là d’un casting particulièrement intéressant. Les deux frères d’armes Jared Leto et Matt Smith se répondent parfaitement. Leur amitié dans la première partie du long métrage est sincère. On voit là deux acteurs charismatiques incarner des personnages emblématiques. Leur histoire est forte, touchante, et malgré une caractérisation à première vue simpliste, leur relation fonctionne. De son côté, Adria Arjona (Martine Bancroft) est tout à fait convaincante en tant qu’assistante du biochimiste. Une fois passé cet arc introductif malheureusement, tout le château de carte s’écroule tristement dans un plus que banal film de vampire de bas étage. Leur jeu pourrait être tout à fait convaincant s’il n’était pas perpétuellement parasité par un visage de vampire qui lorgne plus du côté des visages de zombies de The Walking Dead que de la personnification faite par Bram Stoker. À croire que la seule chose qui importait les studios était d’avoir un film de vampire au sein du MCU, ou du Spiderman CU, sans se soucier, et surtout sans se questionner, de ce qu’on allait faire avec.

Tout d’abord, revenons sur cette mode nouvelle de créer des licences autour des méchants iconiques de certains univers, sans jamais introduire le super-héros de l’univers en question. Ici, Spiderman. Disons que jusque là, ce n’est encore pas trop embêtant. Bien que nombreux furent les fans à s’insurger d’un Venom sans Spiderman, si on voit l’histoire comme un hors-série, l’adaptation semble plutôt acceptable et intrigante. Et quelque part, ne faisant pas officiellement partie du MCU, l’artifice reste cohérent. Morbius de son côté est un anti-héros, les fans les plus avisés jugeront bons ou non d’accepter cette supercherie, mais d’un point de vue totalement externe, l’apparition même de Morbius ne semble pas choquante. C’est là que Sony finit par se perdre dans son propre piège. Quoiqu’en disent les aficionados des ces univers, faire de Venom ou de Morbius des personnages à part entière, maîtres de leurs propres licences, sans l’aval ou le support d’un super-héros plus important, est une bonne proposition. Cela permet d’exploiter le potentiel du personnage à des fins plus libres que celles irrémédiablement narrées dans les comics. Malheureusement, Sony, certainement avec l’accord de Disney et par partenariat, ne semble pouvoir s’empêcher de vouloir raccorder l’histoire à Spiderman. Étant un peu le parrain de la phase 3 du MCU, on n’empêche les personnages de vivre par eux-mêmes. Ils ne sont alors plus que des personnages secondaires servant un plus grand projet futur. Certainement un rachat définitif, ou alors est-ce un contrat signé entre les deux productions ?

Toujours est-il que cette volonté systématique de licencier chaque personnage en l’incorporant dans un univers plus étendu, ruine le potentiel narratif et l’intention que peut offrir le personnage. Morbius aura dores et déjà une suite. La scène finale le confirme et comme si ce n’était pas assez, il y a une double scène post générique aussi éclatée au sol que maladroite, directement reliée au spiderverse initié par No Way Home. Autrement dit, tout ce qui pouvait faire de Morbius une entité à part entière est ruinée par cette volonté manifestement financière et populaire de compter sur le succès des films du MCU. Qui plus est, quand on voit ce qu’ils font des films, on se demande pourquoi ils n’osent pas faire plus de one shot. L’univers de Venom est vaste, il est compréhensible de vouloir l’étendre au-delà de ce seul personnage. En revanche, Morbius ne jouit pas de la même aura ou popularité. Son histoire est intéressante, il est vrai, mais son traitement est assez pauvre. Assurer son futur retour et produire un film en lui attribuant d’emblée des suites est à la fois osé et un peu stupide. Son histoire se suffit en tant que telle, le film aurait gagné en dramaturgie à ne pas avoir une suite prévue depuis sa genèse. Malheureusement, dans cette course effrénée à la commercialisation des entités super-héroïques, les studios savent (à tort) que le public ne répondra pas présent à un super-héros (ou anti-héros) qui ne vit au travers que d’un seul film. D’où cet irrépressible besoin de créer des licences et des sagas à tout bout de champs.

Le problème qui vient après ces projets, est la qualité intrinsèque des long-métrages en question. Derrière des castings souvent très prometteurs se cachent malheureusement des scénarios et mises en scènes plutôt foireuses. Comment fidéliser un public autour d’une saga, d’un héros, si la production qui l’introduit au cinéma n’est pas qualitative ? De fait la réception est biaisée, les gens ne vont pas voir le film car il est basique, bourré de clichés, sans surprise et mal narré. L’histoire fantastique de ce protagoniste est simplement tellement mal exploitée que ce n’est pas le personnage qui pose problème, ni même ses intentions, mais juste le scénario dans lequel il évolue. Par chance, visuellement le film se tient. Entre les effets spéciaux vaporeux des vampires qui rendent assez bien et une atmosphère proche de celle des films fantastiques d’horreur, au moins sur ce point, on ne trouve pas le temps trop long. Les plans et autres cadres offrent quand même quelques très belles scènes. C’est surtout l’écriture générale et la manière d’appréhender sa thématique qui pêchent.

Premièrement, les enjeux sont faibles. Une fois le décors planté, les personnages introduits et l’histoire mise en place, le long-métrage devient banal et sans surprise. On sait d’avance ce qu’il va advenir du biochimiste et comment cela va se produire. Même si c’est fidèle aux comics, il aurait peut-être été judicieux de réfléchir un peu plus sans faire une banale transcription de l’évènement. Et si c’est inventé, alors c’est simplement mauvais. Par exemple, on comprend que le biochimiste possède encore sa conscience humaine, ce n’est que lorsqu’il se transforme en vampire qu’il devient dégénéré. À ce moment là, même si la thématique a déjà été vue, il est intéressant de placer Morbius sous l’égide du bien avec un démon en lui pour lui faire franchir la ligne. Un combat intérieur s’installe entre lui et lui, et les forces de l’ordre qui cherchent à le stopper. Un schéma classique, certes, mais diablement efficace si l’histoire parvenait à en développer tous les tenants et aboutissants. La dramaturgie de la situation étant vraiment intéressante. Manque de bol, nous sommes dans du cinéma pop-corn, du cinéma de divertissement, et au lieu d’essayer de continuer de le faire agir pour le bien tout en essayant d’échapper aux autorités et leur prouver sa bonne foi malgré des moments de faiblesse et des failles dans sa propre volonté, on lui fait bêtement combattre un autre vampire. Non seulement le sort de la jeune assistante est couru d’avance par la suite, mais en plus les scénaristes présentent ça comme un rebondissement final, présupposant déjà l’orientation narrative d’une suite. D’autre part, le film n’étant pas si long et l’exposition de l’histoire étant assez lente, l’affrontement final est incroyablement pathétique et diablement court. Jusqu’à ce que les lumières de la salle de cinéma se rallument, on espère voir l’antagoniste se relever. Quand on sait à quel point il a le dessus sur Morbius à chacun de leurs affrontements, c’est à se demander si le vampire ne s’est pas planté un pieu dans le coeur lui-même pour le bien du scénario. Ou pour notre propre bien d’interrompre le désastre plus rapidement.

Et des absurdités comme celles-là, dans l’histoire, il y en a des tonnes. Morbius qui se confine dans un sas vitré ultra résistant alors que dès sa première transformation il a littéralement pulvérisé le sas dans lequel il était enfermé. Au début, Loxias Crown ne semble pas être une personne instable, au contraire il semble être prêt à risquer sa vie pour sauver celle de son ami (en lutte avec lui-même pour ne pas se transformer, de peur de tuer Loxias). Pourtant cette scène est charnière dans la psychologie du richissime personnage qui va tout simplement, en un temps record, devenir son pire ennemi, prêt à le tuer et tuer n’importe qui. En une scène, le personnage n’a plus aucun sens moral, aucune émotion, aucun sentiment envers qui que ce soit. Les chauve-souris ne sont en réalité qu’une excuse car Morbius développe un sérum à partir d’un sang artificiel faisant de lui en vérité un vampire artificiel, mais que l’on peut à priori achever de manière classique. Il n’y a même pas une part de second degré ou de réactualisation du mythe du vampire qui se meurt depuis belle lurette tant personne n’est capable de transcender le genre. On est proche d’une superproduction nanardesque tant il y a des failles scénaristiques énormes.

En conclusion, il s’agit une fois de plus d’un acte manqué de la part de Sony. Il y a dans cette mélasse de futilités cinématographiques, une forme assez insolente de condescendance. Comme si les studios visaient sciemment ce genre de poncifs devenus récurrents chez eux, comme chez Marvel/Disney dans la moitié de leurs productions. D’un film à l’autre, on ne voit strictement aucune évolution. Ce n’est ni moins bien (excepté par effet de redondance) ni mieux. C’est inexorablement aussi pathétique que le film précédent. Difficile de ne pas y voir une forme invraisemblable d’auto-sabotage. Peut-être devons-nous y voir une continuité de la volonté de Lana Wachowski avec son Matrix : Resurection ? Peut-être est-ce là une forme de dénonciation méta du système de production actuelle ? Quelque part, la scène post-générique pourrait tout à fait nous le confirmer, vu son degré de j’m’enfoutisme. Inutile de dire que ce film est un échec scandaleux tant il passe d’une narration intrigante, empreinte de beaucoup de nuances malgré sa lenteur, et d’une ambiance plutôt maîtrisée quoi qu’un peu prévisible. À un scénario cousu de fil blanc, sans intérêt et expédié. Personne ne sauve les meubles de ce film désastreux à la conclusion calamiteuse.

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