She-Hulk : Ce que Marvel a fait de pire

Nous entretenons avec Marvel une relation compliquée. D’un côté nous admirons la cohérence et la continuité de l’univers qui durent depuis 2008 et nous mettons un point d’honneur à tout visionner, de l’autre nous sommes bien conscients qu’à quelques exceptions près, c’est toujours la même soupe qu’on nous sert, produits standardisés écrits et réalisés à la chaîne où les ambitions artistiques sont rapidement étouffées sous un cahier des charges lourdingues auquel même un cinéaste de la trempe de Sam Raimi ne peut résister. Et alors que l’année dernière, Marvel avait lancé ses séries avec pas mal d’ambition (Loki restant à ce jour la plus réussie), cette année a vu les échecs se cumuler, entre un Moon Knight fadasse au possible et une Miss Marvel au potentiel dézingué en plein vol. Mais rien ne nous avait préparé aux neuf épisodes de She-Hulk : Avocate, soit ce que Marvel a produit de pire comme série sur Disney+…

C’est encore l’histoire d’un gros potentiel gâché puisque la série affichait en effet la volonté d’être une sitcom légère sur les déboires de Jennifer Walters, cousine de Bruce Banner devenue She-Hulk après avoir été contaminée par le sang de son cousin suite à un accident de voiture. Capable de mieux gérer sa colère que Bruce et de se transformer quand elle le souhaite, Jennifer a tout de même du mal à gérer l’existence de cette autre personnalité attirant toute l’attention médiatique et son travail d’avocate dans une grande firme où elle se spécialise sur les questions touchant les super-héros. Sur le papier, il y avait donc largement de quoi faire pour explorer les fêlures de son personnage devant jongler entre deux alter-egos sans se laisser vampiriser par l’un plus que l’autre tout en tâchant d’adopter un ton féministe déjà assez compliqué de base (Jennifer est sexy même transformée en She-Hulk, loin du colosse qu’est son cousin).

Pour explorer tout cela, encore aurait-il fallu avoir dans l’équipe des scénaristes inspirés. Ce ne sera pas le cas ici et on comprend difficilement pourquoi la série se retrouve avec neuf épisodes puisqu’elle n’a clairement rien à raconter, brassant du vide en permanence. Hormis le premier épisode où Jennifer apprend à maîtriser ses pouvoirs, la suite se paie l’insolence de s’offrir des guests de luxe du MCU pour n’afficher qu’une incompétence totale, à la fois dans sa façon de traiter les personnages (quasiment zéro évolution) et ses enjeux (résolus en deux coups de cuillère à pot sans jamais aucune conséquence). Ce n’est pourtant pas faute d’avoir des idées et des personnages sous le coude, entre le retour d’Emil Blonsky (Tim Roth qui s’amuse avec le peu qu’on lui donne), l’arrivée d’une pseudo-adversaire prometteuse qui n’en sera jamais une (Jameela Jamil, irrésistible Tahani de The Good Place est ici totalement sacrifiée) et l’existence d’un collectif de pauvres types à la masculinité toxique décidés à s’en prendre à She-Hulk parce qu’elle a des pouvoirs et pas eux.

Soit tout un tas d’éléments pour permettre à un scénariste digne de ce nom de créer une intrigue prenante et complexe, autant vous dire que c’était trop demander pour Marvel qui n’essaye même pas de faire des efforts. Entre le féminisme à deux sous de la série (en surface et beaucoup trop lisse, ne s’assumant jamais), les effets spéciaux aux fraises cantonnant notre héroïne verte à deux expressions et la conclusion aberrante de la saison, frôlant le foutage de gueule et l’aveu d’impuissance de l’équipe créative qui ne savait clairement pas comment relier toutes les intrigues sans intérêt pour terminer le récit, on est en droit de se demander s’il y a quelque chose à sauver du naufrage y compris quand les clins d’œil aux X-Men se font insistants et quand un héros tant attendu fait un retour assez plat dans le MCU.

Heureusement oui il y a bien quelque chose ou plutôt quelqu’un à sauver dans ce bourbier : c’est Tatiana Maslany. S’il y a bien un aspect que l’on ne peut pas critiquer chez Marvel, c’est sa science du casting, chaque acteur ayant toujours été choisi consciencieusement pour coller au personnage qu’il interprète. C’est ainsi que sur Disney+ un peu plus tôt dans l’année, on ne pouvait qu’apprécier le talent d’Oscar Isaac dans Moon Knight et la belle énergie d’Iman Vellani dans Miss Marvel qui tenait clairement une bonne partie de la série sur ses épaules. C’est également le cas de Tatiana Maslany ici, l’actrice révélée par Orphan Black étant quasiment (avec sa partenaire à l’écran Ginger Gonzaga) la seule raison de s’infliger la série. En effet, avec son grand sourire, sa maladresse, son envie de bien faire et sa capacité à briser naturellement le quatrième mur, Maslany parvient à rendre Jennifer Walters immédiatement attachante et l’on se prend régulièrement à rêver d’un univers où l’écriture et la réalisation du show auraient été capables de se mettre à la hauteur de son talent. Ce n’est tristement pas le cas ici et dans cet océan de vide qu’est la série, Maslany est le seul phare nous accompagnant au fil de neuf épisodes amenant Marvel à sincèrement toucher le fond. Produire en 2022 quelque chose d’aussi médiocre avec autant de potentiel relève d’un certain génie, espérons simplement que le studio ne renouvelle pas l’expérience avec ses prochains projets…

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