
Il n’est pas toujours facile d’enchaîner après un succès. La preuve en deux saisons avec True Detective. Après une première saison largement acclamée, Nic Pizzolatto décidait de nous offrir une seconde saison plus dense, plus complexe avec d’autres enjeux. Bien mal lui en pris puisque tout le monde lui est tombé dessus, le public comme les critiques, accusant cette saison d’être trop lente, trop incompréhensible, trop noire… Une pléthore d’accusations levées en gardant le souvenir d’une première saison mystique mais inégale. Mais qu’aurait-on voulu ? Une réitération de la première saison ? A l’heure où cette seconde saison commence tout juste à être réévaluée, l’auteur de ces lignes l’a toujours défendue, cette saison étant peut-être la plus ardue de la série mais très certainement sa meilleure…

Oublions donc un peu la Louisiane, Woody Harrelson et Matthew McConaughey ! Puisque Nic Pizzolatto n’a pas voulu rester sur ses acquis, il n’y a pas de raison que nous en fassions de même. L’intrigue de cette saison se déroule dans la ville fictive de Vinci, près de Los Angeles. La mort de Ben Caspere, un important promoteur immobilier plonge bien du monde dans l’embarras. Le truand Frank Semyon comptait sur un projet mené par Caspere pour gagner de l’argent de façon légale. Semyon demande alors à Ray Velcoro, un flic corrompu de l’aider à étouffer une enquête journalistique autour de Caspere. Velcoro qui, justement se retrouve à enquêter sur la mort de Caspere, doit faire équipe avec Antigone Bezzerides, une femme hantée par son passé et avec Paul Woodrugh, policier à moto, vétéran de guerre pris dans un scandale sexuel.

De cette affaire et de ces personnages, Pizzolatto déroule une intrigue qui n’est pas sans avoir l’ampleur de certains romans de James Ellroy. Vinci ressemble à Los Angeles et on y retrouve mêlés investissement immobiliers, meurtres, réseaux de prostitutions et politiciens véreux. Toute une tambouille que Pizzolatto nous sert avec une noirceur encore plus aiguisée que d’habitude. Certes, on pourra se moquer gentiment de la backstory de chacun des personnages, chacun donnant l’impression de porter le poids du monde et de leur dépression sur les épaules. Mais le scénariste assume ce premier degré avec un sérieux impérial, embrassant la noirceur du récit pour livrer au cours de ces huit épisodes l’équivalent d’une pure tragédie, offrant à ses personnages un chemin de rédemption aux issues implacables. C’est là toute la beauté de cette saison, cette écriture fouillée du côté des personnages, cernant leurs envies de faire mieux, de changer les choses et d’offrir au monde quelque chose de meilleur que ce qu’ils ont fait jusqu’à présent.
A ce titre, tous les acteurs de cette saison sont fabuleux. Colin Farrell, qui n’a jamais été aussi bon que lorsqu’il a une moustache et qu’il endosse un rôle de loser, trouve là l’un de ses plus beaux rôles en la personne de Ray Velcoro. Face à lui, Vince Vaughn surprend dans un rôle dramatique puissant où l’acteur prouve qu’il devrait arrêter les pitreries et choisir ses films avec plus de discernement (à l’image du récent Section 99) où sa haute stature et son charisme pourraient servir le récit. C’est le cas ici, Vaugh et Farrell tenant clairement le haut du panier d’une distribution loin d’être déméritante où l’on croise Rachel McAdams, Kelly Reilly, David Morse et un Taylor Kitsch étonnamment bon là où l’on n’y croyait plus.

Là où le bât blesse un peu plus, ce n’est pas dans cette intrigue dense et quasi-incompréhensible dans ses détails (ce serait hypocrite de tirer sur cette saison quand tout le monde acclame Le Grand Sommeil alors qu’on n’y comprend pas plus l’intrigue) mais bien dans la réalisation. Si la première saison bénéficiait de la présence de Cary Joji Fukanaga derrière la caméra pour assurer une cohérence visuelle, cette seconde saison voit ses deux premiers épisodes réalisés par Justin Lin pour donner le ton pour le reste de la série. Lin, sans être un manche complet, est cependant loin d’avoir la trempe de Fukunaga et peine à donner de la densité à la série. Certes, la Californie industrielle vend moins du rêve que la Louisiane mystique mais aucun parti pris ne vient souligner ce décor pourtant riche et aucune scène marquante à proprement parler ne se retient de cette saison en purs termes de réalisation et ce en dépit de quelques scènes prometteuses sur le papier, notamment une fusillade meurtrière dans l’épisode 4. C’est d’autant plus dommage que la noirceur embrassée par Pizzolatto, si décriée, atteint ici de fabuleux sommets, offrant à nos yeux impuissants de tragiques destinées.
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