Le Loup-Garou de Londres : Beware the moon !

Il y a des films qui, à leur simple évocation, vous ramène instantanément vers une période spécifique. Des films qui vous marqueront à vie et qui ne cesseront jamais de susciter votre intérêt, même après des centaines de visionnages. Parler de centaines n’est pas un euphémisme dans le cas du film d’aujourd’hui. Si nous avions le pouvoir d’afficher un compteur réel de visionnage au bas des films que nous avons le plus poncé, pour sûr que Le Loup-Garou de Londres figurerait dans notre top 10. Film que nous chérissons depuis l’âge de 5 ans (merci au paternel de nous avoir perverti si jeune, sic!), notre entrée dans le monde du cinéma fantastique et horrifique n’aurait pas pu se faire d’une meilleure manière. Laissez-nous céder à une petite anecdote personnelle avant de rentrer dans le vif du sujet… J’ai 5 ans. A cette époque, mon père travaille très tôt le matin et ma mère assure les fermetures du salon de coiffure où elle est employée. C’est donc mon père qui est chargé de me récupérer tous les soirs à l’école. Tel un petit Obélix en herbe, je suis tombé dans le chaudron de la cinéphilie très vite, mon père accusant une solide collection de VHS. Mon rituel, à cet âge-ci, est bien rôdé. Je rentre de l’école, j’ai droit à mon goûter et mes jouets que je m’empresse d’emmener devant la télévision pour dévorer inépuisablement la VHS de Rocky 4. Les rares fois où ce rituel changeait étaient lorsque mon père s’était enregistré un film la veille et qu’il désirait le visionner. Son emploi du temps ne lui permettait de s’accorder ce plaisir qu’à ce moment de la journée où nous étions tous les deux. Ce jour-là, il ne me met pas Rocky 4. A la place, j’ai droit au logo PolyGram Pictures et le plan d’ouverture sur une lande britannique sur fond de Blue Moon interprété par Bobby Vinton. J’en suis resté bouché bée, estomaqué, fasciné durant toutes les minutes qui ont séparé cette ouverture avec le générique de fin. Mes yeux d’enfant avaient fait obstacle à tous les sous-textes horrifiques et sexuels qui dégueulent de toutes les scènes du film. Mes yeux d’enfant n’y ont vu qu’un excellent film de loup-garou, le meilleur film de loup-garou de tous les temps… Vous l’avez sans doute déjà compris, nous allons nous livrer à la chronique d’un des films que nous chérissons le plus au monde. Une chronique que nous avons eu la plus grande des peines à écrire tant ce film représente une énorme entité de notre personnalité de cinéphile. Une chronique qui, nous l’espérons, vous poussera à (re)découvrir ce classique de l’horreur. Une chronique qui va sentir l’amour, et rien que l’amour. Une chronique qui revient là où tout a commencé, qui va puiser dans tout ce qui nous a façonné depuis bientôt 30 ans désormais. Notre vie de cinéphile n’aurait clairement jamais été la même sans Le Loup-Garou de Londres.

David Kessler et son ami Jack Godmann sont des backpackers venus de New York. Ils sillonnent l’Angleterre et projettent de se rendre à Rome. Alors qu’ils se trouvent dans le parc national des North York Moors, ils font une halte dans un pub de la petite ville d’East Proctor. Les habitants locaux sont peu accueillants. Sur un mur, Jack aperçoit un pentagramme et commence à poser des questions. Face à la réaction hostile des habitants, les deux amis décident de quitter les lieux. En chemin, ils s’écartent de la route et se retrouvent perdus, en pleine nuit. Ils sont alors attaqués par un animal féroce. Jack est tué sur le coup. David est transféré à l’hôpital de Londres sous la direction du docteur Hirsh. Il essaye de reprendre des forces avec l’aide d’une jeune infirmière, Alex, qui l’accueille bientôt chez elle. En proie à des hallucinations, il reçoit la « visite » de Jack, revenu d’entre les morts, pour lui annoncer une terrible nouvelle : il serait atteint de lycanthropie. Se croyant fou, le jeune homme ignore les conseils de son ami mort-vivant. Mais lors de la nuit de la pleine lune suivante, il se transforme dans d’atroces souffrances en loup-garou et se met en chasse dans la capitale britannique.

Si vous avez eu l’occasion de jeter une oreille sur notre dernier podcast en date consacré au mythe du vampire, vous n’êtes pas sans savoir que nous vouons un amour sans faille à John Landis. Cet amour est né avec Le Loup-Garou de Londres, mais Landis est également le réalisateur de Hamburger Film Sandwich, The Blues Brothers, Un Fauteuil Pour Deux, Un Prince à New York, Innocent Blood ou encore Le Flic de Beverly Hills 3. Il est de ces réalisateurs qui vous a forcément accompagné à un moment donné de votre vie. Et si votre tasse de thé est la musique, il est, entre autres, le papa du célèbre clip de Thriller de Michael Jackson (clip qui est né après que Jackson ait été impressionné par les effets spéciaux du Loup-Garou de Londres). John Landis est un grand metteur en scène, n’en déplaise à certains. Cinquième long-métrage du réalisateur, Le Loup-Garou de Londres est un projet que Landis mûrissait depuis 1969 après avoir vécu une étrange cérémonie en Yougoslavie alors qu’il travaillait comme assistant de production sur le film de Brian G. Hutton, De l’Or Pour les Braves. Fort des succès de Hamburger Film Sandwich, American College et The Blues Brothers, Landis se voit attribuer un budget confortable de 10 millions de dollars de la part de PolyGram Pictures. L’occasion est inespérée pour le jeune réalisateur et il saute dessus pour lancer son projet de film de loup-garou. Deux mois de tournage seront nécessaires pour en arriver à bout…mais la préparation fut des plus chaotiques, notamment du point de vue des effets-spéciaux. Landis s’arrache les services de Rick Baker qui devaient être confiés à Joe Dante pour Hurlements. Landis et Baker avaient déjà travaillé ensemble par deux fois auparavant. S’il y avait bien un spécialiste en animatronique assez fou pour mener à bien les idées de Landis, c’était Baker. Landis veut bousculer le spectateur dans son confort. Il veut lui offrir ce que personne n’avait jamais osé faire avant lui : une scène de transformation intégrale, sans fondu enchaîné ni autres effets de montage pouvant cacher les défauts de fabrication…le tout dans une pièce totalement éclairée. Du jamais vu ! Rick Baker s’est arraché la tête pour pondre cette hallucinante séquence de transformation. C’est bien simple, mis à part le superbe travail de Rob Bottin sur Hurlements, personne n’a jamais réussi à rivaliser avec la transformation de l’homme en loup du Loup-Garou de Londres. On pourrait se risquer à une analyse plan par plan de cette séquence centrale du film, mais nous préférons vous laisser la joie de (re)découvrir cette fabuleuse scène qui figure, selon nous, parmi les meilleures séquences de toute l’histoire du cinéma fantastique. Quel grand moment de cinéma !

Le Loup-Garou de Londres va également sceller la marque de fabrique chère à John Landis : l’humour noir. Landis est un réalisateur américain qui a un humour typiquement britannique. Il se moque de tout avec un flegme insaisissable. Le Loup-Garou de Londres le voit s’amuser comme un enfant à réaliser tous ses pires cauchemars à l’écran. Il suffit de le voir, dans les images issues des making-of du film, sautiller dans tous les sens lorsqu’il est sur le point de mettre en scène le cauchemar de David qui rêve que sa famille (juive) se fait dissoudre par une horde de loups-garous SS. Il n’y a que Landis pour fantasmer la souffrance de tout un peuple et le mettre en scène avec, à la fois, un second degré évident et une horreur frontale qui fait froid dans le dos. La séquence n’a rien d’hilarante, c’est la situation (grotesque) qui force les traits et rend le tout, à la fois, subtilement subversif et jouissant de son travail de mémoire concernant une période de l’Histoire qu’on ne devrait jamais oublier. Si l’humour baigne parfaitement avec l’horreur du film, Le Loup-Garou de Londres n’est jamais aussi succulent que lorsqu’il devient absurde. La séquence dans le cinéma porno sur Piccadilly Circus figure parmi les plus grandes séquences anthologiques jamais tournées. Il y a, d’abord, l’absurde au premier degré où David discute avec les âmes des cadavres qu’il a décimé la veille. Et puis, il y a le burlesque qui se joue sur l’écran de cinéma qui projette le film See You Next Wednesday (un faux film, une blague récurrente que l’on peut apercevoir dans presque tous les films de Landis). Plus qu’une simple affiche aguicheuse au détour d’un couloir de métro, Landis a littéralement tourné des séquences érotico-pornos où il s’est alloué les services de vedettes de charme de l’époque comme Linzi Drew, Susan Spencer ou encore Lucien Morgan. Le fait de faire se transformer son héros au sein d’un cinéma porno n’a rien d’anodin pour Landis. Non content d’atteindre l’apogée de son discours burlesque, il aime décrire la souffrance que David ressent lorsqu’il devient loup comme un état de puberté accéléré. Il a chaud, son corps change, sa voix mue, ses poils poussent… D’enfant innocent, il devient un homme implacable, véritable prédateur que rien ni personne ne pourra arrêter.

Bien évidemment, nous pourrions encore décrire tout le bien que nous pensons du Loup-Garou de Londres sur un tas de colonnes inimaginables. Nous pourrions vous dire que toutes les chansons de la bande-originale contiennent le mot « moon » (« lune ») dans leur titre. Nous pourrions vous parler des polémiques suscitées par les bien-pensances qui ont contribué à saboter la suite des carrières de David Naughton et Griffin Dunne. Mais nous préférons garder la surprise presque intacte pour celles et ceux qui ne l’auraient pas encore vu. D’autant que le film ressort dans une somptueuse édition remasterisée 4K en blu-ray et UHD chez l’Atelier d’Images et que l’éditeur n’a pas fait les choses à moitié puisqu’il propose, en plus des bonus déjà existants dans les éditions collectors précédentes du film, plus de 3h de suppléments inédits. Le film se décline également dans une édition prestige limitée et numérotée qui ajoute deux livrets autour du film ainsi que quelques goodies. Une édition ultime et complète pour les 40 ans du film. 40 ans et pas une seule ride ! Le Loup-Garou de Londres est un chef d’œuvre intemporel qui a encore de très longues et belles années devant lui. Le numérique ne remplacera jamais le travail titanesque de Rick Baker autour des effets-spéciaux (travail pour lequel il décrochera un Oscar en 1982) et l’humour de John Landis se marie à la perfection avec la noirceur de son sujet. Le film figure au seins de la liste de l’ouvrage des 1001 Films à Voir Avant de Mourir, une autre raison valable pour vous jeter corps et âme sur ce film inestimable à nos yeux.

3 Rétroliens / Pings

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