Vampire, Vous Avez Dit Vampire ? : Il est mignon Brewster !

Plus qu’une madeleine de Proust, plus qu’un incontournable, plus qu’un film mythique…la séance Shadowz de ce week-end est de ces séances pour lesquelles notre amour pour le film de genre prime sur tout le reste. Vampire, Vous Avez Dit Vampire ? (que nous allons nommer par son titre original, Fright Night, pour des raisons évidentes de gain de temps dans notre écriture) fait partie intégrante de la matrice de notre identité cinéphile. Si nous nous sommes déjà longuement laissé aller à des confessions intimes lorsque nous vous avons évoqué notre amour pour Le Loup-Garou de Londres, nous nous sommes gardés d’y inclure Fright Night en espérant secrètement avoir l’occasion de vous en parler un beau jour au sein de ces colonnes. Ce n’est désormais plus un secret, nous ne remercierons jamais assez notre père, peu regardant sur les films que nous dévorions à la pelle, de nous avoir initié très jeune au cinéma de genre. Pour le cas de Fright Night, nous nous souvenons précisément de cet après-midi dominical chez nos grands-parents. Nos yeux écarquillés sur la collection de VHS du grand-père, qui accusait de sacrées perles (de Frayeurs à La Part des Ténèbres en passant par Braindead et Les Griffes du Cauchemar, merci papi pour ces magnifiques moments), ne peuvent oublier le moment où nous avons tenu la VHS de Fright Night entre nos mains pour la première fois. Cette jaquette, que nous considérons comme l’une des plus belles de l’histoire du cinéma, nous a subjugué au point de négocier sévèrement pour l’insérer illico dans le magnétoscope. Nous entendons encore les réticences de notre mère pendant que nous nous installions confortablement dans le canapé aux côtés du grand-père pour lancer la vidéo. Près de 30 ans après cette expérience, une bonne cinquantaine (au bas mot) de revisionnages et un tatouage à l’effigie de Jerry Dandrige gravé à jamais dans notre peau, nous pouvons enfin venir vous vanter les qualités de l’un des meilleurs films d’horreur de tous les temps.

Charley Brewster est un adolescent sans histoires. Il partage sa vie entre sa mère, sa petite amie, ses amis et ses émissions préférées à la télévision sur les films d’horreur de série B. Tout va être bouleversé lorsqu’il va découvrir que son nouveau et très séduisant voisin est un vampire coriace et sanguinaire.

Premier film écrit et réalisé par Tom Holland, Fright Night est l’exemple type du film lorgnant entre l’hommage et le méta qui fonctionne à merveille. Scénariste jusqu’alors (on lui doit les scripts de l’inoubliable Class 1984 et du très surprenant Psychose 2), Tom Holland décide de raconter les fantasmes de son adolescence lorsqu’on décide de lui confier la réalisation de son premier long métrage. Charley Brewster est l’archétype de ce qu’était Holland au même âge : un adolescent maladroit avec les filles et qui nourrit un amour sans faille aux films d’horreur. Ses meilleures soirées, il les passe devant les classiques de la Hammer ou devant une série B obscure que peu de personnes connaissent. Sa culture et sa soif de découvrir toujours plus de monstres transpirent de partout lorsque l’on regarde Fright Night. Ce n’est pas qu’un simple film avec des vampires aux dents pointues. En dépit du fait qu’il réponde aux codes classiques du film de vampire (la crainte du soleil, le reflet manquant dans le miroir, le rejet de la foi chrétienne…), Fright Night propose une alternative résolument moderne pour son époque. Les transformations sont gargantuesques, c’est un festival de prothèses offrant des gueules démesurées aux comédiens et qui fait de la créature du vampire plus qu’un élément fantastique, il y est représenté comme un véritable prédateur. Jerry Dandrige est, d’ailleurs, le prototype incarné du prédateur qui cherche une proie spécifique et qui, une fois trouvée, entre en phase de séduction intensive afin de parvenir à la dévorer goulument. Tom Holland démontre un véritable amour pour les effets pratiques. Il y a un énorme travail sur les lumières et la mise en scène afin de rendre le plus beau des hommages aux créatures auxquelles il donne vie. A mi-chemin entre la Hammer et la série B, le rendu visuel de Fright Night lui permet de traverser les âges sans trop souffrir du poids des années. Les effets font diablement mouche et lui permettent de garder ses moments de frisson intacts.

Outre un vrai travail de mise en scène et des effets spéciaux en béton, Fright Night fonctionne également grâce à son scénario malicieux et ses acteurs au diapason. L’histoire trouve un compromis idyllique entre la comédie adolescente et l’horreur inspirée des films des années 1960-70 et englobe le tout dans un écrin absolument ancré dans son époque. La nostalgie côtoie le modernisme avec une aisance déconcertante et ceci grâce à des personnages qui maitrisent leur sujet, mais qui savent parfaitement composer avec les connaissances de chacun. Charley et Peter sont deux encyclopédies du cinéma horrifique à eux deux. A plusieurs reprises, ils tentent de chercher une réponse cohérente à une problématique avant d’aller copier ce qu’ils ont vu dans les films. L’aspect méta de Fright Night fonctionne en ce sens où les personnages ont conscience que les créatures fantastiques issues de films réellement existants (Les Cicatrices de Dracula résonnent fortement dans le quotidien de Charley) viennent d’entrer en relation avec leur propre univers. De plus, le film ne grossit jamais les traits du méta pour nous l’asséner à grands coups de sabot, ce qui rend la lecture d’autant plus fascinante que nos héros ont tout à fait conscience des risques qu’ils encourent. Le film évite ainsi tous les poncifs rébarbatifs de ce genre de production afin de proposer du concret le plus rapidement possible. De plus, la fluidité de l’écriture n’octroie aucun temps mort, on ne s’ennuie jamais une seconde, preuve que le futur papa de Chucky en avait sous le coude à l’époque pour parvenir à autant conscientiser son sujet. Il doit aussi sa réussite à un casting prodigieux. William Ragsdale n’a rien d’un superhéros. Il entre parfaitement dans la peau de cet adolescent lambda. Il n’est pas populaire et n’entre pas spécifiquement dans les normes des canons de beauté, Tom Holland s’assure qu’il peut être le « boy next door » idéal. Ragsdale le lui rend parfaitement par un jeu déterminé. Ce qui lui permet d’avoir autant de prestance provient des autres personnages qui gravitent autour de lui. Chacune des personnes qui composent l’entourage de Charley sont dotées d’une qualité qui lui manque : Ed possède une gouaille indéboulonnable quant Amy compte sur son charme naturel. Charley puise en chacun d’eux afin de trouver la force de combattre Jerry. Mais Holland ne se contente pas d’un simple character design de bas étage. Amy et Ed ont également leurs faiblesses; ces mêmes faiblesses qui seront exploitées par Jerry afin qu’il puisse les séduire. Le temps devient alors le dernier rempart afin de savoir qui des bons ou des méchants gagneront la bataille. Ainsi, la notion d’urgence rythme chacun des actes du film, nous renvoyant au sentiment de ne jamais s’ennuyer que nous évoquions plus haut : il se passe toujours quelque chose qui relance les enjeux.

Nous pourrions décortiquer Fright Night durant des colonnes interminables. Ce papier n’est en aucun cas une quelconque thèse et n’a que pour vocation de vous inviter à (re)voir ce film que nous considérons, à bien des égards, comme un chef d’œuvre du cinéma horrifique. Tous les éléments sont réunis pour vous faire tomber amoureux : des acteurs convaincants (on s’est gardé de vous en dire davantage sur Jerry et son acolyte afin que vous découvriez par vous-même ce que le film a à dire sur eux, mais le sous-texte gay et les faiblesses dissimulées de chacun offrent des pistes analytiques fascinantes), des maquillages flamboyants, une bande-originale envoutante et une vraie leçon de mise en scène. Vampire, Vous Avez Dit Vampire ? est une pierre angulaire de notre ADN cinéphilique. Il est inconcevable que vous n’accrochiez pas au film tellement il transpire le travail bien fait et l’amour du cinéma fantastique.

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Article réalisé dans le cadre d’un partenariat avec la plateforme Shadowz.

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