Teddy : La Bête et la Belle

Depuis plusieurs années, le cinéma de genre français revient à la charge, souvent porté par de jeunes réalisateurs ambitieux décidés à sortir du carcan infernal qui voudrait qu’on ne réalise que des comédies ou des drames sociaux lorsque l’on veut commencer sa carrière. Sélectionné à Cannes mais présenté au festival de Deauville l’année dernière en première mondiale puis auréolé de deux prix au festival de Gérardmer cette année, Teddy témoigne de cette ambition en étant un film de loup-garou français, se déroulant dans un petit village du Sud-Ouest de la France !

Déjà co-réalisateurs de Willy 1er en 2016, Ludovic et Zoran Boukherma, frères jumeaux, réalisent donc ici leur second long-métrage avec une véritable envie de cinéma de genre, ceux-ci ayant été biberonnés dès leur enfance par les écrits de Stephen King. D’ailleurs, à y penser, l’idée de situer un film de loup-garou dans les Pyrénées n’a rien d’incongru et colle totalement à l’environnement du coin, avec son village isolé, ses habitants hauts en couleur et son personnage principal mordu qui sent son corps se transformer… Une histoire tout ce qu’il y a de plus classique mais à laquelle les frères Boukherma apportent une véritable personnalité, scrutant avec un œil bienveillant mais aiguisé la France provinciale. Tout en apportant un côté décalé à de nombreuses scènes grâce à des personnages hauts en couleur et des répliques improbables, Teddy parvient ainsi à être la chronique réaliste d’une France trop peu représentée sur nos écrans tout en étant un film de loup-garou plutôt malin. Avec leur approche, le travail des frères Boukherma, n’est pas sans rappeler, dans une certaine mesure celui des frères Coen qui captent également l’Amérique profonde sans jamais se départir de leur style.

Certes, Teddy souffre d’un manque de budget évident, handicapant inévitablement le look du loup-garou dont l’apparition est limitée au maximum (de façon presque frustrante mais néanmoins imaginative). Mais cela, les frères Boukherma le compensent avec un réel talent et un univers singulier comme on aime en découvrir, fait de traits d’humour absurdes (un des personnages s’appelle Pépin Lebref) et de personnages savoureux. En tête de liste, Teddy, le héros de film, jeune homme de 19 ans, qui a arrêté l’école très vite et qui ne vit que pour son histoire d’amour avec Rebecca avec qui il espère faire sa vie sans pour autant savoir de quoi sera fait son avenir. Le personnage à lui seul comporte plus d’authenticité dans sa description et son interprétation (Anthony Bajon est excellent) que bien d’autres personnages du cinéma français récent et aurait tout à fait sa place dans une chronique sociale tant la France regorge de gens comme lui.

C’est cependant du côté du conte que les Boukherma s’aventurent le plus en faisant de Teddy une variation provinciale et détonnante de La Belle et la Bête où l’amour que Teddy éprouve pour Rebecca se montre le plus important et s’avère être le catalyseur de sa bestialité jusqu’à l’explosion de violence finale, inéluctable. S’il comporte quelques longueurs dans sa deuxième partie, force est de constater que Teddy est la proposition de cinéma de genre français la plus excitante et surtout la plus réussie que l’on ait vue depuis un moment et qu’au moment de choisir votre camp entre villageois et loup-garou, on vous conseille fortement de choisir ce dernier si vous voulez passer un bon moment, mélange trop rare de chronique rurale, de comédie et d’horreur.

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