La Troisième Guerre : La face cachée du terrorisme

Réalisateur italien, c’est pourtant la France que Giovanni Aloi choisi pour réaliser son premier long métrage. La Troisième Guerre, avec Anthony Bajon dans le rôle titre de la jeune recrue Léo Corvard, Karim Leklou dans le rôle Hicham Bentoumi et Leïla Bekhti dans celui du sergent Yasmine. Si Leïla Bekhti a déjà fait ses preuves depuis quelques années et Karim Leklou est toujours à l’affiche de Bac Nord, c’est bien Anthony Bajon qui tire son épingle du jeu. Premier rôle dans Teddy, rappeur à succès Carcéral dans Les Méchants, le voilà de nouveau premier rôle d’une histoire beaucoup plus dramatique et dure. Nul doute que 2021 est l’année de ce jeune acteur plein de promesses.

La troisième guerre prend racine dans l’opération Sentinelle, opération militaire visant à combattre le terrorisme sur notre territoire suite aux attentats de 2015. Tous les différents corps de l’armée ainsi qu’une partie de la gendarmerie et de la police nationale y sont mobilisés. Leur mission, surveiller de multiples point sensibles en France. Leur objectif, localiser les menaces et intervenir avant qu’elles ne deviennent des dangers. Durée de la mission, indéterminée. 6 ans et 8 mois après, qu’en est-il de ces soldats dépêchés pour combattre un ennemi qui ne se présente à eux qu’une fois après avoir agit ?

Eh oui, voilà déjà 6 ans que notre pays fut marqué d’une suite d’attentats terribles, plongeant la France dans une stupeur glaçante. 6 ans déjà que l’armée s’est complètement métamorphosée pour répondre à cette nouvelle menace. Giovanni Aloi était présent en France lorsque les attentats ont eu lieu. Le changement radicale du quotidien des français au lendemain de ces attaques l’a profondément marqué pour traiter ces aspects en profondeur. Aujourd’hui, le réalisateur livre, avec La Troisième Guerre, un film d’une puissance dramaturgique tétanisante. Comme sous entendu en préambule, le casting est impeccable. Bien que Léo Corvard soit au centre de l’histoire et que l’on suit son parcours avec plus d’attention, chaque personnage est d’une profondeur et d’un caractère vertigineux. Ils sont entiers, vrais, naturels. Pour le scénario, Giovanni et les acteurs ont reçu l’apport de nombreux anciens militaires de l’opération. Ces derniers leur ont livré beaucoup de connaissances quant à la véracité du sujet. Qu’il s’agisse des postures, des communications verbales et corporelles, des gestuelles ou même d’anecdotes. Toutes ces petites indications permettent à ces personnages d’exister et de vivre avec autant de caractère. Leur véracité de jeu se ressent et donne beaucoup de crédibilité à l’ensemble. Qu’il s’agisse de la relation entre Karim et Anthony, de la vie dans les dortoirs avec un jeu vidéo, des petites échauffourées entre camarades ou simplement de la difficulté en tant que femme soldat, pour Leïla, à être commandant dans une caserne. Tout cela offre une réelle crédibilité pour un panel très large de personnages.

La Troisième Guerre devient vraiment puissant dans le visage quotidien des militaires de l’opération. Eux qui se sont engagés pour défendre un pays contre une menace étrangère, ils finissent par devenir les super nanny de la population française. Quelle perte de reconnaissance et de considération. Un bien triste constat de voir leurs nouvelles prérogatives alors que la lutte, et surtout la surveillance, pourrait se faire bien en amont. La première question qui se pose, est-ce bien à eux de faire ce travail de recherche et de renseignements ? Il existe de bien nombreux services en france qui devraient être dépêchés pour faire ce travail sans devoir soumettre l’armée à cette besogne sur le terrain. Le film montre ce que l’on voit chaque jour sans en connaître les conséquences. Des militaires errant dans les rues, la boule au ventre de tomber nez à nez avec des individus qu’ils recherchent. La fatigue dans les yeux d’avoir la pression d’affronter un ennemi invisible et quasiment inexistant mais qui fera le plus grand mal au pays le jour où il sortira de sa cachette. Les poings crispés de peur d’intervenir pour une fausse menace. Giovanni Aloi et les anciens militaires qui l’ont accompagné à raconter cette histoire témoignent d’un quotidien épuisant et affolant de se battre contre un ennemi invisible. À devoir repérer le moindre geste inattendu, la moindre erreur, le moindre écart de conduite de toutes les personnes qu’ils croisent. L’obligation de rester en alerte en toutes circonstances mais de ne pas pouvoir aider les citoyens car les militaires n’ont pas les mêmes devoirs que la police. En ce sens, le film est d’une tension psychologique monstrueuse.

Difficile de rester de marbre face à un tel drame à l’échelle nationale. Le film ne nous aide pas à nous sentir en sécurité. Entre les difficultés de l’exercice et l’oppression constante et multiple qu’ils subissent (terroristes, supérieurs, gouvernement et population) on découvre des agents au bout du rouleau. Complètements lessivés et paranoïaques du moindre événement anormal ou geste déplacé. C’est ce qui amène progressivement Léo dans une démence incontrôlable. Alors que son seul but était de vouloir être utile à la société et d’aider les gens, il finit par voir le mal là où il n’existe pas. Le film évoque même la décision de Macron de légiférer la manifestation des gilets jaunes par l’opération Sentinelle. Une dérive progressive du système qui amène un corps de l’armée initialement prévu pour défendre les citoyens à le surveiller et endiguer sa réprobation face aux instances du gouvernement. Une belle morale montrant que la folie à laquelle finissent par succomber certains militaires ne vient pas d’une tension terroriste mais bien de la déraison totale du gouvernement qui impose des missions en dehors du carcan initial du corps militaire.

La vie privée de Corvard résonne alors comme la vie citoyenne de la France. Celle que l’on doit défendre. La France qui ne doit pas savoir. Qui doit rester vierge du monde de fou qui pourrait vouloir sa mort et sa destruction. Les militaires combattent alors pour notre insouciance et notre virginité du monde extérieur. Comme un petit poussin chétif qui ne doit surtout pas rencontrer le renard aux abois. Une métaphore qui vaut ses quelques scènes cocasses. Et comme dirait un bon vieux proverbe shadok, mieux vaut pomper et qu’il ne se passe rien que d’arrêter de pomper et qu’il se passe quelque chose. Peut-être mieux vaut il continuer de surveiller et qu’il ne se passe rien que d’arrêter de surveiller et qu’il se produise quelque chose de terrible.

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