L’année du requin : Les dents de la mer version camping

L’année dernière, nous avions été agréablement surpris par Teddy, proposition de cinéma fantastique à la française qui mariait habilement film de loup-garou et peinture sociale de la France provinciale. Avec ce film, les frères Boukherma parvenaient à imposer une patte et une certaine singularité, que l’on était impatients de revoir avec L’année du requin qui leur permet de s’attaquer cette fois-ci à un nouveau genre fortement balisé (et tout indiqué pour une sortie estivale) : le film de requin !

On y suit Maja, gendarme maritime dans les Landes affronter son pire cauchemar : la retraite anticipée ! Pas emballée du tout à l’idée de simplement poser ses fesses sur un transat auprès de son mari Thierry, elle a l’occasion, juste avant de raccrocher, de mener une importante mission : la traque d’un requin qui rôde dans la baie et menace les baigneurs. Elle se lance donc à sa capture avec ses collègues Eugénie et Blaise, décidée à ponctuer sa carrière sur un gros coup.

Un pitch aussi alléchant que l’est son casting avec notamment Marina Foïs, Kad Merad et Jean-Pascal Zadi. Malheureusement, à l’inverse de Teddy, les frères Boukherma ne parviennent pas ici à transcender leur sujet et ne parviennent jamais à trouver le ton juste. Il y a d’un côté la volonté de faire un film de genre, se retrouvant dans quelques moments gores et dans les inévitables clichés du film de requin tout droit hérités des Dents de la mer et il y a de l’autre un aspect comique lourdingue, flirtant parfois avec la parodie, n’arrivant jamais à dessiner ses personnages convenablement. On assiste ainsi médusés à un spectacle particulièrement étrange, celui d’un film souhaitant être pris au sérieux mais qui, conscient de ses limites, tâche de les compenser en ajoutant de l’humour un peu partout, parasitant ainsi de lui-même sa propre nature. Ces deux aspects finissent d’ailleurs par s’annuler l’un et l’autre puisque les enjeux sont constamment désamorcés par la légèreté de l’ensemble, les frères Boukherma semblant plus intéressés par une chronique sociale ici maladroitement exprimée (on tape sur la bêtise des réseaux sociaux attisant rapidement la colère, oui bon…) que par la réalisation sérieuse d’un pur film de requin français.

Il est évident que L’année du requin pâtit de son manque de budget et que les frères Boukherma se sont retrouvés confrontés à une question épineuse : comment faire un film de requin sans trop montrer le requin ? Spielberg, dans la toute première partie des Dents de la mer, avait réussi à contourner ce problème dans ce qui reste un sommet de mise en scène. Sommet auquel les Boukherma sont incapables de se confronter, ici l’absence de requin étant constamment ressentie comme un cruel manque de moyens, jamais compensé par une quelconque inventivité. Au contraire, chacun des plans où il n’est pas là ne fait que trahir le faible budget du film et le fait que les cinéastes doivent composer avec bien trop peu. Et quand le requin animatronique fait son apparition lors de quelques plans (une vingtaine peut-être), c’est pour seulement nous faire dire qu’en 1975, un film a fait mieux que ça et ce n’est pas une séquence réussie et bien tendue (celle de la cage) qui viendra sauver l’ensemble.

L’année du requin est ainsi un film apparaissant comme condamné dès sa gestation : condamné à ne pas être à la hauteur, condamné à dévoiler son faible budget et l’incapacité des cinéastes à le compenser (à leur décharge, il est vrai qu’ils se confrontent à un monstre sacré). Le problème est que les Boukherma semblent ne pas réellement prendre l’ensemble au sérieux, peinant même à dessiner leurs personnages (seule Marina Foïs s’en sort bien et encore on l’a connu en meilleure forme quand Kad Merad et Jean-Pascal Zadi se montrent inutiles car peu aidés par une écriture simpliste), se reposant sur une voix-off et quelques gags lourdingues pour essayer de faire passer la pilule d’un film en perpétuelle recherche de lui-même, incapable d’être à la hauteur de ce qu’il aurait voulu nous offrir sans même réellement essayer de l’être (dans ces cas-là, pourquoi faire ce film ?). Une bien cruelle déception.

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