Minari: La désillusion américaine

La notion « d’American Dream » est encore très ancrée dans la culture des États-Unis (malgré la crise sanitaire et plus précisément la crise économique). Il a conduit des millions de personne à migrer vers ce pays où le capitalisme n’est pas un simple concept. Largement récompensé (Oscars 2021 de la meilleure actrice dans un second rôle pour Youn Yuh-Jung, le Golden Globes 2021 du meilleur film en langue étrangère et le grand prix du jury/public au festival du film de Sundance 2020), Minari – en salles le 23 juin – est un long métrage réalisé par Lee Isaac Chung qui s’inspire de sa propre enfance au début des années 1980. 

Souhaitant vivre le « rêve américain », une famille sud-coréenne déménage dans une petite ferme de l’Arkansas. Jacob (Steven Yeun) a pour ambition d’y implanter une ferme et vendre ses produits à des commerçants, au détriment de la volonté de sa femme Monica (Han Ye-ri). La maison familiale change complètement avec l’arrivée de la mère de Monica, loin du modèle de la « grand mère traditionnelle », mais incroyablement aimante. Leur fils, David (Alan Kim) devra s’habituer à cette nouvelle vie et à la présence d’une grand mère Coréenne qu’il ne connaît pas. 

Minari est la chronique d’une famille qui se décompose à petit feu. Les ambitions du père détruisent l’équilibre fragile du couple et sa relation avec ses enfants au point d’en être effacé. Et l’arrivée de Soon-ja (Yvon Yeo Jeong) venu de Corée les aider n’arrangera pas les choses. Ainsi le film propose tout en finesse et douceur, plusieurs éléments qui ensemble s’harmonisent parfaitement. Il y a d’un coté la relation conjugale incompatible, la volonté de Jacob de bâtir une vie paisible pour ses enfants (mais tout en s’éloignant de sa propre famille) et la découverte de sa grand-mère pour le petit David. Jacob se réfugie dans « la poursuite du bonheur » tandis que Monica dans la religion. Dans tout ceci résulte un énorme manque de communication intrinsèque mettant en relief les difficultés logistiques et économiques immenses incombant à la famille Yi. 
Cette harmonisation est la plus grosse force de Minari, mais également son point faible. Derrière l’écran nous assistons à la vie quotidienne de cette famille en pleine intégration, avec des problématiques définies sans qu’il y ait pour autant une quelconque trace de conclusion. Le film ne fait que survoler ses thèmes sans vraiment les approfondir davantage. Très vite, malgré un refus de tomber dans des facilités dramatiques, Minari affiche un certain manque d’intensité dans son récit. 

Pourtant Lee Isaac Chung a tous les atouts nécessaires pour développer un récit riche avec cette ancrage maîtrisé dans la vie des Yi. Fonder son intrigue autour de la difficulté de cette famille immigrée de réellement communiquer est intelligent. Ils se confondent dans des faux-semblants pour ne pas blesser l’autre jusqu’au jour où tout vole en éclat. La deuxième partie pose alors problème ne développant rien de plus à cette intrigue dramatique et poignante. Le sujet abordé se retrouve être survolé laissant le spectateur sur un final n’approfondissant rien de plus et se concluant sur un goût d’inachevé. 

Outre les quelques soucis scénaristiques, ce cinquième film réalisé par Lee Isaac Chung manque de rythme. La réalisation pose des anecdotes certes belles à regarder, mais par moment non nécessaire. Elles contiennent des dialogues sans grand intérêt, des banalités échangées ou une action des personnages sans réel lien. Les actions plus intéressantes se situent aux alentours de la fin (bien que ce ne soit pas le but du film). Les jours se répètent pour former une boucle où le temps ne s’écoule pas. Les ambitions du réalisateur étaient sans doute trop grandes pour porter le projet sans défauts. Minari n’est certes pas ennuyant, mais seulement assez fade, voire banale. 

Grace aux décors et la musique accompagnant idéalement les scènes, Minari rentre dans la catégorie des films contemplatifs. Très présents dans le cinéma asiatique (notamment Coréen et Japonais), ce sous-genre apporte une plus-value à cette production. Un cadre champêtre loin de la civilisation, une sorte de pause dans cette société des années 80 (en pleine guerre froide et récession). Les paysages sont superbes avec cette prédominance du vert et des couleurs chaudes voir pastel. Le temps est bon, le ciel est bleu et les oiseaux chantent à tue-tête. Dans ce calme et ce décor naturellement simple, des bruits d’insectes prennent place dans des moments de profonds silences. Le tout accompagné de jolie notes de piano et d’instruments à cordes. Minari est une sorte de faux documentaire sur le train-train quotidien d’une famille aux aspirations purement américaines. Les angles abordés agissent comme une morale. Le rêve américain a un prix qu’il faut payer. En cela, le film n’épargne pas ses personnages en proie à des non-dits, de l’orgueil et un souci identitaire. Minari est un beau film dont on regrettera seulement un certain manque d’amplitude.

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