Les Trois Mousquetaires – D’Artagnan : Les amours d’un cadet de Gascogne…

« Tous pour un, un pour tous. » : impossible que nos yeux, nos oreilles et/ou notre esprit puissent être passés à côté de la célèbre devise des trois mousquetaires que sont le chagrin et profond Athos, le truculent Porthos, le mystérieux et trouble Aramis ainsi que l’audacieux et juvénile D’Artagnan. Faisant largement partie de l’inconscient collectif de la culture littéraire française du XIXème Siècle et d’aujourd’hui Les Trois Mousquetaires de Alexandre Dumas est de ces divertissements romanesques éminemment incontournables, que quiconque connaît au moins de réputation et au mieux dans ses lignes les plus affutées, à l’image de la précision légendaire de Aramis et de son érudition biblique ou encore de la maturité existentielle du triste – mais magnifique – Athos. Étant rejoints par le téméraire Charles D’Artagnan dès les premiers chapitres du roman-fleuve de Dumas les trois mousquetaires sont – de fait – définitivement quatre hommes agissant d’un seul homme, soldats du Roi Louis XIII sous les ordres du capitaine de Tréville lancés dans une gigantesque aventure opposant la France à l’Angleterre dans la distinction, le classicisme et la beauté chevaleresque d’un XVIIème Siècle haut en couleur.

Attendu depuis près de deux ans désormais et fruit de plus de huit mois de tournage endiablé passés entre Paris, Compiègne ou encore Saint-Malo Les Trois Mousquetaires de Martin Bourboulon sortira donc sous la forme de deux chapitres filmiques des plus conséquents, le premier étant visible dès ce mercredi 5 avril 2023 dans nos chapelles obscures lorsque le second est prévu pour décembre de cette même année. Projet dantesque, fou et forcément généreux ladite production – prévue pour durer quatre heures au total – renoue avec un certain cinéma de cape et d’épée plus ou moins oublié depuis près d’une vingtaine d’année dans nos contrées hexagonales (les derniers exemples marquants du genre remontent – de mémoire – au milieu des années 90 avec des films tels que Le Hussard sur le Toit de Jean-Paul Rappeneau et Le Bossu de Philippe de Broca, ndlr) ; reprenant principalement les tenants et aboutissants de la première moitié du roman Les Trois Mousquetaires : D’Artagnan adapte néanmoins assez librement le matériau originel, faisant la part belle à un casting absolument prodigieux doublé d’une direction artistique comptant parmi les plus agréables et les plus imposantes de ces dernières années de Cinéma français souvent réduites à du télé-filmage fonctionnel et tristement indigent.

Un casting idoine, sur mesure et – de fait – cinématographiquement impeccable ; un mot à prendre au sens premier du terme : « sans péché » , n’empêchant aucunement l’identification ou la portée imaginaire allant de pair la distribution des Trois Mousquetaires opérée par Martin Bourboulon fait figure de ravissant cadeau cinégénique mettant de surcroît en lumière les caractères fascinants des personnages du roman savamment écrits et dépeints par Alexandre Dumas voilà maintenant près de 200 ans. Qu’il s’agisse du jeune et apparemment naïf François Civil, de l’aguerri et buriné visage de Vincent Cassel, de la charpente solide et impétueuse de Pio Marmaï ou encore de l’élégante et souple silhouette de Romain Duris le casting de ce premier volet est un authentique sans-faute de Septième Art, traduisant pertinemment le quatuor de personnages principaux incluant respectivement D’Artagnan, Athos, Porthos et Aramis… Un apparat humain par ailleurs magnifié par la splendeur des décors, des costumes et des accessoires, autant d’éléments parvenant à retranscrire l’univers littéraire dudit roman avec panache et prodigalité.

Ainsi la direction artistique et la distribution des rôles, intimement liées in situ forment d’emblée les deux qualités premières et principales de la grosse production dirigée par le réalisateur de Papa et Maman et sa suite… Toutefois si Les Trois Mousquetaires : D’Artagnan témoigne tout de go de ses promesses de rêve et de grand cinéma pittoresque largement tenues sur le plan purement visuel il reste techniquement et dramatiquement assez (très ? trop?) sage et conventionnel d’un bout à l’autre de son déroulement. Certes ledit métrage fait montre d’une belle ambition en apparence, jouant de ses combats tournés en longs plans-séquence et d’une caméra souvent mobile, vouée à densifier l’action et les multiples pérégrinations de nos héros présentés dans une jolie virilité un tantinet crasseuse et mordorée dans le même mouvement d’évidence… Hélas ledit chapitre ne dépasse jamais son sujet ni le stade du bon et beau divertissement cinématographique rapidement assimilé mais tout aussi rapidement oublié une fois sa projection révolue. En outre si Vincent Cassel excelle en mousquetaire classieux mais amoindri par ses faiblesses de coeur (les démons de Athos et son charisme sombre sont ici admirablement retranscrits par le comédien) de la même façon que Pio Marmaï et Romain Duris interprètent tout à fait honorablement Porthos et Aramis le très bankable François Civil reste un gros degré en-dessous de ses partenaires de jeu, visiblement moins à l’aise avec l’imaginaire chevaleresque du projet car n’arrivant pas à totalement nous faire oublier les nombreux rôles de jeune premier un peu gentillet qu’il incarna ces dix dernières années dans des films aussi différents que Five, Deux Moi ou même le remarquable Burn Out de Yann Gozlan…

Une tête d’affiche tout sauf antipathique mais justement trop fraîche, trop univoque pour permettre de mettre en valeur l’ambivalence de l’audacieux Charles D’Artagnan ; le côté « jeune chien fou débordant de sentiments » du personnage s’avère parfois assez bien rendu par le comédien, mais l’on ne peut s’empêcher de percevoir davantage François Civil entrain de jouer le célèbre mousquetaire qu’un acteur littéralement habité par son rôle… On se réjouit beaucoup plus des prestations des comédiennes entourant le quatuor, à commencer par la ténébreuse Eva Green jouant superbement l’intrigante et vénéneuse Milady et surtout l’extraordinaire Vicky Krieps définitivement capable de faire exister ses personnages en un rien de temps (son interprétation charmante et magnétique de la reine Anne d’Autriche risque de rester dans les annales du cinéma français). Lyna Khoudri demeure quant à elle tout à fait conforme à l’image et à la personnalité que les lecteurs du roman de Alexandre Dumas pouvaient se faire de la figure de Constance Bonacieux, parfaite en faucheuse des coeurs mettant à mal celui du jeune D’Artagnan à ses dépens…

Le rythme et la conduction du récit dudit chapitre filmique permettent aisément de ne pas s’ennuyer au regard du divertissement qu’il représente, bien qu’ils restent imperturbablement trop classiques pour que nous criions au génie ou – a minima – à une quelconque forme de transcendance artistique. Sans réelles surprises (nous pourrions timidement pointer l’audace d’avoir introduit la figure de Milady bien moins tardivement que dans l’Oeuvre de Dumas, audace certainement opérée à dessein de promouvoir le deuxième chapitre du projet chapeauté par Martin Bourboulon, ndlr) Les Trois Mousquetaires : D’Artagnan reste ni plus ni moins un bon divertissement de Septième Art visuellement plus que correct mais de registre et de développement un rien formaté et sans grandes prises de risque… Il détient en revanche l’avantage de nous inciter généreusement à voir la suite prévue à la fin de cette année 2023, tout en nous conviant avec sympathie à nous plonger à corps et coeur perdus dans les tréfonds aventureux du roman de Dumas. C’est donc pas mal du tout – et c’est déjà beaucoup.

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