Lyna Khoudri : L’engagée !

Si vous l’avez aperçue tout récemment au cinéma dans le premier volet de Les trois Mousquetaires chapeauté par Martin Bourboulon, on vous l’assure, vous allez continuer de voir Lyna Khoudri sur tous types d’écran. Elle qui jouait la maligne et pétillante Constance Bonacieux aux côtés d’un d’Artagnan (François Civil) tout aussi rusé et charismatique n’en est pas à son premier coup d’essai, loin de là. La jeune actrice Lyna Khoudri d’origine Algérienne a – à seulement trente ans – une filmographie bien remplie, témoignant à la fois d’une cohérence de choix d’interprétations comme d’une capacité à pouvoir tout interpréter. À l’occasion de la sortie DVD de Houria (dont la critique est disponible, allez y jeter un coup d’œil), mais aussi de Une Zone à défendre, long métrage disponible sur Disney+, nous avons décidé de diriger notre projecteur sur Lyna Khoudri, qui, nous en sommes persuadés, a encore un bel avenir dans le cinéma français, et bien plus encore.

Bien qu’elle apparaisse plus récemment dans de grandes productions françaises et américaines, Lyna Khoudri a commencé sa belle carrière d’actrice dans le cinéma franco-algérien, dont la culture ne lui est nullement étrangère. Lyna Khoudri, tout comme les personnages de jeune femme qu’elle a pu interpréter durant le début de sa carrière, est d’origine algérienne. C’est durant la décennie noire (période d’ailleurs détaillée dans Papicha, long métrage de Mounia Meddour qui la poussera sur le devant de la scène en 2019) qu’elle et ses parents décident de venir vivre en France, pays où la liberté de la femme est plus importante qu’en Algérie. C’est un pays traversé et divisé par une violence sans précédent, liée à l’islamisme radical, imposé par des terroristes. Malgré ce départ de son pays, notre jeune actrice ne se sépare pas de ses racines, bien au contraire ; sa première apparition se fait dans Les Bienheureux de Sofia Djama, film éminemment engagé, retour sur la guerre civile algérienne et la menace du fondamentalisme religieux, qui ne cesse d’exister.

Papicha

C’est à travers le même prisme, celui de vouloir raconter l’Histoire récente – et les plaies encore ouvertes – de l’Algérie que Lyna Khoudri se fait connaître du grand public grâce à Papicha, film réalisé par Mounia Meddour, réalisatrice algérienne qui deviendra sa réalisatrice fétiche. Lyna Khoudri joue son tout premier rôle, celui de Nedjma, une Algérienne qui voit son pays enfin libre se faire constamment attaquer par les partisans de l’islamisme radical, voulant obliger les femmes à porter le voile intégral, à coup d’attentats meurtriers dans les années 90. Pourtant, Nedjma ne baisse pas les bras et organise un défilé de mode en l’honneur des femmes. Cette interprétation juste et tout simplement impressionnante pour la jeune femme lui vaut le César de la meilleure actrice en 2020, portée par les applaudissements du peuple Algérien, qui déclarait « Papicha, vous avez la Palme d’or de notre cœur ». Ce succès audiovisuel pour la jeune femme comme pour sa réalisatrice leur permet de continuer leur collaboration avec Houria fin 2022, film salvateur sur une jeune danseuse classique algérienne qui ne peut plus danser ou encore parler suite à son agression perpétrée par un homme, dans la rue. Elle apprend à revivre dans un pays encore meurtri. Ce que l’on retient avant tout de cette dernière collaboration en date, c’est que Lyna Khoudri peut tout interpréter. Si sur le papier Houria proposait un scénario engagé (comme à l’habitude de Mounia Meddour) en mettant en avant des thématiques propres à l’Algérie actuelle telles que la condition des femmes, les cicatrices du passé, mais aussi le handicap, la sororité, la migration et la reconstruction, Houria est un film dont on ne se rappellera pas forcément, à l’inverse de Lyna Khoudri. C’est bien elle qui continue de capter l’attention de la caméra même lorsqu’elle ne dit plus un mot. L’actrice a d’ailleurs appris à parler avec son corps, tant pour parler le langage des signes que pour danser, ce qui sauve quelque peu une œuvre qui ne va pas au bout de ses ambitions. Bien que Lyna Khoudri demeure dans ces deux œuvres engagée, impliquée et à son aise, il nous semble plus enrichissant de découvrir en premier lieu Papicha ; on comprend aisément pourquoi ce film a fait connaître la jeune femme.

Une zone à défendre

Cet engagement lié aux causes actuelles telles que le féminisme, la liberté ou encore l’écologie propres à Lyna Khoudri se retrouve dans le dernier choix cinématographique de l’actrice touche-à-tout : une Zone à défendre de Romain Cogitore. Le dernier long métrage en date du réalisateur propose une Lyna Khoudri nommée Myriam, habitant dans une ZAD qu’elle défend avec sa communauté. On retrouve d’ailleurs son partenaire de jeu François Civil qui joue Greg, un policier infiltré au sein de ce lieu, destiné à être détruit, perçu par la police et le gouvernement comme un endroit abritant des dangers pour la démocratie. Pourtant, Greg tombe sous le charme de Myriam, et revient en ces lieux quelques mois plus tard en apprenant être le père de son enfant. Ce que l’on peut dire, c’est que le duo Khoudri-Civil (aperçu évidemment dans Les trois mousquetaires ; D’Artagnan) profite au film de Romain Cogitore, qui signe une œuvre honorable, sans pour autant nous faire totalement découvrir les ZAD. Le gouvernement est le grand méchant, tandis que ni les vies des policiers ni des Zadistes ne sont davantage explorées. C’est peut-être d’ailleurs la première fois que notre jeune actrice joue un rôle aussi peu développé : et pourtant, il y avait à faire. On ne sait trop rien des grandes motivations du personnage, ni de son passé.

Novembre

Car oui, si Une Zone à défendre est le dernier long métrage en date dans lequel notre actrice franco-algérienne a joué, elle a entre ses deux collaborations avec Mounia Meddour pu interpréter plusieurs personnages secondaires, tous pensés avec de la profondeur et de l’importance. Tous ses autres rôles – effectués entre la réalisation de Papicha et de Houria que l’on peut considérer comme des bornes chronologiques – lui ont effectivement valu de s’intéresser activement au personnage qui, bien que secondaire, nécessitait une connaissance de son milieu de vie, et de son époque. Des rôles romanesques, et de personnages venant d’une autre époque tels que ceux de Constance Bonacieux dans Les trois mousquetaires : D’Artagnan ou encore celui de Nélie, jeune femme qui usurpe l’identité d’une femme morte sur le front en 1914 dans La place d’une autre de Aurélia Georges lui valent de très nombreuses félicitations et la réputation de pouvoir jouer n’importe quel personnage, de n’importe quel temps. Que ses origines magrébines soient inaugurées dans les œuvres de Mounia Meddour ou représentées dans Novembre de Cédric Jimenez (Khoudri y joue un témoin clé, femme musulmane), elles ne sont pas évidemment les éléments majeurs de sa réussite. Lyna Khoudri a tout autant joué dans des films plus pétillants voire bankables, comme l’avant-dernier Wes Anderson, The French Dispatch.

Finalement qu’importe si vous l’avez découverte en second rôle dans un grand film français, premier rôle dans un film franco-algérien engagé ou encore rôle principal aux côtés d’un des plus grands acteurs du cinéma français sur Disney plus. Bien qu’elle ait interprété des personnages d’une autre époque comme personnages de notre temps, Lyna Khoudri peut vraisemblablement tout interpréter. 

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