Validé – Saison 2 : Validé par la street, validé par les streams

Le funeste destin de Hatik aka Apash à la fin de la saison 1 de Validé nous avait littéralement estomaqué. Rarement une série n’avait été un tel phénomène avec un sens du spectacle aussi impressionnant. En seulement 10 épisodes, l’histoire de ce jeune rappeur nous avait violemment pris aux tripes. Sans l’ombre d’un doute, Franck Gastambide a su s’imposer dans le monde du rap et des séries en seulement une saison. Mais il ne pouvait décemment pas nous laisser avec ce final amèrement jouissif. Il nous fallait la résolution de ce mystère qui a tourmenté nos esprits pendant de bien trop nombreux mois. Alors qu’on se torturait tous l’esprit à essayer de savoir qui avait bien pu assassiner Apash en direct, Franck Gastambide a fini par guérir notre désespoir. Pour notre plus grand soulagement, il a écouté notre deuil.

Difficile pourtant de perdurer une histoire sans son personnage phare et aussi emblématique que fut Apash. Son caractère, sa présence et son charisme sont autant d’atouts qui l’ont rendu aussi avenant. Accompagné de ses deux acolytes, il était parfaitement écrit pour être aimé de tous, humain, faillible et profondément bienveillant. En frappant d’une pierre deux coups, Gastambide a trouvé la recette ultime. Explorer l’univers du rap au travers les yeux d’une femme tout en s’épargnant de devoir réitérer l’exercice de trouver une personnalité masculine aussi intéressante que n’a su la rendre Hatik. Exercice accessoirement impossible. C’est ainsi qu’est introduite Sara aka Lalpha, la rappeuse talentueuse découverte par le label Apash Music, qui devra succéder au défunt rappeur. Avec sa jolie frimousse et son sourire innocent, l’actrice sait conquérir nos cœurs avec une facilité déconcertante. Notre appréhension à réussir à apprécier autant un personnage principal une seconde fois disparaît plus promptement que prévu. Laetitia Kerfa remplit toutes les conditions attendues. Elle rappe bien, elle joue bien, elle sait s’imposer, bref, tout comme la série, elle est validée.

À vrai dire Validé saison 2 impose le respect. Après la claque de la saison 1, il était raisonnable de se questionner sur la qualité d’une suite. Et surtout s’il serait possible de maintenir une authenticité aussi forte. Le réalisateur force notre respect. Sa maîtrise de la tension et de la narration est parfaite. Toutes nos craintes n’ont cessé de voler en éclat à chaque épisode de cette seconde saison. C’est rythmé, intense, particulièrement prenant, sombrement tragique tout en étant aussi drôle que la première saison. Définitivement l’histoire de Validé est une vraie réussite narrative et scénaristique. Franck Gastambide continue d’inviter des guests tous aussi chauds les uns que les autres pour rendre l’histoire, non seulement encore plus concrète, mais diablement efficace et crédible. Juste pour vous teaser un peu, l’entrée en scène de Rohff est tout simplement dingue. Certaines des interventions de rappeurs qualifiés pulvérisent nos attentes. Rarement une série française n’avait réussi à être à ce point angoissante et captivante. Avec une vraie profondeur scénaristique, on suit l’univers musical et commercial du rap au travers de ses déboires concurrentiels et de ses clashs et autres échauffourées entre rappeurs. Une série clairement violente et mature comme on en voit tristement trop peu dans le spectre sériel français. Accompagnée par une photographie terne à l’ambiance underground très bien sentie. Donnant un aspect crasseux et glauque, appuyant l’effet conflictuel permanent des personnages de la série. Doté d’une bande son absolument géniale et tonitruante, des textes forts et bien conduits par des artistes clairement experts dans le milieu. Les prods sont toutes plus folles les unes que les autres et répondent parfaitement bien à la mise en scène. Quelques fois spécialement écrites et produites pour l’occasion, il n’y avait pas meilleur coup de maître pour imposer son œuvre.

Il subsiste cependant une multitude de défauts qui reflètent à plus ou moins grande échelle les échecs de la série. En étant magistralement bien écrite et sombrement crédible, les petites bourdes viennent surtout d’une volonté de conclure l’arc narratif des personnages qui le méritent ou d’accélérer celui de ceux qui ont pris une place trop importante. Le réalisateur faisant preuve d’une incontestable maîtrise du sens dramatique, on peut pourtant lui reprocher par moment quelques petites facilités façon Deus ex Machina. On s’étonnera, en effet, de la réapparition, voire de la non-disparition, de certains personnages. Ces personnages sont clairement là pour contrebalancer la coalition massive et meurtrière (physiquement à travers le personnage de Karnage et publiquement au travers du personnage de Yamar) à laquelle nos héros font face. La force d’opposition est si puissante et écrasante face aux jeunes talents qui tentent tant bien que mal de se faire une place, que le retour de certains personnages sonne comme un aveu de faiblesse de Gastambide de leur donner un soutien rédempteur nécessaire pour leur survie. Si l’effet de surprise de la saison 1 parvenait à faire passer la pilule, l’artifice passe nettement moins inaperçu ici. Ce qui apparaissait alors comme un véritable jeu d’échecs financier et de business, devient dorénavant un habile jeu de vengeance où honneur et confiance laissent place à trahison et coups fourrés. Il n’y a plus la place pour les négociations, le chantage et les coups de pression. On assiste directement à une ardente volonté de détruire une carrière, un artiste, un label. Et s’il faut passer par la violence, ce ne sont pas quelques disques de sang sur les murs de la maison de disques qui suffiront à entacher son image.

Cette saison apparaît finalement comme étant beaucoup plus dure et violente dans ses enjeux. Le final de la première saison s’étant largement terminé en apothéose, la suite se doit de poursuivre cette lancée. Sans surprise, Validé saison 2 réussit à rendre son histoire particulièrement sombre malgré une écriture beaucoup plus légère. À cause de la situation de son héroïne, la narration évolue en deux temps. D’un côté il y a le rap game, déjà très dur, violent, misogyne et hypocrite dans sa structure. Et de l’autre il y a le mafia game, une strate supérieure qui dirige intégralement le rap game tel qu’il est présenté et faisant intervenir d’autres protagonistes, plus dangereux, meurtriers et sans la moindre pitié. De facto, on oscille en continu entre une histoire plutôt inquiétante, mais mesurée dans son impact, et une histoire tragique, à la tension palpable et à l’intensité sans précédent. Si à la fin l’histoire tend vers une résolution plutôt joyeuse, les scénaristes ne nous auront clairement pas laissé tranquille au fil du récit. Avec une histoire de haute voltige de cet acabit, c’est un récit sans fausse note qui nous a clairement pris aux tripes durant 2 saisons. En cherchant la petite bête, les erreurs de cette seconde saison se révèlent beaucoup plus sachant que le spectateur est plus alerte. On pourrait en tenir rigueur aux scénaristes et créateurs de la série, mais la puissance dramatique est d’une telle qualité qu’en réalité, on ne peut que s’incliner devant une telle efficacité. Le seul réconfort critique qu’il nous reste est l’absence de certains guests du rap français. Gastambide et Fianso se sont clairement exprimés publiquement sur l’absence de ce dernier, mais il est vrai que bon nombre des plus grands manquent à l’appel, meurtrissant notre petit cœur faible de fan.

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