Un Monde : dur et beau comme trois pommes…

D’emblée, dès leurs premières secondes certains films augurent sans médiation leur excellence et leur unité artistiques ; tel est le cas du premier long métrage de la cinéaste belge Laura Wandel, disponible en DVD et Blu-Ray depuis le 6 septembre de cette année : le très réussi et très immersif Un Monde, drame sur la cruauté humaine filmé à hauteur d’enfant et suivant à la trace la figure de la petite Nora, fillette et sœur cadette du jeune Abel, inscrits dans la même école…

Entièrement filmé du point de vue de Nora Un Monde commencera et ne s’en tiendra qu’au microcosme de l’école primaire dans laquelle Abel et sa soeur iront, viendront et subiront la dure réalité de l’intégration sociale opérée par leurs semblables. Éprouvant et d’assez courte durée ce premier essai fut l’un des évènements joliment plébiscités par le public de la 74ème édition du Festival de Cannes de l’année passée, prétendant à la Caméra d’Or et scandaleusement reparti bredouille de la Sélection Un Certain Regard ; si d’autres films francophones avaient d’ores et déjà représenté l’enfance à sa juste hauteur (on se souvient entre autres choses du sympathique Demi-tarif tourné à la sauvette par Isild Le Besco dans le courant des années 2000, ndlr) rarement une première oeuvre de cinéaste nous aura semblé aussi évidente dans sa charge violente et émotionnelle, plongée apnéique dans la jungle micro-sociétale d’une cour de récréation re-présentée telle une prison. Sur un peu plus d’une heure Laura Wandel suivra donc à la trace la figure magistralement interprétée par la jeune et prometteuse Maya Vanderbeque, montrant une enfant tiraillée entre sa quête d’intégration parmi les autres écoliers, son désir de soutenir un grand frère régulièrement persécuté par ses camarades de classe en dénonçant ces derniers et son devoir d’appliquer une loi de l’omerta dévastatrice perpétuant en elle-même le cercle vicieux du harcèlement scolaire…

Laura Wandel épure sa réalisation et sa mise en scène au gré de plans-séquence allant directement à l’essentiel, filmant très peu les adultes pour mieux se concentrer sur un malaise infantile mêlé de tourments et de culpabilité. La justesse prodigieuse de l’écriture tient principalement au fait que la réalisatrice ne verbalise que très peu ou simplement ce qu’il faut, montrant la souffrance d’une soeur témoin des sévices infligés à son grand frère incapable de se défendre par lui-même et verrouillé dans son vœu de loyauté indéfectible à l’encontre du silence et de la loi des plus forts… Simple et rondement mené Un Monde s’affiche tout d’un bloc comme un film politique allant près de l’os tout en usant d’un sens du contrepoint étoffant très intelligemment son propos, notamment au travers du personnage du père incarné par l’excellent Karim Leklou ; secondaire mais nécessaire au récit ce paternel chômeur met en lumière les attentes sociétales de ses enfants, eux-mêmes jugés par leurs camarades portant un regard critique et sans pitié sur le monde – hors-champ celui-ci – de la vie active et des classes populaires voire en marge du système.

Un Monde est de ces plongées immersives totalement révoltantes et constructives dans le même mouvement de maîtrise formelle. Sans musique, baignant dans une lumière ouatée aux tonalités bleues et dépressives le premier long métrage de Laura Wandel peut de loin rappeler le cinéma des frères Dardenne dans son approche vériste des émotions et des situations, la proximité en plus. Davantage empathique que l’Oeuvre des auteurs de Rosetta et de L’Enfant Un Monde s’avère être un choc cinématographique d’une brillance remarquable, faisant la part belle aux instants volés de l’enfance tout en faisant montre d’une réalisation précise et quasiment chirurgicale. Une très belle surprise.

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