Titane : La Mouche (en beaucoup moins bien)

Intrigués voir fascinés par son prometteur et premier long métrage Grave (morceau de genre osant et proposant des idées formelles et thématiques assez puissantes et sorti en salles en 2017, ndlr) nous attendions Julia Ducournau au tournant dans l’espoir qu’elle transforme l’essai avec son nouveau film Titane présenté cette année en sélection officielle du 74ème Festival de Cannes et sortant en salles dans la foulée en cette journée du 14 juillet 2021. À nouveau ancré dans le genre (comprendre film d’horreur flirtant avec le fantastique ou du moins l’étrange, le déviant, le bizarre…) ce deuxième long-métrage s’avère être – disons le sans ambages – une assez grosse déception, peinant à déployer son histoire et surtout souffrant des mêmes défauts que Grave sans en conserver les qualités majeures. Prisonnière de ses références (on pense un peu au cinéma jubilatoire de Quentin Tarantino au détour de certaines scènes, dans cette manière de rendre ludique la violence représentée, mais surtout énormément à celui, encore plus viscéral, de David Cronenberg dans l’évidente similitude des thèmes abordés par la réalisatrice) Julia Ducournau semble dès les premières minutes griller ses cartouches, inaugurant son Titane par une assez saisissante scène d’accident de voiture (impossible ici de ne pas penser à Crash, film qui sera du reste largement cité tout au long du récit…) suivie d’une séquence de twerk visuellement flashy aux intentions clairement racoleuses à travers laquelle nous découvrons – en petite tenue – Alexia, l’héroïne dudit métrage interprétée par Agathe Rousselle.

Bancal mais tout à fait regardable dans le même temps (la capacité de la cinéaste à « mettre en scène » ses personnages demeure peu discutable, et ce malgré nos réserves…) Titane raconte donc le destin d’Alexia, serial-killer en cavale fortuitement adoptée par Vincent (Lindon), chef de la brigade des sapeurs-pompiers d’une ville de la région PACA ayant perdu son fils Adrien par le passé dans de mystérieuses circonstances et trouvant en la personne de la jeune femme le substitut idéal de son chérubin disparu depuis tant d’années. Entres autres choses Titane y va de sa petite variation de l’enfantement-monstre inhérente au chef-d’œuvre La Mouche de Cronenberg et de sa petite version de la fusion chair-mécanique au détour d’une scène orgasmique, saphique presque, présentant Alexia en pleine jouissance sur la banquette arrière d’une voiture (Crash, encore une fois)… Si le résultat final s’avère déconcertant car souffrant d’une écriture fâcheusement paresseuse et tarabiscotée (manquant énormément de liant Titane cultive un côté marabout-bout-de-ficelle dans la conduction de son récit, articulé autour d’un système de séquences fonctionnant indépendamment les unes par rapport aux autres, mais pas dans leur imbrication ni dans leur agencement global), il inspire également un sentiment de redite imputable au précédent Grave : ainsi le premier long-métrage de Julia Ducournau nous plongeait d’ores et déjà dans les affres de la chair, de la violence et d’une sexualité ambigüe au travers d’une narration pas toujours maitrisée, trop « séquencée » pour permettre son appréciation dans sa vision d’ensemble. Titane réitère le même principe narratif en en dévoilant les limites sur la durée, trop erratique et digressif pour satisfaire pleinement nos attentes de cinéma…

Si Agathe Rousselle, forte d’un physique atypique et donnant de belles choses à voir à l’écran (sa cinégénie se voit doublée d’un bel effort de re-fabrication corporelle en la forme d’une chair à la fois tatouée, suppliciée, hybride et enceinte toute à la fois ) tire entièrement son épingle du jeu, Vincent Lindon s’avère quant à lui comme en marge d’un film avec lequel il semble en permanence dénoter ; en d’autres termes Titane propose de bonnes et belles audaces de cinéma, mais s’avère en partie raté ou du moins inabouti, Julia Ducournau semblant se reposer sur les acquis de Grave sans jamais dépasser le stade du film à thème… N’est pas Cronenberg qui veut !

3 Rétroliens / Pings

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