Space Jam : Ça cartoon !

Dire qu’un jour nous devrions nous mettre face à un titre incontournable de notre cinéphilie d’enfant, loué à force d’aller-retour chez notre fournisseur officiel avant de trouver la VHS au supermarché. La bande a été usée d’une VHS qui hante notre grenier avec les dernières K7 résistantes d’une période chérie de notre vie. Mais il faut avouer la difficulté de revoir Space Jam en gardant notre âme d’enfant. Nous avons mûri et affiné notre besoin de longs-métrages pour finalement être totalement objectif sur le produit consommé. Car avec le temps, s’apercevoir que Space Jam est un produit désigné comme tel par des pontes de la Warner souhaitant propulser les Looney Tunes au cinéma en compagnie de la plus grande star de la planète de l’époque, c’était diablement bien réfléchi. Space Jam fut un raz-de-marée alors que MJ revenait au Bulls après une escapade ratée en MLB. Pour les explications de ce choix de carrière, on vous envoie à la géniale série documentaire The Last Dance disponible sur Netflix.
Pour revenir à Space Jam qui se cale dans cette entremise dans la carrière de Jordan, l’effet fonctionne toujours malgré une combinaison défaillante avec l’aspect artistique. La technique est novatrice, voire encore stupéfiante en haute-définition, mais bordel, Warner Bros a oublié de recruter un metteur en scène.

Space Jam est une heureuse combinaison de bonnes idées, trois films pour le prix d’un, nous offrant un traitement familial des affres de la carrière de Michael Jordan croisé avec un dessin animé des Looney Tunes et un léger regard sur le showbiz. Showbiz, car le film est une entreprise commerciale balançant des stars sportives à chaque coin de l’écran pour promouvoir du mieux possible la NBA, et le cinéma avec un Bill Murray venant faire le pitre pour le bon compte du producteur du film, Ivan Reitman. Les Looney Tunes s’incrustent à l’écran pour divertir les bambins tout en comblant les parents qui ont eux aussi grandi avec les cartoons. Nous remercierons jamais assez Canal+ pour notre part d’avoir programmé des années durant Ça Cartoon présenté par Philippe Dana le dimanche soir entre 19h et 21h. Quel pied c’était ! Aujourd’hui, les toons se consomment au petit déjeuner le week-end sur l’iPad à force de 2/3 épisodes. Le plaisir reste intact surtout restauré en haute-définition.
Nous avons donc enfin découvert Space Jam en HD grâce au Blu-Ray sous blister qui traîne depuis des lustres dans notre Filmothèque. Le film se redécouvre donc, et ce, toujours en version française pour retrouver la saveur nostalgique d’une telle projection. 

Space Jam s’exhume funestement de notre esprit comme un spot à la gloire de Michael Jordan dans sa première partie. L’introduction essaye de justifier le conte de fées de son parcours avant de tomber en deçà via une tentative à la batte. Heureusement les Looney Tunes sont là pour être les comiques de situations fun et toujours aussi efficaces pour tirer MJ vers le haut et lui redonner le goût de la balle. Mais Space Jam s’avoue être une publicité grandeur nature entre les différentes marques de sport s’affichant fièrement aux côtés des stars, McDonald’s qui se pose bizarrement dans le décor d’une chambre de motel puis les différentes autres boissons… Space Jam est une course à l’affichage publicitaire conscient d’atteindre un vaste public, surtout McDo avec ses jouets dans le Happy Meal et les affichages dans les restaurants. Bref, le spectateur est attaqué de partout alors que le film n’a à peine fait montre de la moindre qualité de cinéma, au mieux de divertissement.

Space Jam est un pur divertissement en roue libre cochant le cahier des charges d’une production ayant chouchouté sa star entre deux saisons de NBA et produit ce spot propagande valorisant son catalogue. Tout est fait pour que cela cartonne et atteigne un public de consommateurs avides de Looney Tunes et de Warner Bros. Daffy Duck l’assure en collant son cul à l’écran avec le logo du studio l’embrassant plein bec.
En cela, Space Jam est une réussite atteignant son objectif mercantile. Mais qu’en est-il de sa qualité artistique ? Le film, qui lorgne du côté de Roger Rabbit, réemploie la technique d’incrustation et de combinaisons entre animation et comédien live de brillante façon. Un procédé recherché à l’époque entre le précédemment cité film culte de Robert Zemeckis, l’oublié Richard au Pays des Livres Magiques avec Macaulay Culkin ou bien plus tôt souvenez-vous de Mary Poppins, Mélodie du Sud ou L’Apprentie Sorcière chez Disney. La technique d’incrustation est rôdé et carbure à son paroxysme dans Space Jam, le film affrontant l’épreuve du temps avec une facilité déconcertante.
Le problème majeur de Space Jam est de montrer son incapacité à être du cinéma. Flagrant aujourd’hui avec cette perte dramatique de candeur, Space Jam est dirigé par un technicien n’apportant rien de plus de ce qui est attendu par le studio. Joe Pytka, réalisateur de publicités, de clips musicaux, ayant énormément collaboré avec Michael Jordan dans sa carrière, sert la soupe sans jamais apporter la moindre idée, le moindre plan de cinéma. L’approche est basique envers une commande ne laissant pas la moindre place à l’expérimentation, l’expression d’idées évitée par une mise en scène à la solde d’une star contrôlant son image et à un studio promouvant son catalogue.

Space Jam se révise avec nostalgie, produit de cinéma d’une époque dorée pour l’enfant que nous étions. Possibilité d’apercevoir de la NBA, de profiter de la présence de Michael Jordan aux côtés de nos chers héros du dimanche soir. Le long-métrage est la combinaison parfaite de ce qui faisait vibrer le chaland au milieu des années 1990 entre l’énergie et le pouvoir mercantile de la NBA sous le prisme du numéro 23 et les enfants avec les Looney Tunes dans la dernière grande période avant que les personnages se perdent sur une vague chaîne du câble avec une 3D produite en Inde. Space Jam est une réclame de 88 minutes sans la moindre fibre artistique, mais à la technique infaillible et bienfaitrice envers un divertissement simple et agréable brisant aisément l’épreuve du temps.

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