L’enfer des Zombies : A star is born !

Shadowz n’en finit pas d’étoffer son catalogue des œuvres de Lucio Fulci. Cinéaste prolifique, adoubé de surnom de « poète du macabre », il a bien failli ne jamais connaître ces honneurs. Les histoires autour de la création de L’enfer des Zombies sont passionnantes et pourraient faire l’objet d’un papier entier, nous allons essayer d’être concis afin de vous planter le décor. Originellement proposé à Enzo G. Castellari, L’enfer des Zombies est né suite au succès phénoménal de Zombie de George A. Romero sur le sol italien (film dont Dario Argento a supervisé le montage pour les circuits européens). Le producteur, Ugo Tucci, entend proposer une suite direct au chef d’œuvre de Romero et, globalement, le cinéma italien ne se privera pas pour se réapproprier le genre avec des projets nanardesques qui ont fait la joie des soirées entre cinéphiles déviants. Castellari exige un cachet de 400 millions de lires afin de faire le film, ce à quoi la production refuse. Castellari refile donc le bébé à son ami Lucio Fulci, alors dans une mauvaise passe suite aux très mauvais résultats de ses films précédents. En passe de stopper sa carrière définitivement, Castellari pense qu’il est l’homme idéal pour se confronter à un film d’horreur (genre qu’il avait à peine effleuré jusqu’alors) et donner un second souffle à ses talents. C’est ainsi que Lucio Fulci a acquis sa renommée internationale. Le cinéaste, alors âgé de plus de 50 ans, va nous livrer certaines de ses œuvres les plus mémorables et entrer au panthéon des cinéastes du genre qui comptent.

Un voilier à la dérive entre dans la baie d’Hudson. L’un des deux gardes-côtes montés à bord est assassiné par un zombie dissimulé dans la cale. Accompagnée du reporter Peter West, Ann Bowles, la fille du propriétaire du bateau, part pour les Antilles afin de découvrir ce qui est arrivé à l’équipage. Sur l’île de Matoul, les nouveaux arrivants rencontrent le Dr. Ménard qui lutte comme il peut contre une terrible épidémie.

L’affiliation avec l’œuvre de Romero s’arrête au titre original (Zombi 2) du film. Lucio Fulci a totalement dépoussiéré le scénario de toute critique sociale afin de venir se focaliser sur le folklore haïtien autour du mythe du zombie. Difficile de croire que le réalisateur était dans un état psychologique proche de la dépression au moment où il s’attaque à L’enfer des Zombies. Son film est la parfaite porte d’entrée dans son cinéma. Fulci met l’énergie du désespoir dans son film, puise dans absolument toutes les références qui font de lui l’homme qu’il est et accouche d’un film redoutable, efficace et superbement orchestré. Le réalisateur va puiser autant dans le western que dans la comédie, le film d’aventure et, bien sûr, sa propre idée de l’horreur (une fois encore, nous allons essayer d’être concis car la conception de l’horreur chez Fulci mérite un décryptage nettement plus poussé). Fulci méprise les vivants au profit des morts. Sa fascination pour les corps en putréfaction rend son film unique et reconnaissable entre mille. Il ne s’intéresse que peu au destin de ses héros. Quitte à livrer l’ultime film de sa carrière, il décide de disséquer sa vision du macabre. Pas de critique sociale ici, la mort est affrontée de manière frontale (les zombies sont souvent filmés face caméra) comme la fin inéluctable à tout à chacun. Entre personnages antipathiques et fonctionnels, il offre une succession de tableaux dans lesquels les morts mènent la cadence. Fulci parvient à faire ressentir la tétanie chez le spectateur. Ses personnages ne sont pas effrayés par leurs assaillants, mais par l’idée même de redevenir poussière. Pour y parvenir, il isole peu à peu les protagonistes. En piochant dans les codes du western pour nous proposer des plans larges sur le village désolé, il installe un inconfort qui ne nous quittera plus jusqu’au générique final. Sa mise en scène est millimétrée et il pâlie à son manque de figurants avec panache. Il ne dévoile jamais ses cartes d’un seul coup. Plusieurs fois nous reviendrons sur les plans du village, ce qui lui permet de rajouter un élément à chaque retour pour donner la sensation d’invasion qui se propage.

Autre force de sa mise en scène, sa parfaite connaissance du giallo. La scène clé, pour ne pas dire culte, dans laquelle une femme se fait attaquer en sortant de sa douche est un parfait détournement du giallo. La victime est d’abord épiée sous sa douche par l’assaillant qui attend le bon moment pour passer à l’attaque. L’arme du crime, objet phallique par excellence dans le giallo, est ici remplacée par une écharde et viendra mutiler sa victime dans une séquence graphique qui terrifie toujours autant 40 ans après sa sortie. Mais Fulci ne se contente pas de s’approprier le genre, il apporte sa pierre à l’édifice. Plus tard, nous reviendrons dans cette maison afin de constater les conséquences de ce viol d’intimité dans une scène de cannibalisme où la chair est mise à mal comme seul Fulci savait le mettre en scène. Le point d’orgue de cette séquence ramène aux fondamentaux du réalisateur. Il ne s’agit pas de choquer juste pour choquer. Il s’agit de décoder cette fascination pour le morbide et le macabre tout en n’omettant pas la notion artistique. Chez Fulci, la mort est aussi rebutante qu’elle fascine. Décortiquer les corps, les ramener à leur simple condition mécanique, vouloir à tout prix comprendre comment les êtres humains sont ce qu’ils sont : une quête éternelle que le réalisateur n’a que partiellement exploré en dépit d’une énorme filmographie.

L’enfer des Zombies est un indispensable pour quiconque souhaite compléter ses connaissances en termes de cinéma horrifique (et le thème du zombie particulièrement). Œuvre majeure de la filmographie de Lucio Fulci, le cinéaste, tel un phœnix, renaît au cœur d’une analyse du morbide qu’il poursuivra ensuite avec les superbes (mais exigeants) Frayeurs et L’au-Delà. Les néophytes de Lucio Fulci trouveront une porte d’entrée solide vers son cinéma. Ses aficionados ne pourront que se régaler de (re)découvrir ce film qui n’a pas vieilli d’un iota. Une claque indémodable !

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Article réalisé dans le cadre d’un partenariat avec la plateforme Shadowz.

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