The Feast : Un dîner presque parfait…

La télévision est généralement le terrain de jeu idéal pour acquérir un savoir-faire. Lee Haven Jones, réalisateur gallois, a eu l’occasion de parfaire ses armes sur une multitude de séries parmi lesquelles Doctor Who et The Bay. Lorsqu’il saute le pas du premier long métrage, c’est avec The Feast. Très remarqué au sein des festivals qui ont eu la joie de le programmer, le PIFFF et le NIFFF (entre autres), The Feast débarque officiellement et exclusivement sur Shadowz qui soutient ardemment le projet. Le film a même été projeté cette semaine au MK2 Bibliothèque pour une avant-première exclusive. La salle, sûrement le meilleur endroit pour découvrir un projet d’une telle ampleur, va laisser place à votre salon dès aujourd’hui puisqu’il n’y aura pas d’autres moyens de voir le film que via Shadowz. La plate-forme vante les mérites d’un film exigeant mais jamais poseur, atmosphérique mais jamais long, dérangeant mais jamais gratuit. Avec une telle réputation le précédent, autant vous dire que nous avions hâte d’en découdre avec ce film au pitch plus qu’intrigant.

Une jeune femme est engagée par une famille afin de servir des invités privilégiés lors d’un dîner dans une maison reculée du Pays de Galles rural. Les convives réunis ne se rendent pas compte qu’ils sont sur le point de manger leur dernier souper.

The Feast annonce la couleur d’entrée de jeu : ce sera un film avec une ambiance pesante dans lequel chaque plan sera étiré à son paroxysme pour tenter de faire naître un malaise certain chez le spectateur. Très proche des notes d’intentions des films issus des studios A24 (The Witch, The Lighthouse, Hérédité), The Feast jouit d’une patine particulière et identifiable d’un seul coup d’œil. Le premier film de Lee Haven Jones possède cette aura « auteurisante » qui fulmine au sein de l’industrie horrifique ces dernières années. Le elevated horror tel qu’il est nommé a clairement le vent en poupe et The Feast a pour ambition de se placer en pole position de ce type de projets. Le premier tiers du film prend le temps d’installer ses personnages et son ambiance à la fois mystérieuse et dérangeante. Quelque chose cloche au sein de cette famille que l’on ressent dysfonctionnelle. L’arrivée de la jeune gouvernante entend bousculer l’ordre établi. A ce titre, il y a un parallèle évident qui se créé avec Visitor Q de Takashi Miike, film dans lequel un inconnu s’immisce au cœur d’une famille afin de les aider à exorciser leurs maux par le biais d’étranges méthodes. Le parallèle s’arrête évidemment à la base du récit puisque The Feast n’a pas valeur à déverser dans les images chocs et violentes que l’on retrouve chez Miike. Bien au contraire, Lee Haven Jones entend verser dans la fable macabre. Il enchaîne divers tableaux qui marquent indubitablement les rétines et prend le temps de construire chaque pixel de son cadre, et particulièrement lors du dernier acte du film. Lorsque les nœuds commencent à se dénouer, le réalisateur se lâche et propose des plans créatifs vraiment sublimes à décortiquer. Tout passe par le langage corporel et surtout via la disposition des corps dans l’espace. The Feast ne parlera pas à énormément de monde car il se révèle très exigeant dans son approche métaphorique. L’un des derniers tableaux qui empile des corps montés pour créer un bûcher est probablement l’un des plus beaux que nous ayons vu depuis des lustres au sein d’un film de genre. Si la forme peut séduire et apporte des éléments d’analyse percutants, le fond est d’un néant abyssal qui peine à entraîner The Feast au firmament des meilleurs films de genre de l’année.

En effet, The Feast manque cruellement d’un scénario concis. Écrit et produit par Roger Williams, The Feast ne donne aucune clé de décryptage pour nous aider à le comprendre un tant soit peu. Des films aux opinions francs et assumés, il y en a de très bien, ce n’est pas la question. Ce qui fait férocement défaut au film provient de tout l’ensemble de ses choix. A quoi bon découper le film en chapitre si cela n’apporte rien de concret ? A quoi bon choisir de minimiser chaque ligne de dialogue si ces derniers ne sont jamais percutants ? On ne comprend rien à ce film. Pire, le film ne veut jamais nous laisser entrer en communion avec lui. La démarche se montre forcément très élitiste puisqu’il semble s’inspirer (des conclusions que l’on en tire) d’un certain folklore gallois qui risque de ne parler qu’aux principaux concernés. Quid des autres spectateurs ? Ces derniers n’auront d’autre choix que de subir douloureusement, indéfiniment, longuement et inlassablement. Dès lors que le premier tiers se conclut et se doit de nous offrir de la consistance, The Feast n’expose rien. Oui, le film se vit comme un poison qui gangrène doucement chacun des maillons de la chaîne familiale…mais est-ce une raison pour nous emmerder avec les déambulations sans fin d’une famille insipide au cœur de leur baraque ? Certainement pas ! Nous avons ressenti nettement plus de plaisir lors de notre dernière coloscopie que devant les 90 minutes de The Feast.

Si Lee Haven Jones s’éclate indéniablement à mettre en scène et montrer qu’il sait construire un cadre, on ne peut pas vraiment dire qu’il en soit de même pour le scénario qu’il met en scène. A trop chercher l’aspect mélancolique, le film devient insupportable. Pire, The Feast est incontestablement méprisant et méprisable. Méprisant car il se revendique intellectuellement supérieur (les acteurs en font des caisses, c’est un enfer de tous les instants) et méprisable puisqu’il insulte ouvertement son auditoire. S’il pouvait être fournit avec un manuel de décryptage, ce dernier nous enverrait sûrement nous faire gratter le cul plutôt que de nous livrer la moindre clé de compréhension. Forceur, prétentieux et péteux comme jamais, The Feast est une torture analytique qui donne l’illusion de complexifier toutes ses actions alors qu’il ne se passe littéralement rien. Devoir se farcir une bande de cons quasiment aphasiques pour finalement nous asséner un discours proche de : les pétroliers tuent les pauvres gens et les richesses de la terre, la terre va se venger…c’est vraiment le degré zéro de la grille de lecture. En clair, c’est comme recouvrir un tas d’excréments d’un nappage miroir au chocolat. Ça sera sûrement très présentable, mais mieux vaut ne pas se risquer d’y goûter !

The Feast est un film présenté dans un bel écrin qui renferme une histoire terriblement inexistante. Lee Haven Jones prouve qu’il a un talent certain pour créer une mise en scène propre, structurée et épurée. Ne lui reste plus qu’à se mettre à collaborer avec des scénaristes aussi talentueux…

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Article réalisé dans le cadre d’un partenariat avec la plateforme Shadowz.

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