Trois mille ans à t’attendre : Lampe houleuse…

Plus ou moins attendu de la part de son auteur-réalisateur le dernier long métrage de George Miller fut l’un des micro-évènements du 75ème Festival de Cannes ; présenté en sélection officielle – hors compétition – Trois mille ans à t’attendre sortira donc ce mercredi 24 août dans nos salles obscures, étrange grosse production américano-australienne s’inscrivant logiquement dans une Oeuvre n’ayant jamais rechigné à tirer le meilleur résultat formel d’une technique de pointe assumée depuis les premiers pas de son auteur, du post-apocalyptique et cultissime Mad Max tourné au crépuscule des années 70 au réjouissant Babe, le cochon devenu berger (film sur lequel Miller s’est chargé du scénario et de la production, laissant à Chris Noonan le soin de réaliser ladite fable, ndlr) en passant par le plus récent Mad Max : Fury Road, festival pyrotechnique considéré par notre rédaction comme l’un des meilleurs films de la dernière décennie (rien que ça !).

Presque « attendu au tournant » après le succès planétaire du film pré-cité George Miller réalise donc Trois mille ans à t’attendre entre deux confinements, réunissant Tilda Swinton et Idris Elba dans les rôles principaux afin de livrer un drame fantastique pour le moins curieux et déconcertant, film hybride oscillant constamment entre l’intimisme de la relation liant ses deux protagonistes et le spectacle grandiloquent d’effets visuels tenant lieu dans le cadre strict d’une chambre d’hôtel, décor au coeur duquel l’intégralité du récit nous sera narrée puis mise en images par le cinéaste australien.

Trois mille ans à t’attendre… C’est le prix à payer pour le réveil à la réalité d’un djinn pittoresque (Idris Elba, ni plus ni moins crédible dans un rôle proche du gadget…), bon génie délivré par la studieuse et circonspecte Alithea Binnie, narratologue austère incapable de désirer ou de vibrer à quoi que ce soit. Dans ce huis-clos spectaculaire évoquant le style ultra-léché des films de Tarsem Singh (The Cell et The Fall, principalement) et l’exubérance imaginaire du cinéma de Terry Gilliam (Las Vegas Parano et Tideland, entre autres…) c’est davantage Tilda Swinton qui parvient à convaincre dans la peau de cette femme émotionnellement sèche et apathique que le concert visuel généré par l’univers dudit djinn, dépliant sa poignée de récits alignés les uns après les autres à la manière des contes de Shéhérazade. Plaisant mais aucunement transcendant Trois mille ans à t’attendre est de ces films s’oubliant timidement quelques jours après leur découverte, nullement antipathique mais clairement secondaire dans le même temps. Et pour cause : jamais George Miller ne dépasse son sujet initial, sujet directement adapté de la nouvelle The Djinn and the Nightingale’s Eye écrite par A. S. Byatt, malgré un effort louable de coller au plus près des bienfaits de la forme romanesque du conte fantastique.

C’est du reste principalement là que se loge l’ambition dudit film : dans ce pari indéfectible en la fable et ses vertus intrinsèques (crédulité, ouverture vers des contrées féériques et/ou imaginaires, et cetera…) et moins dans sa plastique bigarrée pétrie d’images de synthèse techniquement irréprochables mais lassantes in fine. On se croirait presque dans un film de M. Night Shyamalan qui aurait soudainement muté en concert visuel survitaminé, jouant en permanence sur le clivage foi-scepticisme à des fins théoriques résolument limitées dans leur portée.

C’est donc sympathique et plutôt prodigue en paradoxe, porté par une Tilda Swinton comme souvent remarquable et investie dans un rôle au demeurant peu commode. Nous pourrions presque reprocher par ailleurs à George Miller de rester trop souvent à la surface des choses et des motivations du djinn, transformant les aspérités des effets visuels en platitudes narrativement dommageables. Mi-figue, mi-raisin ledit film se laisse suivre en dents de scie par des spectateurs passablement intrigués par cette historiette ambigüe entre cette vieille étudiante et cette créature pourvoyeuse de vœux et de petits miracles. Nous préférerons toutefois nous pencher à nouveau sur d’autres films du cinéaste, notamment Babe, le cochon devenu berger et le magnifique et poignant Lorenzo réalisé trente ans plus tôt. Correct mais dispensable donc.

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  1. Édito – Semaine 35 -

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