Guillermo Del Toro’s Pinocchio : Un pantin avec du cœur

Maltraité cette année par Disney et Robert Zemeckis, Pinocchio nous avait laissé sur une sensation désagréable, celle de voir un grand cinéaste réaliser son pire film et brader son talent à une firme désormais plus connue pour son sens du marketing que pour sa fibre artistique. L’idée de revoir une autre adaptation du conte de Carlo Collodi débarquer sur nos écrans aurait donc pu nous sembler rébarbative si ce n’était pour le réalisateur aux commandes pour lequel il s’agit d’un projet de longue date : Guillermo Del Toro. Le cinéaste mexicain qui a tout notre amour depuis bien des années désormais et la découverte choc du Labyrinthe de Pan était certainement l’un des mieux placés à pouvoir offrir à ce conte déjà maintes fois adapté un second souffle. Et bonne nouvelle : c’est le cas et c’est disponible sur Netflix ce vendredi 9 décembre.

En effet, plutôt que de suivre à la lettre le conte de Collodi (ce que Matteo Garrone a d’ailleurs fait brillamment), Del Toro, son co-réalisateur Mark Gustafson et ses co-scénaristes ont décidé d’opter pour une adaptation plus tranchée avec de réels choix artistiques et quelques prises de risques. L’histoire se déroule toujours en Italie mais dans l’Italie fasciste de Mussolini. L’occasion pour le cinéaste de mettre en parallèle la tragique histoire d’un pays ainsi qu’un récit fantastique et merveilleux, chose qu’il maîtrise parfaitement depuis L’échine du diable et Le labyrinthe de Pan. Il s’agit toujours pour Pinocchio (créé par Geppetto dans un élan de chagrin pour pallier la mort de son fils) de subir plusieurs épreuves d’un récit initiatique l’aidant à devenir un vrai petit garçon mais dans un cadre encore plus tragique que d’habitude, où l’innocence et la naïveté du pantin contrastent avec les absurdités de la violence fasciste où l’on apprend aux enfants à tuer au nom d’un Duce ici copieusement ridiculisé.

Ce contexte offre un souffle salvateur au récit et l’oriente vers de nouvelles directions bien qu’il en garde les passages obligés, ici merveilleusement revisités. Si Del Toro garde la même trajectoire pour son héros, il ne peut s’empêcher d’apposer sa patte à l’univers de Collodi et agrémente le film de créatures au look qu’il affectionne tant comme cet ange de la mort que Pinocchio croise à chaque fois qu’il meurt avant de revenir à la vie, le pantin étant immortel. L’utilisation de l’animation en stop-motion s’avère totalement pertinente, permettant de vraiment ressentir la matière de Pinocchio et des personnages qui l’entourent et évitant une utilisation trop coûteuse et trop visible des nombreux fonds verts qui auraient été nécessaires à la réalisation de l’ensemble (et qui, quand on voit le film de Zemeckis, sont franchement laids). Ce style d’animation donne immédiatement un cachet au film et une patte identifiable, l’univers de Del Toro étant de toute évidence fait pour se fondre en stop-motion, identité visuelle qui correspond généralement parfaitement aux récits fantastiques, leur conférant un aspect singulier qu’aucune réalisation en live-action ne pourra retrouver.

Ce Pinocchio version Guillermo Del Toro s’avère donc être une jolie réussite, parcourue par quelques longueurs certes mais animée par une passion palpable à chacune de ses séquences. Visiblement le cinéaste a compris qu’il fallait du cœur pour conter cette histoire et l’on sent durant tout le visionnage du film combien il est réalisé avec amour, sans cynisme, avec la simple volonté de raconter de la meilleure façon possible cette nouvelle variation d’une histoire pourtant si connue. Splendeur visuelle, conte cruel mais émouvant, doublé par un casting vocal impressionnant (David Bradley, Ewan McGregor, Cate Blanchett, Tilda Swinton, Christoph Waltz et Ron Perlman évidemment), Pinocchio n’offre finalement qu’un seul regret : qu’il ne sorte pas au cinéma…

À noter que la galerie Paris Cinéma Club située 28 rue Mazarine à Paris propose jusqu’au 18 décembre une exposition consacrée au film, avec sculptures originales et peintures numériques à venir admirer.

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