Butt Boy : Disparitions cal(cul)ées !

Pour entamer leur mois anniversaire, les zigotos de chez Shadowz ont prévu un programme alléchant comme on les affectionne et à l’image de la plate-forme. Une ligne éditoriale édifiante vous attend ce mois-ci et le moins que l’on puisse dire c’est qu’ils tapent très fort avec l’ajout de Butt Boy. En matière de concept farfelu, le long métrage de Tyler Cornack propose une sacrée promesse à double tranchant puisqu’il se doit de tenir la distance tout en n’omettant pas d’être radical sur son point de vue. Si l’amateur des œuvres estampillées Lloyd Kaufman et sa joyeuse bande de gais lurons de chez Troma Productions se frotte déjà les mains à l’idée de se confronter à Butt Boy, il risque fort d’être dérouté, pour ne pas dire déçu. En effet, Butt Boy, bien qu’il assume parfaitement les fondations grossières de son scénario, va plutôt convoquer de grands cinéastes de la trempe de David Fincher plutôt que de calquer son modèle sur n’importe quel nanar bis et fauché. Il y a une vraie envie de cinéma qui se cache derrière cette histoire singulière de serial killer. Shadowz entend nous prouver que la farce a tout à fait sa place au sein de son catalogue, pour peu qu’elle soit assumée et déroutante.

Nouvellement sobre, le détective Russell Fox rencontre son parrain de son groupe de soutien aux alcooliques anonymes, Chip Gutchel. Son enquête sur un enfant disparu le conduit à soupçonner Chip. Il commence à réaliser que la dépendance de Chip n’est peut-être pas à l’alcool, mais à quelque chose de beaucoup plus sinistre.

Cessons immédiatement le suspense puisqu’il nous faut vous révéler le secret de Chip afin que nous puissions étoffer nos propos. Il ne s’agit pas d’un spoil à proprement parler puisque nous connaitrons son secret lors du prologue du film, mais il faut que vous compreniez pourquoi nous convoquions les fans de la Troma en préambule de cette chronique. Chip, après avoir subi un toucher rectal, se découvre une passion pour l’insertion d’objets dans son fondement. Cela lui procure une jouissance folle suivie d’une forte vitalité qu’il n’a jamais ressenti auparavant. Seulement, l’appétit féroce de son anus le pousse à aller toujours plus loin jusqu’à « inhaler » le chien de la famille ainsi qu’un nourrisson qu’il aura kidnappé dans un parc. Voilà, vous connaissez le terrible secret de Chip et ce qui compose les dix premières minutes de Butt Boy. D’aucuns penseront donc à la Troma en espérant que Butt Boy joue dans la même catégorie que ses enfants tels Killer Condom (une histoire de préservatif tueur, véridique !), pourtant il se détachera rapidement de toutes allégations graveleuses dans le but de proposer un vrai parti pris. Butt Boy lorgne énormément du côté de Teeth de Mitchell Lichtenstein (film dans lequel une jeune femme découvre des canines au fond de son vagin et qui proposait une sacré palette allégorique pour parler de consentement et de religion, entres autres) puisqu’il choisit de mettre en avant l’enquête criminelle et les rapports qui se créent entre les personnages plutôt que d’aligner bêtement des séquences graphiques. S’il déroute par une approche fondamentalement humaine de son antagoniste (campé par Tyler Cornack lui-même qui s’offre le premier rôle en plus d’avoir co-écrit et réalisé le film), Butt Boy étonne par une divine sobriété qu’il s’efforcera d’étirer jusqu’au point (inévitable, vu son sujet) de non-retour.

Durant la première heure, Tyler Cornack soigne son esthétisme pour légitimer ses propos. Impossible de ne pas penser au cinéma de David Fincher lorsqu’il met en scène les réunions aux AA (qui rappellent les errances nocturnes du narrateur dans Fight Club) ainsi que l’étalonnage, qui abuse des couleurs primaires imposant un aspect clinique, qui parsème les diverses séquences (à mi-chemin entre Seven et Zodiac). Tyler Cornack propose un vrai polar dans les règles les plus élémentaires du genre, c’est un vrai régal à suivre. D’autant qu’il triture ses personnages jusqu’à la moelle. Il ne s’agit pas uniquement d’un simple flic alcoolique cherchant à arrêter un tueur en série, Butt Boy met en exergue l’aliénation au travail, la déstructuration des rapports de couple et raccroche inévitablement son concept avec toutes les formes d’addictions possibles. De facto, lorsque le film bouscule ses règles pour un troisième acte savoureusement comique, l’aspect graveleux ne paraît pas vain. Tyler Cornack prend un sacré temps pour nous faire accepter ses codes et nous prouver qu’il n’est pas là pour nous servir de simples vannes puériles. Ainsi, le dernier tiers du film, sorte de mix improbable entre L’aventure Intérieure de Joe Dante et l’épisode de South Park dans lequel M. Esclave ingère une gerbille par l’anus, demeure parfaitement plausible compte tenu du superbe travail de suspension d’incrédulité effectué en amont. On rit autant qu’on frissonne du sort réservé aux personnages. Et dans un élan de générosité ultime, Butt Boy assène le coup de grâce dans un final grand-guignolesque qui convoque copieusement Scanners de David Cronenberg. Ajoutez au panel des clins d’yeux une bande-originale synthwave extrêmement carpenterienne et vous aurez compris que Tyler Cornack possède de réelles ambitions et de solides références.

Butt Boy est un thriller solide, rondement mis en scène, interprété avec force et convictions et à l’humour savamment dosé. Ce qui aurait pu se transformer en une énorme blague scatophile bas du front devient un polar habile qui ne prend jamais son sujet à la légère pour le plus grand plaisir des curieux qui ne bouderont pas leur moment. Butt Boy est à l’image des ambitions éditoriales de Shadowz : une joyeuse gaudriole qualitative à ne surtout pas sous-estimer.

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Article réalisé dans le cadre d’un partenariat avec la plateforme Shadowz.

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