L’Alter Ego : Body (Ciné)Snatchers

Féru de bandes dessinées, il n’est pas notre fort d’en parler en tant que critique de cinéma. Et pourtant les liens sont étroits entre références et adaptations. Certains artistes de cinéma écrivent pour des bandes dessinées aujourd’hui comme Walter Hill ou même David Fincher dont le scénario pour son adaptation du Dahlia Noir de James Ellroy est paru en roman graphique en collaboration avec Matz, proche collaborateur également de Walter Hill. En discutant avec nos partenaires de chez Artus Films, ils nous ont proposé de nous faire parvenir un exemplaire de leur première bande dessinée édité par leur soin, L’Alter Ego, écrit à quatre mains par Monsieur K et Näamlock pour des dessins de Monsieur K. Amateur de B.D, de comics et même de manga, penser à chroniquer du 9e art était malvenu de notre part. Sauf que L’Alter Ego pense le cinéma, parle de cinéma et se nourrit à chaque case de cinéma.

L’Alter Ego est l’histoire de la rencontre d’un homme seul et d’une femme malade d’un cancer via Meetic. On s’arrête à ce point pour vous laisser toute la surprise de vous plonger dans ces trentaines de pages mystérieuses et accrocheuses qui appellent à une deuxième lecture tant le frisson est perturbant. Le bouquin se lit rapidement plongeant le lecteur dans le quotidien de Martin et sa relation compliquée avec Alice, avec sa fille et sa volonté de réussir sa vie. On n’aura pas la prétention de parler du dessin, car on n’y connaît rien, donc autant ne pas dire d’âneries. Simplement il est agréable à suivre et la couleur donnée aux trois parties définissant le parcours de Martin en bleu ; de sa fille Hélène en rouge puis d’un personnage tiers sur les dernières pages en vert procure une sensation hypnotique comme peut le faire ressentir le cinéma de Dario Argento par ses gialli ou le cinéma d’Hélène Cattet et Bruno Forzani.
De cinéma, L’Alter Ego en transpire dans chacune de ses cases. Les affiches de films accrochées au mur de l’appartement de Martin permettent de situer les références convoquées à l’instant de la lecture (The Thing ; Eternal Sunshine of Spotless Mind ; Ne vous retournez pas) puis le déroulé nous transporte aux confins du cinéma de David Cronenberg avec une référence franche à Hidden réalisé par Jack Sholder en 1987. 

L’Alter Ego convoque ainsi beaucoup de références, mais trouve sa personnalité par son découpage unique et son histoire mystérieuse. Tout d’abord qui est Alice ? D’où vient-elle ? Quels sont ses secrets ? Puis Martin qui devient un réalisateur de cinéma entre publicités pour Canard WC et la production d’un Giallo aux connotations de Dario Argento et Mario Bava, dont le comportement vrille entre paranoïa et schizophrénie. C’est aussi une histoire d’actualité où la violence de notre monde guette à la moindre case. On est surpris et embarqué dans cette histoire fantastique tétanisante aux images glauques au moment de son rebondissement. Les poils s’hérissent et un voile de frisson traverse notre corps nous sidérant par l’horreur dessinée. L’Alter Ego est une histoire fantastique où le body horror s’invite pour une dernière partie ambitieuse, sale, voire crapoteuse, qui se prolongera au cœur d’un texte écrit que l’on dévore, car le récit happe dans un univers qui mérite une adaptation au cinéma. 

Premier projet de bande dessinée pour Artus Films BD, L’Alter Ego est une tétanisante découverte horrifique. Établissant sa diégèse sur trois points de vue différents, la BD de Monsieur K et Näamlock est une réussite convoquant un panel de cinéma différent et complémentaire permettant d’établir un récit fantastique passionnant à lire et frissonnant par son graphisme horrifique où les corps prennent chairs et se voient investis de bestioles que ne renierait point David Cronenberg ou sa descendante directe, Julia Ducournau. D’ores et déjà disponible et à se procurer obligatoirement.

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