Maestro(s) : Fausse note familiale

Tout commence par une victoire de la musique. Denis Dumar reçoit sa récompense entouré de tous ses proches. Seul manque son père laissant son siège désespérément vide touchant de nouveau son orgueil de fils, ne le laissant que trop peu savourer son prix sur l’estrade. Maestro(s) est l’adaptation du film israélien FootNote réalisé par Joseph Cedar en 2011. Bruno Chiche se charge de réécrire le film, en faisant du père et du fils des chefs d’orchestre en lieu et place d’universitaires chez Cedar. L’orgueil trouve une place de choix dans cette opposition entre deux hommes ne sachant pas se parler.

Maestro(s) repose essentiellement sur cette dualité père/fils. Au cœur du cocon de la famille Dumar, la famille vit au gré de ce manque d’échanges entre les deux hommes. La mère incarnée sobrement par Miou-Miou est le pont joignant les deux rives opposées. Elle tient l’équilibre à l’image de Bruno Chiche avec sa bande de personnages. Chaque membre de la famille trouve sa place, chaque comédien a réellement quelque chose à jouer, et même les pièces rapportées comme Caroline Anglade trouve un rôle touchant, elle qui apporte en permanence dans ses rôles une luminosité salvatrice. Elle incarne dans Maestro(s) la nouvelle compagne de Denis interprété par un Yvan Attal assuré. La bonne idée du film est de proposer Pierre Arditi dans le rôle du patriarche, une évidence face à Yvan Attal. Pierre Arditi est François Dumar, homme aguerri qui apprend avoir été choisi pour diriger la Scala, son rêve ultime, son Graal, et il n’en croit pas ses oreilles. D’abord comblé pour son père, Denis déchante vite lorsqu’il découvre qu’en réalité c’est lui qui a été choisi pour aller à Milan…

Maestro(s) repose sur le dilemme d’annoncer au père l’erreur du nom dans l’annonce faite trop rapidement par la secrétaire. Un déshonneur pour le père qui voit son fils prendre la baguette à sa place sur l’estrade de La Scala. La blessure va potentiellement se creuser entre ce père et ce fils qui n’ont jamais su se parler. Le fils incarné par Attal regarde toujours ce père en contre-plongée, un homme inatteignable qui joue beaucoup de cette stature, lui, la star déchue de son trône. Denis n’a point instauré cela avec son propre fils qu’il voit peu, mais dont il favorise l’échange. Le fils adolescent est en pleine recherche de repères ayant grandement besoin du père, déjà proche de ses grands-parents, grands bourgeois parisiens.
Maestro(s) n’est point un film sur la musique, mais un drame familial dont l’excuse du pitch va permettre – ou non – de resserrer les liens. L’histoire conte les déboires d’une famille qui va se retrouver, mais surtout se parler. Le préambule du film laisse suggérer des années de silence, la mère étant la balance pour équilibrer les relations tendues. Miou-Miou a un rôle important dans ce petit film agréable, mais évanescent. Le choix de Yvan Attal dans le rôle du fils et de Pierre Arditi dans celui du père est une évidence pour une composition de la famille qui fonctionne fort bien. La machine est bien huilée et Bruno Chiche orchestre un film simple reposant beaucoup sur des comédiens au diapason. Le scénario est bien ficelé reposant sur des personnages merveilleusement bien caractérisés. Il y a une authenticité palpable, le fait que l’on y croit en cette famille aisée aux maux évidents.

Mais qu’il soit riche ou non le désordre familial reste le même pour tous, surtout quand il y a erreur dans le choix de la personne pour un titre honorifique prestigieux. Le rêve d’un père s’oppose alors au rêve d’un fils cherchant à plaire à son père. La dernière séquence est en cela émouvante, touchante. Elle est attendue bien évidemment, mais nous l’attendons avec espoir, car cette petite famille aux problèmes de riche est attachante, tout autant que ce film que l’on reverra avec plaisir, malgré le fait qu’il s’agisse d’un divertissement ordinaire principalement dédié pour les soirées à la télévision. Grave constat au regard des dernières sorties dans le cinéma français : une accumulation de produits téléfilmesques sortant chaque semaine à défaut de grands films pour le cinéma. L’optique est de nourrir des cases et/ou un catalogue SVOD pour des chaînes productrices ne permettant plus la permission de s’évader au cinéma. Le constat demeure celui d’une époque révolue où les maestros étaient devant et derrière la caméra pour un désir commun de cinéma enivrant et bondissant. Aujourd’hui le spectateur se voit réduit à du temps de présence devant son écran afin qu’on lui vende de la publicité entre drames familiaux et comédies beaufs superficielles. Navrant.

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