Alleluia : Adopte ton Mec

Six ans d’absence, Fabrice du Welz aura su se faire attendre. Après le mémorable Calvaire – premier essai réussi à l’aspect déviant et sale – et un second essai, Vinyan – déjà oublié où il mettait en scène Emmanuelle Béart et Rufus Sewell à la recherche de leur fils après le tsunami de 2005 en Thaïlande – le réalisateur belge revient en 2014 avec deux films. Le premier (sorti dans l’anonymat complet à l’été de cette même année) est Colt 45, un polar sombre avec Gérard Lanvin et Joey Starr désavoué par le réalisateur belge et son scénariste Fathi Beddiar suite à une production houleuse et des rapports complexes avec les deux stars. Fabrice Du Welz conclut son année avec Alleluia, petit film indépendant : un retour aux sources pour le metteur en scène, une aération dans la lignée de Calvaire.
Présenté à la Quinzaine des réalisateurs Alleluia est un film brumeux, gris, antipathique dans sa volonté agressive de mettre le spectateur mal à l’aise. Certes Du Welz souhaite aller à coutre-courant après Colt 45, mais le réalisateur ne s’y prend pas de la bonne manière. Il laisse éclater sa hargne et sa frustration dans un film qui n’en avait pas forcément besoin.

Disponible sur la plateforme de screaming Shadowz Alleluia est l’adaptation libre d’un fait divers qui a secoué les États-Unis de 1947 à 1949. L’histoire est celle de Martha Beck et Raymond Fernandez, surnommés les « tueurs de la lune de miel », ou comment une jeune infirmière et un escroc patenté, gigolo à la petite semaine, basculent dans la tragédie meurtrière. 
Le cinéma s’est déjà nourri de cette histoire à notre connaissance à deux reprises : une première adaptation fidèle datant de 1969 The Honeymoon Killers suivie d’une deuxième, bien plus récente en 2007 avec John Travolta, Salma Hayek, Jared Leto et James Gandolfini sous l’œil gentillet de Todd Robinson, tirant plus vers le polar et/ou le thriller, où l’on suit l’enquête du policier interprété par Travolta à la poursuite de ce couple infernal incarné par Leto et Hayek.


Fabrice Du Welz pour sa part traitera sa retranscription du fait divers dans une certaine frénésie graveleuse et le point sera appuyé, mettant dans l’inconfort constant le spectateur venu se détendre. Dans son hystérie et sa fureur gore, Alleluia sera une expérience dure et marquante. Échelonné sur quatre actes (chacun étant dédié à une victime) le récit nous présentera Gloria, une infirmière mortuaire qui nouera une relation avec Michel sur un site de rencontres. Laurent Lucas apparaîtra alors, l’œil vif mais sombre, une profondeur macabre qu’il transmettra à la mauvaise personne. Car Michel est un homme veule et lâche pour qui le besoin irrémédiable de femmes nécessaires à sa survie va l’amener vers le non-retour, à savoir un amour craspec et mortel dont il ne pourra se détacher. Hilarante dans son délire de sorcellerie (celui-ci étant représenté par Du Welz dans deux séquences circonspectes) la noirceur nous empêchera de sortir du film : comme quoi parfois le ridicule rend plus fort.

Plus fort sur deux actes du moins, car les rencontres s’enchaînent et la collaboration se met en place, mais le spectateur tourne en rond. Les faits se déroulent de nouveau, de façon presque « miroir ». Les petites histoires prennent leur tension dans le rodage de Gloria qui se fait passer pour la sœur de Michel, lui qui ne cherche qu’à coucher et à assouvir ses besoins déviants tout en arnaquant sa victime. Les images chocs alors se multiplient (fellation en gros plan dans une cave, masturbation de Michel par une vieille femme religieuse), et les massacres se perpétuent constamment dans cette folie qui ne décolérera jamais. 

Cette folie sera portée par Gloria, interprétée par la furieuse Lola Duenas. D’une intensité troublante, en dépit du fait que sa petite fille l’attend chez elle, cette femme collera Michel partout : de ses lèvres, de ses yeux voyeurs et malsains, de son corps qui ne demande qu’à être pris et possédé. Mais la jalousie consumera cette épopée sanglante, qui comme un clin d’œil ironique se terminera dans une salle de cinéma diffusant un classique. Le couple est alors réuni, une dernière fois, l’un contre l’autre, le sang des victimes sur leurs mains enlacées. 

Alleluia ne vaut finalement par la composition inconsciente, fébrile et fiévreuse de Laurent Lucas, ni celle de Lola Duenas. Malgré son sujet et le retour du style « coup de poing » de Fabrice Du Welz, Alleluia ne s’ouvre jamais et reste prisonnier de son fait divers. Le réalisateur ne trouve alors pas mieux que de taper dans le choc, l’absurde et le sensationnel furieux et gore pour rendre son long métrage quelque peu attrayant. Âmes sensibles s’abstenir.

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Article réalisé dans le cadre d’un partenariat avec la plateforme Shadowz.

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