Rocky : American dream et déconstruction des êtres

En matière de monument cinématographique, Rocky se pose instantanément comme un indétrônable du genre. Difficile de passer derrière les dizaines d’articles et autres documentaires qui lui ont été consacré depuis sa sortie tant il fascine. Ode à l’amour, au dépassement de soi et à l’american way of life dans toute sa splendeur, Rocky est indissociable de son créateur, Sylvester Stallone. Succès planétaire immédiat à sa sortie et récompensé par 3 Oscars en 1977 dont ceux du meilleur film et du meilleur réalisateur pour John G. Avildsen, Rocky est un film qui a définitivement marqué l’histoire du cinéma. Qu’on aime ou pas, qu’on l’ai déjà vu ou non, Rocky est le genre de film qui s’est inscrit dans la culture populaire et qui ne cesse d’enflammer les cœurs dès son évocation. Qui ne connaît pas sa musique ? Qui n’a jamais imité Stallone en pleine séance d’entraînement ? Qui n’a jamais hurlé « Adriaaaaan » sans forcément savoir de quoi il en retourne ? Rocky est, depuis 45 ans, un monstre du cinéma qui n’a pas fini de créer des émules et qui ressort dans nos salles pour son anniversaire dans un tout nouveau master 4K.

En novembre 1975, Philadelphie est une ville plombée par la misère économique et sociale. Rocky Balboa travaille pour Tony Gazzo, un usurier, et dispute de temps à autre des combats de boxe pour quelques dizaines de dollars sous le pseudonyme de « l’Étalon Italien ». Mickey Goldmill, propriétaire du club de boxe où Rocky a l’habitude de s’entraîner, décide de céder son casier à un boxeur « plus talentueux ». Paulie Pennino, un des amis de Rocky, l’encourage à sortir avec sa sœur, Adrian, une jeune femme timide et réservée qui travaille en tant que vendeuse dans un magasin d’animaux domestiques. Le championnat du monde de boxe dans la catégorie « poids lourds » est prévu le jour du nouvel an 1976 et coïncide avec bicentenaire des États-Unis. Quand le challenger du champion Apollo Creed se blesse, l’organisateur du combat recherche un nouvel adversaire pour remettre le titre en jeu. Tous les challengers refusent de se mesurer à Creed dans un délai de préparation si court. L’idée d’un match contre un boxeur inconnu naît alors. Apollo décide d’offrir une chance à un boxeur de seconde zone et porte son choix sur Rocky.

Dans Rocky (et toutes les suites qui en découleront), la boxe devient la métaphore des luttes que rencontrent son héros dans la vie. Si nous faisions le rapprochement avec le rêve américain ci-dessus, ce n’était pas anodin. Au-delà de ce que raconte le film, le scénario de Sylvester Stallone est à mettre en corrélation avec sa propre histoire. Rocky est le film de sa vie. Non content d’obtenir le rôle-titre après avoir négocié sévèrement avec les studios (qui voulaient une star de la trempe de Robert Redford ou Burt Reynolds), Stallone affirme sa personnalité au travers son personnage. Vivant dans une misère absolue, allant jusqu’à vendre son chien pour se payer à manger et pouvoir fignoler son scénario, Rocky était l’opportunité qu’il ne devait pas louper. Toutes les convictions de Stallone étalonnent chaque plan du film. Rocky était la clé de sa survie, la métaphore ultime de tout ce qui composait les rêves de Sly. Voilà pourquoi le film de John G. Avildsen est significatif du rêve américain qui, résumé grossièrement, consiste à l’élévation du citoyen à connaître une existence rangée bâtie sur un succès fulgurant et qui amène à une vie de famille proprette entourée de femme et enfants. Rocky est un trentenaire célibataire qui n’a besoin de rien d’autre que l’amour de sa femme, son foyer hors des quartiers pauvres et le bien-être de son entourage. Le fait de pouvoir défier le champion du monde et de toucher à la lumière n’est pas suffisant. Il ne peut accéder à ce rêve que s’il est porté par un moteur essentiel : l’amour. Rocky est, avant toute chose, une histoire d’amour pure, sincère et belle par sa naïveté tant Rocky et Adrian ont besoin l’un de l’autre. Rocky est un film qui prend le temps de déconstruire ses personnages pour les faire devenir la meilleure version d’eux-mêmes. Et tout se joue dans son climax, le match de boxe.

Rocky a beau être un drame avant toute chose, il ne faut pas négliger l’aspect animal qui survient ponctuellement lors de quelques scènes (l’entraînement sur les carcasses d’animaux morts, les crises de nerfs de Paulie envers Adrian…) pour totalement exploser en fin de métrage. Le combat entre Rocky et Apollo témoigne d’une réelle implication des acteurs qui n’ont pas hésité à mouiller le short pour offrir des coups plus vrais que nature (quelques incidents auront lieu d’ailleurs, les acteurs se frappant pour de vrai). Le combat final est la catharsis du héros. Il le dit lui-même, il n’y va pas pour gagner, il y va pour tenir la distance. Rocky veut se confronter à l’image de son adversaire, il veut comprendre ce qu’il y a de beau dans la réussite et la gloire. Rocky ne se bat pas pour obtenir la gloire, il se bat pour prouver son existence et sa légitimité, en tant que citoyen, à goûter au charme et au confort d’une vie rangée. Sur le ring, il n’est pas seul à combattre. Il représente toute la classe ouvrière, tous les sans-abris, mais surtout, il représente Adrian. Rocky n’est pas uniquement le combat d’un boxeur, Rocky est le combat des « underdogs », ces miséreux qui ne veulent pas briller gratuitement, il veulent briller pour ce qu’ils sont, ce qu’ils ont fait pour y parvenir. Le film est une vraie quête de reconnaissance. Lorsque Rocky et Adrian se disent « je t’aime » à la fin du film, ils concluent leurs axes. Il a tenu la distance, elle est devenue femme, ils peuvent désormais s’aimer et avoir la vie qu’ils méritent… le reste (la gloire, les paillettes, l’argent) importe peu.

Il sera amusant de constater que les suites de Rocky concorderont toujours avec des moments de la vie de Stallone où ce dernier ressentira le besoin de déstructurer les dilemmes de sa vie personnelle. Jamais un personnage n’aura autant collé à la peau d’un acteur. Il endossera les gants de Rocky Balboa dans pas moins de sept autres films qui sortiront entre 1979 (Rocky 2) et 2018 (Creed 2). Revoir Rocky aujourd’hui est toujours aussi gratifiant autant pour ce qu’il a apporté au cinéma en terme de technicité (le steady-cam) que pour sa corrélation auteur/acteur. Plus qu’un immense film, il fait parti de ces œuvres qui nous portent depuis toujours. Ces œuvres qui nous aident à nous remettre en question lorsque notre quotidien devient pesant. Et rien que pour tout le courage que ce film nous a apporté et nous apportera dans le futur, nous vous adressons, monsieur Stallone, nos sentiments les plus dévoués. Merci pour tout.

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