Lorsque les gros bras du cinéma d’action se lancent dans la comédie, le mélange des genres se révèle souvent succulent. Si l’on retient surtout Arnold Schwarzenegger pour ses collaborations avec Ivan Reitman, les comédies impliquant des action stars sont plus nombreuses qu’il n’y paraît. De nos jours, Dwayne Johnson en est le parfait exemple, multipliant les projets musclés et comiques, le rendant éminemment sympathique aux yeux de toute la famille. Mais comme chaque genre possède son revers de la médaille, impossible également de nier certaines catastrophes en la matière. Le dernier exemple en date demeurant Le Dernier Mercenaire avec Jean-Claude Van Damme où notre acteur belge est malmené d’une bien triste manière. Au début des années 90, la concurrence qui a toujours opposé Sylvester Stallone à Arnold Schwarzenegger a empiété sur les plates-bandes de la comédie. Le gros avantage de l’ex « Gouvernator » fut qu’il a toujours été porté par des réalisateurs de talent dont la renommée ne fut plus à faire avec le temps. Sly a, quant à lui, toujours du trimer beaucoup plus fort pour prouver sa valeur. Porté par des réalisateurs moins renommés (mais non pas dénués de talent pour autant, pour la plupart), il s’est essayé à la comédie avec pertes et fracas chez John Landis pour son remake d’Oscar, L’embrouille Est Dans Le Sac, en 1991. L’année suivante, il récidive chez Roger Spottiswoode pour Arrête ! Ou Ma Mère Va Tirer. Une comédie à la réputation nanardesque pour laquelle certains fans de Sly confèrent un capital sympathie. Véritable naufrage ou coup de malchance ? La ressortie du film en blu-ray et DVD chez Elephant Films est l’occasion parfaite pour répondre à la question.
Joe Bomowski est un officier de la police de Los Angeles, habitué à résoudre les crimes de façon musclée. Il entretient une relation amoureuse avec sa supérieure hiérarchique, Gwen Harper. Les choses vont se compliquer pour Joe. Tout d’abord, Gwen décide de le larguer car il ne fait pas le premier pas. Ensuite, sa maman, Tutti, une gentille petite vieille dame, débarque pour rendre visite à son fils, avec son chien. Tutti endommage l’arme de service de son fils en la lavant avec du détergent. Elle décide de lui en acheter une nouvelle pour la remplacer. Elle acquiert de façon illégale un Ingram MAC, pensant faire plaisir à Joe. Tutti est témoin du meurtre du trafiquant d’armes. Joe, qui était pressé que sa mère s’en aille, est contraint de cohabiter avec elle. Celle-ci va l’aider à recoller les morceaux entre lui et Gwen et à élucider l’affaire du meurtre dont elle a été témoin.
En 2017, Arnold Schwarzenegger déclarait dans Slashfilm : « J’ai lu le script. C’était terriblement mauvais. Vous savez, moi aussi j’ai fait des films qui méritaient de finir aux toilettes, n’est-ce pas ? Ils étaient mauvais. Mais, celui-ci était vraiment mauvais. Ça se passait durant notre guerre et je me suis dit que j’allais laisser entendre par voie de presse que j’étais très intéressé par le projet. Je sais comment ça se passe à Hollywood. Je demanderais alors beaucoup d’argent pour qu’ils se disent : « Allons le proposer à Sly. Peut-être qu’on pourra l’avoir pour moins ». Et donc ils sont allés voir Sly et lui ont dit : « Schwarzenegger est intéressé. Voici la coupure presse. Il en a parlé. Si tu veux lui prendre ce film des mains, il est disponible. » Et il a marché ! Il a complètement marché. Une semaine plus tard, j’ai entendu que Sly signait pour faire le film. Et j’ai fait : Yes !! » Des propres aveux de Sylvester Stallone, il déclarera dans un entretien pour le site américain Ain’t It Cool News que c’est « peut-être l’un des pires films du système solaire, en incluant même les productions extraterrestres que l’on n’a jamais vues. » Arrête ! Ou Ma Mère Va Tirer s’est attiré les foudres des critiques à sa sortie, personne n’a été tendre avec lui. Pourtant, pourtant…sachons raison garder. Notre amour subjectif pour Sly et pour tout ce qu’il représente comme part importante de notre enfance ne peut nous induire en erreur. A l’instar d’un Jean-Claude Van Damme (pour lequel nous vouons un amour sans faille, vous commencez à en avoir l’habitude en nous lisant), il y a des films avec Stallone que nous trouvons infiniment plus ratés que ce dernier. Les exemples ne manquent pas : Le Vainqueur, D-Tox, Spy Kids 3, Evasion 2, Evasion 3 et même (cela nous fait toujours mal de le citer) Rambo : Last Blood. Des nanars, des DTV de bas étage et autres cachetons peu scrupuleux, Sly en accumule un paquet. Cela ne veut pas dire que ça détériore l’admiration que nous lui vouons, juste que nous savons reconnaître lorsqu’il joue dans une affreuse daube. Et pour remettre définitivement les pendules à l’heure : Arrête ! Ou Ma Mère Va Tirer est loin d’être un mauvais film ! Cabotin, certes. Over the top, certes. Too much, certes. Mais si le trop est l’ennemi du bien, ça en est un parfait atout dans le cas présent.
Les critiques qui crachaient ouvertement sur le film de Spottiswoode sont les mêmes qui, quelques années plus tard, salueront l’excès de trop plein (sous couvert d’un quelconque « guilty pleasure ») dans le jeu de Sly pour des projets comme Judge Dredd ou Demolition Man. Qu’ils soient adoubés à leur sortie ou réhabilités avec les années, ces films font partie intégrante des projets de Sly que l’on revoit le plus souvent. Pourtant, on ne peut pas dire qu’il fasse dans la demi-mesure dans les films susmentionnés. Ils sont le résultat de ce qu’il commençait à expérimenter dans notre comédie du jour. Sly se confond parfaitement dans la peau de ce flic aux allures de gros bras et qui est incapable de gérer sa relation avec sa mère, infantilisante au possible. Cela donnera lieu à des échanges délicieux où l’on rira de bon cœur. Stallone excelle dans l’art de jouer les gros bêtas. Car, en dépit du bon sens et de l’admiration que nous lui vouons, il possède une palette émotive nettement plus importante qu’Arnold. Quand bien même ce dernier eut réussi son coup en faisant signer Sly pour ce film, la seule présence de ce dernier au casting permet de le maintenir hors des contrées nanardesques. Arrête ! Ou Ma Mère Va Tirer est un buddy movie atypique comme sait bien le faire son réalisateur. En effet, Roger Spottiswoode (Turner & Hooch, Demain Ne Meurt Jamais) sait comment mettre en scène de manière punchy. Il manie parfaitement le dosage entre ses scènes d’action et les séquences comiques et ne perd jamais de vue qu’il s’adresse à toute la famille. Bien évidemment, il n’atteint pas l’excellence d’un Ivan Reitman, ce que pourrait lui reprocher notre cher Arnold. Ironique quand on sait que ce dernier a tourné pour Spottiswoode en 2000 pour A l’Aube du Sixième Jour. Si l’aura de Stallone fait des étincelles, c’est en partie grâce à Estelle Getty qui incarne sa maman. Elle s’efface totalement derrière son rôle. Elle ne joue pas, elle est cette maman-poule ultra protectrice qui refuse d’admettre que son enfant soit devenu un adulte. Tour à tour peau de vache et ultra attachante, elle est la seconde valeur sûre de ce film qui recèle bien plus de qualités que celles qu’on a bien pris soin de négliger à l’époque. La bande-originale d’Alan Silvestri en est un autre exemple. Ce dernier livre une partition minimaliste avec une ritournelle incessante qui rentre dans la tête et qui finit par rendre l’atmosphère éminemment sympathique. Oui, le film n’est pas exempt de défauts. Seulement, on lui a tellement tapé dessus à tort que nous préférons n’en vanter que ses qualités.
Arrête ! Ou Ma Mère Va Tirer est une comédie familiale mignonnette dans laquelle Stallone étoffe un jeu bien plus nuancé que celui que la presse a bien voulu lui accorder. Sa complicité avec Estelle Getty est évidente, bien soulevée par le thème que leur octroie Alan Silvestri. Roger Spottiswoode fait preuve d’un talent de mise en scène évident et jongle parfaitement entre les séquences musclées et le tempo comique incessant du film. Le film n’arrête jamais de nous faire rire de bon cœur, il n’y a jamais de moment de flottement. Si ça ce n’est pas le signe d’une comédie réussie, on ne peut définitivement plus rien pour vous.
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