Junior : Mister Univers est « enceint »

En 1994, Ivan Reitman n’a plus à prouver qu’Arnold Schwarzenegger fait un bon acteur de comédie. Forts des succès de Jumeaux et Un Flic à la Maternelle, les deux hommes récidivent et réunissent le trio infernal en rappelant Danny DeVito. Toujours avec une base de manipulation génétique et le souci de parentalité au cœur de son histoire, Ivan Reitman va accoucher d’un film farfelu répondant à la question fantasmée par les femmes depuis des millénaires : un homme « enceint », ça fait quoi ? D’un pitch aussi rocambolesque, Ivan Reitman va en tirer un film au tempo comique modéré, allant crescendo dans l’hilarité jusqu’à nous toucher au plus profond de notre être. En questionnant les envies de parentalité de ses spectateurs, Reitman n’en oublie pas de réunir toute la famille devant un film qui fera rire petits et grands non sans arracher la petite larmichette en fin de parcours. Nouveau pari gagnant pour le trio Schwarzenegger/DeVito/Reitman ? C’est en tout cas l’occasion idéale de répondre à la question puisque Junior réapparaît dans un combo Blu-Ray/DVD disponible chez Elephant Films.

Les recherches du docteur Alex Hesse, un savant autrichien qui travaille aux États-Unis, sont sur le point d’aboutir. Son traitement devrait enfin assurer aux femmes des grossesses sans risques. Mais les autorités estiment qu’elles ont assez attendu et interrompent le financement du projet avant qu’il n’ait pu être testé sur les humains. Alex songe déjà à rentrer en Europe quand son associé, le gynécologue Larry Arbogast, lui suggère de vérifier les bienfaits de son traitement sur sa propre personne. Alex accepte de placer dans son abdomen un ovule fécondé, volé par Larry dans le stock du docteur Diana Reddin et déjà prénommé Junior. Désormais « enceint », Alex s’installe chez Larry, dont l’ex-épouse, Angela, attend aussi un enfant.

Finies les histoires de dépravation et de violence qui pouvaient ponctuer les situations comiques de Jumeaux. Pour Junior, Ivan Reitman décide de recentrer le débat vers un seul et unique sujet. Il questionne les problèmes de parentalité. Que ce soit les soucis d’infertilité, les grossesses à risque ou encore l’immense aventure que cela représente d’avoir un enfant, Junior ne traitera que de cela. À cette époque, Arnold Schwarzenegger a été plus que consacré comme un monument du cinéma de divertissement américain. Total Recall, Terminator 2, Last Action Hero et True Lies étaient passés par là depuis Jumeaux. Exception faite de Terminator 2, ces projets avaient à cœur de tourner souvent en dérision les situations dans lesquelles se retrouvait l’acteur. Que ce soit un humour noir chez Verhoeven, parodique chez McTiernan ou totalement cartoonesque chez Cameron, Schwarzenegger avait réussi à trouver le parfait tempo entre sévérité et second degré. Pour Junior, Reitman lui demande de grossir les traits de sa sévérité afin de mieux trancher avec la seconde partie du film, celle où les hormones prendront le dessus et où les émotions seront décuplées. L’électron libre de Jumeaux s’efface totalement au profit d’un jeu carré, où Arnold montre qu’il a apprit de ses erreurs en étant capable de donner le meilleur de lui-même lorsqu’on l’exige. Sa métamorphose est saisissante. D’autant qu’il aurait été facile de tomber dans un cliché d’homme macho devant lorgner vers une piteuse parodie sauce « cage aux folles » lorsqu’il doit exprimer son penchant féminin. S’il n’évite pas les poncifs à 100%, ce n’est que pour mieux nous servir des manifestations ponctuelles de savoureuse comédie (la séquence où il exprime son désir pour le docteur Reddin dans le salon de Larry, la séquence où il « perd les eaux »…). Et ne serait-ce que pour admirer Arnold Schwarzenegger grimé en femme affublé d’une perruque hideuse, il faut s’arrêter sur Junior.

Une fois de plus, Arnold Schwarzenegger est extraordinairement servit par un casting remarquable. Si son affiliation avec Danny DeVito n’était plus à prouver, on le sent définitivement enchanté de retrouver sa partenaire de jeu d’Un Flic à la Maternelle, Pamela Reed. La séquence du repas entre les deux protagonistes est un moment de complicité d’une grâce folle. Entre comique de situation, dialogues savoureux et petite touche émotive, le temps s’efface l’espace d’une séquence pour ne plus laisser apparaître que deux amis discuter de la vie et apprécier les bienfaits d’un repas gargantuesque. L’autre actrice qui surprend également est Emma Thompson. Tout comme Schwarzy l’avait fait sur Jumeaux, cette dernière casse son image d’actrice à rôles sérieux pour nous livrer une interprétation à mi-chemin entre Laurel et Hardy et Docteur Jekyll (sans Mr. Hyde). L’actrice britannique endosse les chaussures de la comédie avec une grâce folle. Sacrée découverte d’un talent qui n’aura de cesse de prouver la richesse de son jeu les années suivantes. Junior n’est pas forcément le premier film d’Ivan Reitman qui vient en tête lorsqu’on évoque les succès de son réalisateur, mais il serait vraiment temps de lui accorder les honneurs qu’il mérite. Tout y est réalisé avec une élégance et une bienveillance absolue, c’est une véritable pépite, une grosse madeleine bien dodue qu’on se régale à dévorer encore et encore. De plus, l’élégance mentionnée ci-dessus est relevée avec panache par une bande-originale signée James Newton Howard qui nous livre une partition, certes, mineure dans sa carrière, mais ô combien accrocheuse. Toute cette alchimie fonctionne parfaitement jusqu’à l’apothéose du film où un regard de Danny DeVito envers Pamela Reed avec juste une toute petite ligne de dialogue parviendra à susciter un flot de larmes tant l’émotion atteindra son paroxysme.

Junior est une comédie douillette qui fait du bien par où elle passe. Ivan Reitman réussit le mélange parfait entre comique de situation et vive émotion. Un mélange délicat qui aurait pu être casse-gueule s’il n’avait pas bénéficier d’une solide maîtrise. Probablement l’un des films les plus sous-côtés de la filmographie d’Ivan Reitman qu’Elephant Films remet en avant dans nos bacs via son édition Blu-Ray/DVD à posséder de toute urgence.

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