Space Jam, Nouvelle Ère : Votre civet de lapin, avec ou sans lubrifiant ?

Depuis les années 30, tous les enfants du monde ont, plus ou moins, connu une histoire d’amour avec les Looney Tunes. Impossible de ne pas avoir côtoyé les frasques de Bugs Bunny, les échecs de Vil Coyote ou encore les esclandres mythiques de Daffy Duck. Les Looney Tunes ont toujours fait parti, de près ou de loin, du paysage des productions Warner. L’immense popularité de ces derniers, leur incursion sur le grand écran, on le doit notamment à Robert Zemeckis qui a exploité l’entité que représentent ces cartoons dans Qui Veut la Peau de Roger Rabbit ? Mais les enfants des années 90 se souviennent surtout du baroud d’honneur qui a été accordé aux personnages phares de la franchise Looney, le bien-nommé Space Jam, sorti en 1996. S’il est évident que le projet était marketing avant tout, capitalisant sur la popularité d’une star du basket-ball (Michael Jordan) pour vendre un maximum de jouets à l’effigie des Looney Tunes, on ne peut pas nier une certaine envie d’émerveiller les petites têtes. Avec Ivan Reitman à la production, Space Jam sauvegardait la substantifique moelle qui faisait la force de ces dessins-animés. Si le projet passe l’épreuve du temps non sans un certain succès (n’en déplaise à certains de notre rédaction qui n’y voient que marketing fumant), nous redoutions sa suite comme la peste. L’échec commercial des Looney Tunes Passent à l’Action en 2003 avait scellé l’avenir des Looney au cinéma, Warner Bros préférant se tourner vers le live action en surfant sur le succès de ses nouvelles franchises pour enfants et ados comme la saga des Harry Potter. Il semblait que mélanger dessins-animés et acteurs en dur était passé de mode. Alors, que penser de Space Jam : Nouvelle Ère avant d’entrer dans la salle ? Mis à part titiller la corde nostalgique des bambins de l’époque ayant adoré le premier opus et venus faire découvrir leur « monde d’avant » à leurs propres enfants, on ne savait pas trop à qui était destiné cette suite. Qu’à cela ne tienne, nous faisons partie de cette génération devenue adulte et désireuse de transmettre nos souvenirs cinématographiques à nos enfants.

Le basketteur LeBron James visite les studios Warner Bros en compagnie de son fils, Dom. Le père et le fils se retrouvent piégés dans une dimension où tout l’univers de Warner Bros, dont ses personnages cultes, sont contrôlés par une seule et même intelligence artificielle, AI-G Rhythm. Cette dernière, mécontente du refus de James de se soumettre à ses algorithmes, emprisonne Dom et envoie LeBron dans l’univers, désormais en ruine, des Looney Tunes. Avec l’aide de Bugs Bunny, l’étoile de la NBA va rassembler les personnages cultes des Tunes et va tout tenter pour retrouver son fils dans ce monde qui lui est totalement inconnu. Pour récupérer son fils et retourner dans le monde réel, LeBron et les Looney Tunes devront participer à un match de basket contre des clones numériques des meilleurs joueuses et joueurs professionnels.

N’y allons pas par quatre chemins. Space Jam : Nouvelle Ère est une abomination infecte, indigne d’un écran de cinéma, indigne d’un écran tout court d’ailleurs. Le film s’autoproclame comme l’un des fils légitimes de Ready Player One, sauf qu’il ne le fait absolument pas pour les bonnes raisons. Space Jam : Nouvelle Ère prend le parti de se positionner auprès des détracteurs du film de Spielberg qui l’accusent de n’être qu’un énorme amas d’easter eggs tout juste bon à aligner toutes les figures qui ont fait la pop-culture des années 80 sans aucun fond à défendre. Si, en surface, Ready Player One peut être assimilé par ce prisme, n’oublions pas que nous avons affaire à Spielberg, et que son film possède bien des qualités que n’auront jamais Space Jam : Nouvelle Ère. Pire que tout, cette suite ne se contente pas de vouloir reproduire en mieux ce qu’elle n’aime pas chez tonton Steven, elle devient la caricature dénoncée par Spielberg. Preuve, si vous en doutiez encore, qu’un auteur talentueux aura toujours plus de poids (même lorsqu’il se plante) qu’un petit réalisateur au rabais qui se prend pour ce qu’il ne sera jamais. Car, oui, Space Jam : Nouvelle Ère est réalisé par un tâcheron du nom de Malcolm D. Lee dont les seuls faits d’armes populaires sont d’avoir été l’instigateur de Scary Movie 5 et Barbershop 3 (on ne vous fait pas un dessin, vous avez compris). Même s’il y a bien une lumière qui surgit au milieu de cet océan de conneries abyssales dans la filmographie de Lee (Soul Men avec Samuel L. Jackson et Bernie Mac, qui était assez agréable), il ne fallait pas s’attendre à un grand film. D’ailleurs, plus que jamais, Space Jam : Nouvelle Ère est un film de producteurs, une façade marketing abjecte qui dissimule les plus gros doigts d’honneur que nous ayons vu depuis des lustres. Le film aligne toutes les figures du catalogue Warner, des personnages de Harry Potter en passant par ceux de Game of Thrones, Mad Max : Fury Road, Casablanca, Matrix, l’univers DC…tout y passe. C’est un immense viol collectif où même la plus abjecte des agressions pédophiles ne serait rien à côté de la dangerosité de ce projet ! De plus, les studios alignent des figures qui ne s’adressent vraiment pas aux enfants comme les personnages des nonnes issues de The Devils de Ken Russell. The Devils qui est, rappelons-le, introuvable nulle part puisque Warner refuse encore et toujours d’éditer le film. Voilà pourquoi nous vous parlions de doigt d’honneur : Warner se fout littéralement de notre gueule !

S’il fait du mal au cinéma, Space Jam : Nouvelle Ère ne s’arrête pas à ce coup d’éclat. Le film dresse un bilan envers les jeux-vidéos tout aussi abominable. C’est un film avec un discours de vieux con qui ne connaît définitivement pas ce monde. Le film nous abreuve de séquences interminables où la débauche d’effets-spéciaux exécrables nous feront frôler la crise d’épilepsie plus d’une fois. Et cette figure du vieux con réac est magnifiquement incarnée par LeBron James, l’un des pires acteurs jamais vu en salle. Tellement mauvais qu’il est remplacé pendant la moitié du film par son clone animé. Avec ce film, il obtient sans problème la palme du pire père de l’année. Parfait tyran dont on regretterait presque qu’il n’ait pas été stérile pour ne pas engendrer de descendance aussi malheureuse. La soumission de ses enfants est proportionnelle au discours tenu par les producteurs du film qui ne se cachent même plus pour nous affirmer que la plupart de leurs projets sont générés par des algorithmes aléatoires : la firme ne nous voit plus que comme des cobayes, de parfaites pompes à fric juste bonnes à payer pour se faire lobotomiser le crâne. Et la séance de torture n’en finit jamais, le film fait 120 trop, trop, trop longues minutes. Non content de subir une profonde sodomie au verre pilé, nous assistons également, impuissant, à l’assassinat des héros de notre enfance. Les Looney Tunes paient le prix fort des horribles ambitions de la firme. Une fois encore, le discours les concernant est limpide. Pour les géants de Warner, plus personne ne s’intéresse aux Tunes, ils sont has-been, ringards, tout juste bon à mettre à la poubelle. Space Jam : Nouvelle Ère nous dit clairement : « Si tu ne viens pas voir mon film, tu peux dire adieu à tes héros préférés ». Et c’est ainsi que l’ultime machination machiavélique du film se met en marche. La modélisation 3D des personnages est atroce, ils perdent absolument tout de leur superbe. Ne reste que quelques blagues qui leur feront honneur et qui arracheront un sourire presque douloureux, comme un dernier regard vers le passé, vers la dernière fenêtre encore ouverte avant l’ultime éboulement sur les souvenirs de notre enfance. Quelques vannes 100% Tunes surnageront douloureusement dans cet océan de vomi, mais rien qui ne pourra sauver le paquebot du naufrage.

Warner Bros a tué les Lonney Tunes, il n’y aura plus jamais de place pour une quelconque magie, du moins, pas tant que des producteurs véreux dicteront leur politique du profit sans foi ni loi. Space Jam : Nouvelle Ère se place en pole position du pire film de l’année et concoure déjà dans la catégorie du pire film de la décennie. On préférera s’en retourner vers le cocon douillet initié par Joe Dante pour Les Looney Tunes Passent à l’Action, là, au moins, il y avait des envies de cinéma, des envies de rêves, des envies de divertissement… Preuve, une fois encore, qu’un bon réalisateur fera toujours la différence !

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