White Noise : Obsession et désordre

Il nous faut vous mettre en garde : il va falloir s’accrocher. Le nouveau film de Noah Baumbach (réalisateur de Marriage Story et coscénariste du très attendu Barbie) est sorti ce vendredi 30 décembre sur Netflix. Une bande-annonce intrigante, un casting alléchant et un titre tout aussi énigmatique : White Noise. « Une comédie de l’absurde » nous annonce le résumé de la plateforme de streaming. Une expression appropriée mais qui peut se révéler à double tranchant.

White Noise est l’adaptation du roman éponyme de Don DeLillo et raconte l’histoire d’une famille recomposée de l’Amérique banlieusarde des années 80. Jack, le père (Adam Driver), est professeur à l’université locale et enseigne une matière très particulière appelée the Hitler Studies, qui comme son nom l’indique, s’intéresse à la figure du Führer et de son impact sur les masses qui l’ont suivies. Babette, la mère (Greta Gerwig, réalisatrice de Lady Bird et du toujours très attendu Barbie), est une coach de motricité pour les personnes âgées. Tous deux forment un couple idyllique avec leurs quatre enfants, chacun issus de leurs précédentes unions. Un événement va bouleverser leur vie bien réglée. Un train déraille et explose, libérant un nuage de gaz toxique mortel qui pousse les habitants de la ville à évacuer les lieux immédiatement. Noah Baumbach entame son film par une caractérisation singulière de ses personnages. Une longue introduction nous donne à voir le white noise du titre (que l’on traduit par « bruit blanc » ou « bruit de fond ») qui n’est autre que le flot ininterrompu des paroles des personnages qui s’expriment tous en même temps, en faisant des phrases faussement philosophiques avec des mots compliqués qu’ils ne maîtrisent peut-être même pas. Pas de panique, aussi troublant que cela puisse paraître, ce choix est voulu par le réalisateur qui souhaite nous submerger par les banalités omniprésentes, dont nous sommes nous-même parfois moteur, qui devient à la longue un bruit de fond que l’on n’entend même plus.

Néanmoins, malgré des intentions claires au départ sur son discours, Noah Baumbach propose ensuite un déroulement peut-être trop fourni pour que son film puisse maintenir l’intérêt du spectateur. On devine qu’il veut à la fois émettre une critique de la surconsommation, mais aussi proposer un discours sur la vacuité de l’existence, tout en mettant en scène un embryon de film catastrophe qui n’est pas sans rappeler la crise sanitaire du COVID-19. L’obstacle que le film n’arrive pas à surmonter c’est bel et bien lui-même. Tous ces sujets sont dignes d’intérêt et trouvent une résonance dans le style du réalisateur mais ce dernier a tout simplement fait trop de films en un seul. Vu la qualité de ses œuvres précédentes, on peut imaginer qu’il s’agit là plutôt d’une maladresse liée à une adaptation trop condensée de la forme romanesque.

Cependant, malgré une narration décousue, le film bénéficie d’un casting irréprochable avec le trio gagnant Adam Driver, Greta Gerwig et Don Cheadle. Plus besoin de les présenter, ils incarnent leur personnage avec un engagement peu commun (mention spéciale à Adam qui réaffirme son talent à chaque film). Les enfants ne sont pas en reste, notamment Raffey Cassidy qui interprète la jeune Denise et Sam Nivola qui joue le rôle de Heinrich. Ces deux jeunes comédiens dépassent leur rôle secondaire pour venir imposer leur jeu convaincant et tiennent parfaitement la distance aux côtés des monstres que sont Driver et Gerwig. Noah Baumbach nous confirme qu’il sait choisir et diriger ses acteurs en proposant une nouvelle histoire de famille qui s’avère être son thème de prédilection. Il propose également une esthétique singulière, à mi-chemin entre les couleurs vives de Wes Anderson (avec lequel il a déjà collaboré) et le grain jaunâtre qui parfume son ambiance vintage d’une Amérique tout droit sortie d’un paquet de corn flakes.

White Noise est donc un film qui souffre d’un scénario trop dense et malheureusement parfois trop absurde pour être pleinement apprécié à sa juste valeur. Baumbach n’a néanmoins pas manqué d’audace en s’attaquant à cette adaptation et en traitant d’un même coup les différents sujets de société qui continuent de ronger les Etats-Unis et le monde occidental. Porté par son casting trois étoiles, White Noise exhibe pleinement le talent de ses acteurs, avec un Adam Driver sur-vitaminé, une Greta Gerwig émouvante et un Don Cheadle surprenant.

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