Solo – A Star Wars Story : « Un grand flou lumineux ».

Une décision blasphématoire de dépeindre la jeunesse d’Han Solo sans Harrison Ford pour porter le costume fut prise par Disney/Lucasfilm. Par cette volonté perpétuelle de revenir sur les origines de Star Wars, entre deux épisodes officiels, les nouveaux pontes de Lucasfilm ont jeté leurs dévolu sur l’un des personnages cultes de la saga. Exit donc Harrison Ford, défaut de l’âge requis, welcome Alden Ehrenreich, vu dans le dernier film des Frères Coen, Ave Cesar !, en copie conforme de James Dean. Pour LucasFilm et Disney, il sera la copie conforme d’Harrison Ford. Bien malgré lui, la production lui demandant un mimétisme grossier pour ne pas choquer les fans et les spectateurs. Il aura même le privilège d’un professeur particulier sur le plateau pour cela. En résulteront des rumeurs relatant son incapacité à jouer correctement, à être Han Solo. Dans le film, cela se ressent dans les premières minutes, le jeune acteur accentue les tics à la Harrison Ford, force son jeu, cabotine l’image d’Han Solo. Quelques miettes faisant partie des 20% restantes dues au duo Lord & Miller, remplacé avec fracas par Ron Howard en cours de production.

A l’image de beaucoup de productions actuelles, les deux metteurs en scène choisis n’ont pas réussi à imposer leurs idées et leurs façons de travailler. À défaut de se concentrer sur le planning et le travail demandé par la production, Lord & Miller ont sans cesse improvisé, mettant en scène des rushs jugés inacceptables. Une façon de faire propre aux deux trublions responsables du génial, La Grande Aventure Lego. Mais dans l’entreprise mercantile de LucasFilms, tout est cadré et carré. Outre d’autres problèmes évidents de relations avec la production, la faute était toute trouvée pour les remplacer. Alors, débarque à la rescousse, Ron Howard.

On ne présente plus ou presque Ron Howard. Il est un faiseur fantastique et malléable dans ce monde merveilleux d’Hollywood. Depuis presque 30 ans de carrière en tant que réalisateur, il est passé sans encombre à travers les canevas des divers producteurs avec lesquels il a travaillé. De son travail, on citera volontiers Willow, Cocoon, les trois aventures de Robert Langdon avec Tom Hanks (Da Vinci Code, Anges et Démons, Inferno) ou dernièrement Au Cœur de l’Ocean, adaptation de Moby Dick de Melville, avec Chris Hemsworth.

Ron Howard est un talentueux artisan qui réussit à s’adapter à toutes les situations ou presque. Il arrive sur le plateau de Solo tel un sauveteur de l’extrême. Il reprend tout le travail ou presque en retournant 80% de la matière. Le résultat est annoncé catastrophique selon les premières critiques reçues de Cannes. Il en sera tout autre après projection du film.

Il faut avouer que Solo doit beaucoup à Ron Howard. L’homme reprend de zéro via seulement trois semaines de reshoot et réussit l’impensable : tirer le meilleur du scénario des Kasdan, père et fils. Solo – A Star Wars Story emmêle l’aventure façon serial des années 50 avec un zeste de western et de film de guerre. Si l’introduction est une évasion en bonne et due forme, la suite suivra Han sur les champs de bataille de l’empire. Il y trouvera une identité, mais surtout une échappatoire. Le moment idéal pour enfin découvrir sa rencontre avec Chewbacca (surprenante séquence, presque jubilatoire) et de filer vers leurs premières aventures. A l’image de Rogue One, c’est via la formation d’un groupe de mercenaires que le film va tirer son fil rouge. Han Solo s’évanouit alors dans la troupe se laissant dompter par Alden Ehrenreich. L’acteur se ressent plus à l’aise et devient enfin Han Solo. Il se fond idéalement dans le costume pour une réinterprétation du rôle presque totale, l’image d’Harrison Ford n’étant jamais trop loin. Mais Ehrenreich se fait facilement accepter et on peut partager avec bonheur cette « origin story ».

Une nouvelle histoire de la mythologie Star Wars dont on prend position avec un certain plaisir. Cette « origin Story » est une aventure palpitante, véritable attraction calibrée de main de maître par Ron Howard. Le réalisateur américain réussit presque l’impossible en sauvant le film de la faillite. À force d’entendre la catastrophe de l’entreprise, on se retrouve surpris face à un divertissement généreux. Exemple à l’appui avec l’accrocheuse séquence de l’attaque du train dont le film va tirer toute sa force, l’essence même de l’aventure de Solo. Suivront l’attaque de la mine de Kessell suivie par une course poursuite cosmique avec Han Solo aux commandes du Faucon Millenium dans une nébuleuse de laquelle émerge une abomination tentaculaire digne des écrits de H.P. Lovecraft.

Solo : A Star Wars Story n’est pas la grande réussite attendue, mais nous attendions-nous à un chef-d’œuvre au départ ? La réponse est clairement non. On attendait de Solo un spectacle enivrant et humble ponctué d’un zeste d’humour. La mission est amplement réussie en dépit des multiples problèmes de production subis par le film. Solo – A Star Wars Story s’en sort haut la main bien aidé par le savoir-faire indéniable de Ron Howard, héros premier du film, sauveur d’un naufrage trop rapidement annoncé.