Westworld – Saison 4 : All Along the Watchtower

Nous avions laissé Westworld sur une troisième saison décevante, ayant bien du mal à renouveler ses enjeux. On ressentait là une saison de transition, tâtonnant dans sa narration tout en continuant de fourmiller d’idées. C’est d’ailleurs l’une des constantes de la série : sa volonté de ne pas se reposer sur ses acquis et d’offrir toujours à son spectateur un divertissement d’une intelligence rare, tendant un miroir à notre humanité. Westworld est parfois confuse, parfois répétitive, décevante même mais elle est également brillante et cette quatrième saison vient nous le confirmer avec bonheur, la série retrouvant ici sa capacité à réfléchir sur elle-même et à creuser des thématiques hautement passionnantes. Et si d’habitude nous évitons les spoilers dans nos articles, il nous paraît ici impossible de parler de cette saison sans en rentrer dans les détails. Vous voilà donc prévenus, ça va spoiler sévère !

Car si la saison commence doucement (voire un peu trop dans ses trois premiers épisodes) en se déroulant sept ans après le final de la troisième saison (en 2060 donc), montrant un Caleb père de famille et une Maeve toujours traquée en cavale, ne tarde pas à jouer de nouveau la carte de la double temporalité de façon assez brillante, permettant de donner au récit un gros coup de boost narratif. Il s’avèrera en effet que l’intrigue se déroule majoritairement en 2083 et que Charlotte Hale (ou tout du moins l’hôte ayant son apparence, vous suivez toujours ?) est parvenue à ses fins. Dans un effet d’inversion fort savoureux, les humains sont désormais les jouets de Hale, parqués dans des grandes villes et à la merci de sa volonté. Aidée par un hôte ayant l’apparence de William, elle s’inquiète cependant d’une certaine épidémie poussant ses congénères au suicide, comme si les humains, dans toutes leurs imperfections, contaminaient les hôtes. Charlotte règne, certes, mais c’est loin d’être sur le monde désiré. Tandis que la résistance s’organise avec à son bord Maeve, Bernard ou Stubbs, nous faisons la connaissance de Christina (qui n’est autre que Dolores, ayant visiblement oublié son passé), scénariste pour une compagnie de jeux vidéos découvrant que sa réalité n’est pas celle qu’elle imaginait…

On louait dans notre premier paragraphe la capacité de Westworld à ne jamais se reposer sur ses acquis, on ne peut que saluer cette aptitude, ici exploitée au maximum. Alors que l’on pensait que Caleb et Maeve allaient de nouveau se réunir pour affronter Charlotte, voilà qu’on apprend que leur raid a tourné court. Alors que l’on pensait Dolores définitivement évacuée du récit, voilà qu’elle revient (et en même temps, pouvait-il en être autrement ?) Alors que l’on pensait que la série s’était affranchie de son parc, elle prend un malin plaisir à détourner ce concept. C’est pourquoi on pardonne à Westworld ses errances (et dieu sait qu’il y en a, y compris dans cette saison) bien plus volontiers qu’à d’autres séries : elle est toujours fondamentalement excitante, sachant nous amener à réfléchir sur notre humanité. Et alors que le concept de répétition est profondément ancré dans l’ADN même de la série, voilà en plus qu’elle ose une mise en abyme donnant le vertige en faisant de Christina, une scénariste, le seul espoir de survie des personnages. Puisque le monde n’est qu’un ‘’cimetière d’histoires’’, il faudra bien la toute-puissance d’une narration forte pour lui offrir un dernier espoir.

Toute la saison est ainsi sous-tendue par des idées brillantes, renvoyant aux premières heures de la série. Alors que Caleb et Maeve découvrent un nouveau parc (basé sur le Chicago des années 20), c’est pour mieux s’apercevoir que tout est un décalque du parc originel ayant même inclu dans son scénario la révolte menée par Dolores sous l’identité de Wyatt, les tragédies d’hier devenant sans vergogne les divertissements de demain. En inversant la tendance des deux premières saisons et en transformant les humains en hôtes dociles soumis à la volonté de Charlotte Hale, la série s’offre un parallèle d’autant plus fort que Hale, tout comme Ford, est finalement dépassée par sa création, en témoigne un monde aseptisé et des hôtes malheureux, encore attachés à leurs sentiments humains. L’hôte de William s’en rendra compte à travers ces mots : ‘’On est aussi tordus que nos créateurs. Toute la lignée est maudite.’’ De fait, créés à l’image de l’homme, bien que plus parfaits, plus résistants et plus conscients, les hôtes n’ont que cette image de leur créateur pour exister et il semble impossible pour eux de parvenir à s’en détacher de la même façon que l’on finit toujours par ressembler à ses parents, qu’on le veuille ou non.

Tout en gardant son exigence narrative (qui implique généralement de se faire un récap entre chacune de ses saisons, d’autant que celles-ci n’arrivent qu’une fois tous les deux ans), Westworld maintient également son fabuleux sens esthétique. La série tient en effet la répétition comme l’un de ses moteurs narratifs mais il se retrouve également dans la mise en scène puisque l’on trouve régulièrement des plans en écho des précédents tout en proposant des séquences à l’esthétique particulièrement léchée (le final de l’épisode 7 a beaucoup d’allure), sans cesse soulignées par la composition musicale toujours aussi inspirée de Ramin Djawadi.

Dans ce récit où les personnages sont quasiment tous devenus des hôtes (y compris Caleb qui a le droit à une séquence particulièrement marquante quand il se sert littéralement du corps d’une de ses copies de lui-même pour s’évader de sa cellule), ceux-ci finissent par ne plus être incarnés au sens premier du terme mais par revêtir des corps et des fonctions vouées à se répéter. Après Maeve, c’est au tour de Caleb de vouloir sauver sa fille tandis que William, même s’il n’est plus le William original, restera toujours motivé par la violence et le chaos. Le monde avance mais rien ne change jamais vraiment dans Westworld, on ne fait que des détours au sein d’une immense boucle. Il était donc totalement logique que la saison se termine par un retour au parc original (tout y a commencé, tout y finira), promettant d’ores et déjà une cinquième et dernière saison palpitante. À ce jour, HBO n’a cependant toujours pas renouvelé la série, espérons qu’elle ait la présence d’esprit de le faire tant il serait dommage de s’arrêter aussi près d’une fin capable de nous retourner le cerveau et de faire de Westworld une série mémorable. Nous serons en tout cas au rendez-vous, c’est certain et avec beaucoup d’excitation.

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