The King’s Man – Première Mission : Dernière déception ?

The King’s Man : Première Mission, troisième volet de la saga Kingsman réalisé par Matthew Vaughn et adapté du comics du même nom. Cet opus dit au revoir à Mark Strong, Colin Firth et Taron Egerton pour découvrir Ralph Fiennes, Harris Dickinson, Gemma Arterton et Djimon Hounsou dans la mission d’envergure qui créa l’agence King’s Man. Un tout nouveau casting en place pour un prequel détonant et inattendu. L’intrigue prend place durant la première guerre mondiale où Conrad (Harris Dickinson), le fils d’Orlando Oxford (Ralph Fiennes) souhaite s’engager au front. Son père est en totale opposition avec ce souhait et le préfère en sécurité près de lui pour suivre la dernière volonté de sa défunte femme. As du combat et professionnels des arts militaires, Orlando, son fils et son majordome Shola se retrouvent à enquêter et contrecarrer les plans d’un mystérieux homme dont les pions politiques se font de plus en plus nombreux et problématiques.

S’il y a bien un élément que l’on ne peut retirer à cet opus, c’est l’omniprésence de l’action. Il ne doit pas se passer plus de 5 minutes d’affilées sans une scène d’action et une impressionnante chorégraphie de combat. Il faut dire que l’histoire s’y prête particulièrement tant elle est composée d’intervenants aussi nombreux que variés. On en a pour tous les goûts, toutes les origines et toutes les diversités martiales. Difficile de ne pas prendre son pied à plusieurs reprises tant la mise en scène insiste sur ce besoin d’exciter la narration autant que possible. Il ne faut pas que le spectateur s’ennuie, le scénario est en perpétuel mouvement, allant de rebondissements en révélations et en modifiant sans cesse son lieu d’exhibition.

On peut le dire également, visuellement ce Kingsman ne se moque pas de nous. D’abord les costumes sont recherchés, soignés et nous aident à explorer plusieurs époques et lieux très différents mais les décors en rajoutent une sacrée couche. Que ce soit le gigantesque plateau de la scène finale, le magnifique château dans lequel Raspoutine fait ses offices ou le funeste no man’s land de la scène de guerre, la recherche visuelle est un atout central et majeur de ce troisième opus. Matthew Vaughn souhaite nous en mettre plein la vue et il met tout en œuvre pour nous combler. Ajoutons à cela une CGI bien trop omniprésente pour un film qui aurait pu gagner en crédibilité en ne trichant pas sur autant d’artifice et vous obtenez un film qui ne parvient pas à remplir la mission première qu’il s’est donné : empêcher le spectateur de s’ennuyer.

C’est pourtant ce qu’il résulte de ce besoin incessant de bousculer le spectateur dans tous les sens. En multipliant le nombre d’antagonistes, le film ne fait que complexifier gratuitement son intrigue. En faisant voyager nos héros à travers le monde sans jamais prendre le temps de les incorporer à l’intrigue qu’ils bousculent, on ne fait qu’épuiser inutilement le spectateur avec des sous-intrigues peu passionnantes. Et en ponctuant chaque plan majeur d’une scène d’action dantesque on prive le spectateur de flottements narratifs pour se remettre dans l’histoire et réfléchir à son déroulé. Il s’agit ni plus ni moins d’un film fatiguant dans son sens le plus littéral. Ce qui n’empêchera pas les plus enthousiastes d’apprécier considérablement leur séance tant elle est complète en terme d’action. Contrairement à des films comme Pacific Rim ou Mad Max : Fury Road par exemple, qui offrent une action incessante, il y a une profonde différence entre le traitement de son intrigue et la mise en scène qui en découle. Dans ces deux films, l’histoire permet toutes les libertés à la mise en scène parce que peu importe ce qu’il se passe, on reviendra toujours à la problématique principale, celle qui est déterminée en début de film. Ici au contraire, on ne parvient jamais vraiment à savoir quelle est la problématique principale, le film n’offrant jamais de véritable liant entre les divers enjeux et rebondissements.

Il y a également une réelle distance avec les opus précédents. L’un des éléments qui avait rendu le premier volet aussi significatif et personnel résultait dans la gestion de l’origine des conflits. Les protagonistes recherchaient rarement l’action, c’est elle qui les rattrapait. Que ce soit dans le pub au début, dans la fameuse scène de l’église ou bien encore dans la scène d’intro du film. D’ailleurs le dîner entre Samuel L. Jackson et Colin Firth est révélatrice de la gestion de l’action. Alors que tout semble prédisposé à ce qu’il se passe une énorme dinguerie, finalement rien ne se produit et ils se séparent comme de simples faux frères. Ici, ils emportent l’action perpétuellement avec eux. Où qu’ils aillent, c’est leur arrivée qui fout la pagaille. Il n’y a plus alors cette suspension dans l’intrigue, on comprend que le réalisateur n’a plus du tout la même ambition de consommer l’action que précédemment. En seulement 6 ans le cinéma d’action a radicalement changé, comme si le genre actioner n’avait plus d’âme véritable. Qu’il n’était qu’une excuse visuelle et une technique cinématographique, dénuée de capacité à raconter quelque chose.

Ce qu’il manque à cet opus, c’est l’âme de sa franchise. Le film est sympa mais Vaughn nage dans l’illusion de retrouver la gloire du premier. Il ne fait que tuer à petits feux sa licence pourtant prometteuse. Toutes les scènes cultes ou plans marquants du premier opus continuent de se retrouver ici sous un angle et une approche différentes. Comme une volonté inavouée de reproduire à l’identique ce qui a fonctionné en évitant à tout prix le remake ou le reboot. Il en résulte des éléments d’intrigue forcés voire complètement improbables. Un Soderbergh bis qui n’a jamais su stopper sa saga pour réduire à néant son aura aujourd’hui. À l’image d’un Ocean’s 13 que l’on regarde par amour nostalgique du premier, on se laisse porter par le flot de scènes d’actions aussi dantesques que nombreuses mais jamais l’immersion ne fonctionne totalement. On se surprend à rester indifférent. Les personnages sont pourtant saisissants. D’une part les acteurs sont excellents et d’autres part ils incarnent par instant des personnages populaires de l’Histoire qui crédibilises le récit. Entre Raspoutine (Rhys Ifans), Erik Jan Hanussen (Daniel Brühl) ou encore les rois et empereurs George V, Nicolas II et Guillaume II (tous trois joués par Tom Hollander), autant dire qu’on se demande bien jusqu’où pourrait aller l’intrigue. Si elle manque de simplicité, il faut admettre qu’elle est audacieuse. Après tout, le problème vient peut-être simplement du fait que l’on ne voit pas nos anciens camarades que l’on a tant appris à aimer depuis le premier opus ?

Par ailleurs Première Mission tombe dans ce piège qui achève bien trop de longs-métrages. Se lancer dans un prequel n’est pas un exercice aussi aisé qu’il n’y paraît et il faut trouver la bonne période à raconter. Connaître la genèse de cette agence secrète est excitant si l’on ne termine pas l’intrigue à l’exacte officialisation du projet. Il résulte une inauguration beaucoup trop formelle de l’agence. Motivée par un évènement précis dont toute la structure en découle. Sa création ne possède pas de petites étapes ou de modifications dans le temps. Sa forme finale (du moins celle que l’on voit dans le premier volet) correspond quasiment en tous points à sa forme initiale. De plus, l’agence Kingsman se crée non pas dans le but de mettre au point une mission mais à la suite de celle-ci. Sans doute est-ce plus proche du comics d’origine, cependant il survient un phénomène de perte d’intérêt. Un peu à l’image de Solo : A Star Wars Story qui laisse peu de liberté au personnage de vivre en dehors des films. Cette fois-ci c’est l’agence entière qui ne semble pas vivre en dehors de ce que la saga accepte de raconter. Ou du moins qui laisse peu de place à l’imagination sur l’acte de création de l’agence et de son champ d’action.

En finalité il s’agit d’un film à l’action majeure et parfaitement chorégraphiée. La pléthore de personnages, si elle n’en devient pas indigeste, rendra le tout extrêmement plaisant. Avec des scènes jouissives au possible et de la baston à n’en plus finir. C’est un pacte que l’on accepte de signer, The King’s Man : Première Mission répond à une demande cinématographique en hausse. Un traitement de l’intrigue qui répond aux attentes d’une large population de spectateurs, à en juger par le succès commercial que semble devenir Spider-Man : No Way Home. Nul doute que nombreux seront les aficionados de ce prequel qui n’atteint cependant jamais la masterclass de son aîné de 2015.

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