True Detective – saison 4 : « We’re alone. God too. »

Acclamée pour sa première saison (un poil trop), descendue (injustement) en flammes pour sa seconde et reçue avec indifférence pour sa troisième itération, nous pensions True Detective morte et enterrée. Pour la remettre sur de bons rails, il fallait un sacrifice : créateur et scénariste de la série, connu pour son tempérament difficile et son énorme ego (au point qu’il a craché publiquement sur cette nouvelle saison avec une mauvaise foi incroyable, alors qu’elle est formidable tout en s’inscrivant dans la lignée de ses aînées), Nic Pizzolatto a été évincé du projet. Peut-être la meilleure chose à être arrivée à True Detective finalement tant cette quatrième saison, baptisée Night Country s’avère être de grande qualité, respectant l’héritage de la série (sa noirceur ambiante, ses personnages au passé traumatique) tout en y apportant une touche de féminisme et une grosse dose de fantastique. Résultat, Night Country ne ressemble à rien d’autre qu’à elle-même et c’est tout à fait formidable.

Chapeautée par Issa López (remarquée avec Tigers are not afraid) qui réalise et co-écrit les 6 épisodes de la saison, Night Country se déroule à Ennis en Alaska alors que la nuit fait tomber son voile sur toute la région. L’intrigue commence alors que huit scientifiques d’une station de recherche sont portés disparus, évanouis dans la nature sans laisser de traces. Sur les lieux du potentiel crime, une langue coupée est retrouvée, appartenant à la victime d’un meurtre irrésolu quelques années plus tôt. Cela rappelle des souvenirs aux policières Liz Danvers et Evangeline Navarro, brouillées à la suite d’une tragique affaire et qui se retrouvent à enquêter ensemble de nouveau…

La recette appliquée, vous l’aurez compris, est simple et connue de tous. Une affaire mystérieuse, un cadre inquiétant et deux policières que tout oppose, chacune trimballant son lot de traumas. Sauf que Night Country rajoute à cela une dimension fantastique pleinement assumée et fort plaisante, Issa López calquant son atmosphère glaciale et terrifiante sur le John Carpenter de The Thing jusqu’à le citer explicitement le temps d’un petit clin d’œil et d’une découverte de cadavres que n’aurait pas reniée Big John. La ville d’Ennis est quant à elle hantée par des fantômes, ceux des bébés morts nés à cause de la pollution de l’eau causée par la mine avoisinante, ceux des êtres venus ici pour fuir leur passé, à la recherche d’une forme de rédemption que seuls le froid, la glace et l’obscurité peuvent éventuellement leur offrir.

C’est avant tout de ce cadre singulier que cette quatrième saison tire sa force puisque c’est cet endroit qui dicte une bonne partie des agissements des personnages, silhouettes à la merci des éléments et de forces les dépassant. Il est impressionnant de constater la maîtrise dont Issa López fait preuve, parvenant, malgré des éléments classiques, à hisser Night Country à un niveau de mise en scène sidérant, nous arrachant au passage quelques frissons que nous n’avions pas éprouvés depuis longtemps face à une série… L’autre grande réussite de la saison vient de ses personnages dont une bonne partie du plaisir tient à la présence de Jodie Foster dans l’un des rôles principaux. L’actrice, trop rare, incarne une flic peu aimable, opiniâtre et égoïste, n’hésitant pas à utiliser les autres dans le but d’arriver à ses fins et de clore son enquête coûte que coûte. La voir revenir dans un polar tant d’années après Le silence des agneaux est un pur régal de cinéphile surtout dans la peau d’un personnage aussi riche, lui permettant d’offrir une interprétation passionnante face à laquelle Kali Reis, boxeuse de formation, s’affirme comme une révélation. Le personnage de Navarro habite en effet totalement Reis dont le jeu, tantôt retenu et sous pression, tantôt plus minéral et explosif, est admirable, donnant corps à un passé traumatique avec une justesse émouvante.

Le reste du casting est tout aussi excellent, le jeune Finn Bennett parvenant à tirer son épingle du jeu tout en étant entouré par des acteurs aussi solides que John Hawkes, Fiona Shaw ou Christopher Eccleston. Notons d’ailleurs la remarquable empathie dont Night Country fait preuve avec ses personnages puisque c’est à Hank Prior (Hawkes), le plus antipathique de tous que l’on doit l’un des moments les plus touchants, un plan sur la piste d’un aéroport ou dans une chambre donnant à voir l’étendue d’une solitude franchement déchirante.

Maline jusqu’au bout, intelligente dans son numéro d’équilibriste (peu aisé) entre polar et fantastique, Night Country a l’excellente idée de nous offrir une conclusion satisfaisante, répondant brillamment à certaines de nos interrogations tout en nous en laissant d’autres tapies dans l’ombre. L’aspect anti-spectaculaire de la fin, lors d’une simple confession autour d’une table, ne l’empêche aucunement d’être mémorable (bien au contraire) et s’avère en totale adéquation avec toutes les thématiques de la série, parvenant à les relier en une conclusion somme toute logique, celle d’une histoire que certaines personnes ont décidé de se raconter et que l’on est bien en droit de trouver brillante aussi bien dans son idée que dans son exécution. Une fin sans larmes mais néanmoins déchirante, avançant l’idée que tout se paye un jour malgré les secrets, que les morts finissent toujours par hanter les vivants et que ceux-ci ne tarderont de toute façon pas à les rejoindre…

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