True Detective – saison 1 : Far From Any Road

S’il y a bien une série qui a créé l’événement en 2014 c’est True Detective. En l’espace d’une saison, de huit épisodes et d’un générique inégalé nous transportant dans un autre univers dès ses premières images (il faut dire que la chanson Far From Any Road de The Handsome Family est fabuleuse), le public était conquis. La chute qui suivit en saison 2 n’en fut que plus douloureuse (et, nous y reviendrons, totalement injustifiée) mais pour l’instant, attardons-nous sur cette première saison qui sut mettre tout le monde d’accord.

True Detective, qu’est-ce que c’est ? C’est du polar noir dans toute sa splendeur, ingéré et digéré par Nic Pizzolatto, un écrivain qui se transforme en scénariste pour cette série anthologique. Pizzolatto, qui n’est pas vraiment comme tout le monde, se traîne une réputation de showrunner monomaniaque et égocentrique, imbu de lui-même et de ses dialogues (le personnage de Flip McVicker de BoJack Horseman serait inspiré de Pizzolatto) au point de s’attirer les foudres de certaines personnes travaillant avec lui. Pizzolatto s’en moque, signe les scénarios de tous les épisodes de la saison en s’inspirant de nouvelles de Robert W. Chambers (et son fameux roi en jaune), embrasse ses références et nous sort un duo de flics que tout oppose, campés par Woody Harrelson et Matthew McConaughey à un point de leurs carrière où ils sont de retour en grâce à Hollywood suite à des choix de carrière plus intéressants (Harrelson a renoué avec le succès via Bienvenue à Zombieland et McConaughey a surpris tout le monde en Killer Joe dans le film éponyme de William Friedkin).

Deux flics que tout oppose donc, Martin Hart et Rust Cohle, enquêtent sur le meurtre d’une femme en Louisiane, le tout les menant sur la piste d’un serial-killer et de rites sataniques. La saison déroule alors deux temporalités, l’une située en 1995 nous montrant l’enquête et l’autre située en 2012 où les deux flics vieillissants sont interrogés par d’autres inspecteurs suite à un meurtre commis de façon similaire. Cette façon de jouer sans cesse entre passé et présent permet à Pizzolatto de dérouler une narration maline (comme cet épisode 5 de haut vol où Hart et Cohle racontent les détails d’une fusillade en 2012 que l’on voit se dérouler de façon totalement différente en 1995) et d’appuyer la vision du monde de Pizzolatto, particulièrement sombre où le passé ne cesse de courber les épaules des personnages.

Là où cette première saison de True Detective réussit son plus beau tour de force, c’est cependant quand elle s’adjoint les services de Cary Joji Fukunaga à la réalisation et ce pour tous les épisodes de la saison. Le cinéaste permet ainsi à la série de trouver une identité visuelle très forte, magnifiant les superbes décors de Louisiane en les rendant proches du surnaturel tout en livrant de fabuleux morceaux de bravoure comme ce plan-séquence venant clore l’épisode 4 dont tout le monde se souvient encore. Adhérant totalement à la noirceur de la patte de Pizzolatto, Fukunaga vient transcender son univers, captant la violence de ses personnages, la poésie élégiaque du récit et les faiblesses de ses héros. Car si l’enquête est ce qui nous attire dans la saison, True Detective se concentre beaucoup sur la vie privée de ses personnages, notamment sur le mariage périclitant de Hart (qui est marié à la superbe Michelle Monaghan et qui trouve le moyen de la tromper !) ou sur la solitude de Cohle dont les longs soliloques sur la vie déprimeraient la plus joyeuse des personnes.

Certes, les défauts d’écriture récurrents de Nic Pizzolatto sont là, à savoir un léger manque de subtilité quant à toute cette noirceur notamment dans les dialogues. On pourra également reprocher à cette saison son final un poil décevant, somme toute logique mais laissant de côté quelques pistes narratives intéressantes. Le fait est cependant que le scénariste a réussi à créer un univers singulier qui lui est propre, presque hanté, à la patte immédiatement reconnaissable et à la vision particulièrement sombre, embrassant toute sa singularité et ses références sans recul, nous offrant une première saison d’ores et déjà mémorable.

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