Deux sur la balançoire : Attention à ne pas tomber

En septembre dernier, Rimini Editions avait déjà sorti Le coup de l’escalier, chef-d’œuvre du film noir réalisé par Robert Wise et l’on ne peut que se réjouir de voir l’éditeur poursuivre son exploration du cinéma de Wise, réalisateur dont la carrière prolifique mérite d’être redécouverte tant elle est riche en surprises. C’est donc avec joie que l’on a découvert Deux sur la balançoire, disponible en combo blu-ray + DVD depuis le 17 janvier dernier grâce au travail de Rimini.

À priori petit film, coincé dans la filmographie de Wise entre les deux chefs-d’œuvre que sont West Side Story et La maison du diable, Deux sur la balançoire est pourtant un long métrage sur lequel il est bon de se pencher, témoignant de la grande capacité d’adaptabilité de son metteur en scène. Adapté d’une pièce de William Gibson pour qui l’année 1962 fut celle de la consécration cinématographique (outre ce film-ci sort également Miracle en Alabama réalisé par Arthur Penn – et disponible chez Rimini, l’éditeur affichant une belle cohérence dans son catalogue), Deux sur la balançoire raconte une histoire simple, celle d’une rencontre entre un homme et une femme.

D’un côté Jerry Ryan, avocat qui a quitté son Nebraska natal pour oublier sa femme qui souhaite le divorce et qui tente de réapprendre à vivre. De l’autre Gittel Moscawitz, jeune femme un peu perdue, vivotant entre deux boulots, danseuse au caractère attachant cherchant à donner un sens à son existence. Les deux n’auraient jamais dû se rencontrer et pourtant au détour d’une soirée et suite à plusieurs appels téléphoniques, ils tentent de faire un bout de chemin ensemble, comme pour panser leurs plaies respectives en sachant très bien que cette relation n’est pas faite pour durer et qu’il faut en profiter au maximum.

C’est une histoire somme toute classique et si on imagine bien Robert Wise s’être tourné vers le film pour s’offrir une pause après un West Side Story truffé de personnages et de chorégraphies, se concentrant ici en permanence sur deux personnages, c’est mal connaître le cinéaste de penser un seul instant qu’il a joué la facilité et succombé aux sirènes du théâtre filmé. Au contraire, dès les premiers appels passés entre Jerry et Gittel (en faux split-screen, les deux décors de leur appartement respectif étant construits côte à côte), on sent la volonté de Wise de travailler la mise en scène de façon à ce qu’elle illustre en permanence les rapports entre les personnages. Le film joue ainsi habilement sur les perspectives et laisse rarement les personnages sur le même plan, annonçant toujours la séparation à venir. Malgré leurs efforts et l’amour sincère qu’ils éprouvent l’un pour l’autre (le film a la délicatesse d’éviter les crises de nerfs), Jerry et Gittel ne sont jamais réellement mis au même niveau quand ils évoluent dans le même appartement et les appels incessants venant de la femme de Jerry viennent parasiter le réel qu’ils partagent ensemble.

En jouant sur les perspectives de cette façon, Wise maintient toujours notre œil alerte et avec d’autant plus de facilité que les dialogues (certes nombreux) sont écrits avec beaucoup de justesse et que le cinéaste tire le meilleur de ses interprètes. Robert Mitchum est forcément merveilleux de mélancolie quand Shirley MacLaine, jouant sur un registre qu’elle maîtrise bien (et qui donne envie de revoir La garçonnière) est parfaitement attachante, à la fois séduisante, farouche et fragile, ayant beaucoup d’amour à donner. Et si Deux sur la balançoire n’est évidemment pas le plus mémorable des films réalisés par Robert Wise, il faut reconnaître qu’il ne dépareille pas dans sa grande filmographie et qu’il n’a pas à rougir de l’humanité et de la tendresse qui s’en dégage, de celle des relations qui auraient pu se forger mais qu’il nous reste à rêver…

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