Mise en scène with Arthur Penn (une conversation) : 6 heures en compagnie d’Arthur Penn

Editeur prolifique et éclectique, Rimini n’en finit pas de multiplier les propositions pour combler les cinéphiles, n’hésitant pas à prendre parfois quelques risques en dénichant des pépites dont le potentiel d’attraction sur le grand public sera limité. C’est dans cette démarche audacieuse (que l’on salue et que l’on remercie vivement) que Rimini a sorti en DVD le film Mise en scène with Arthur Penn (une conversation), soit six heures d’entretiens face caméra d’Arthur Penn par le cinéaste iranien Amir Naderi, entretiens effectués en 2002 avec un caméscope analogique.

Autrement dit, ne vous attendez surtout pas à avoir une image de qualité puisque celle-ci a le même aspect que ceux de vos films de famille tournés par votre tonton Gilbert. Ne vous attendez pas à du cinéma non plus puisque tous les entretiens sont uniquement composés d’un plan fixe sur Arthur Penn, filmé sans le moindre montage. Non, la richesse de Mise en scène with Arthur Penn repose ailleurs, dans la parole du cinéaste et dans ses échanges avec Amir Naderi qui, visiblement bien trop heureux de rencontrer l’une de ses idoles, se montre totalement excité. En effet, Naderi s’en excuse lui-même dans l’introduction du film, il ne cesse d’interrompre Penn, de sauter du coq à l’âne, de lui arracher parfois quelques réponses de force, soit l’inverse d’un comportement professionnel. Nul doute que si l’un de nos rédacteurs se comportait comme ça en interview, il se ferait virer sur le champ à coup de pied aux fesses et Penn, véritable gentleman, fait preuve d’une infinie patience.

Mais c’est paradoxalement là-dessus que réside la force du film : il ne s’agit pas de simples entrevues professionnelles, il s’agit de vifs échanges entre deux cinéphiles, Penn étant aussi bien prompt à parler de sa carrière que celle de cinéastes qu’il admire et qu’il a pu côtoyer. Si les interruptions constantes de Naderi sont agaçantes au début, son attitude permet de nous plonger au plus près de cette conversation et l’on se prend, en cours de visionnage, à avoir l’impression d’être parmi eux et à rire de leur complicité s’établissant au fil des entretiens. Naderi, qui nie avoir voulu faire un travail critique, n’en livre cependant pas moins une véritable mine d’or pour les cinéphiles et en particulier (évidemment) les amateurs du travail de Penn dont l’importance est effectivement à reconsidérer au sein du cinéma américain moderne.

Parfaitement chapitré (on peut ainsi revenir sur différents points des entretiens très facilement), le film s’avère passionnant (un exploit pour plusieurs plans fixes de 6h !) et précieux pour les nombreuses anecdotes qu’il recèle. D’abord réservé, le cinéaste semble prendre de plus en plus de plaisir au fil des entretiens, plaisante et se montre très prolixe : son enfance, sa relation avec ses parents ou avec son frère (Irving Penn, grand photographe), son rapport à la violence, son rapport aux femmes, ses débuts à la télévision, l’importance du montage, ses projets avortés, son travail au théâtre, son travail avec les acteurs, son amour de certains cinéastes, tout y passe et l’on en apprend énormément sur son métier, sur ses exigences et sur sa façon de faire des films, Penn n’hésitant pas (entre autres) à revenir en détails sur le tournage de la scène de fin de Bonnie and Clyde ou sur l’écriture de Little Big Man. De quoi glaner des informations pour briller en société (à condition de vous retrouver dans un dîner où les invités connaissent Arthur Penn) et surtout de donner envie de se replonger dans sa (trop courte) filmographie pour en redécouvrir toute la richesse. Ne vous laissez donc pas rebuter par les six heures de visionnage, ceux-ci passent en un éclair et Mise en scène with Arthur Penn (une conversation) s’avère absolument indispensable, une pièce de choix à ranger auprès des films du cinéaste déjà édités par Rimini qui fait décidément un travail impeccable.

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  1. Édito – Semaine 8 -

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