My name is Gulpilil : Australia Elegy

Nom de famille et de tribu : Gulpilil. Prénom d’emprunt occidental : David.

David Gulpilil… Il fut à lui-seul un véritable cas d’école : originaire de l’Australie-Septentrionale et venu au monde un jour de juillet 1953 dans le bush primitif des tribus aborigènes il fut pratiquement l’unique acteur de son peuple à franchir les portes du star-system anglo-saxon. Comédien, danseur, créateur facétieux de one-man-show auto-dérisoire cet homme de peau noire et de faste blanc fut principalement révélé par Nicolas Roeg au tout début des années 70 dans La Randonnée, référence de la Ozploitation dans laquelle il interprétait pour ainsi dire son propre rôle d’autochtone tribal. S’ensuivirent quelques succès (il travailla entre autres choses sous la direction de Peter Weir, Philip Kaufman ou encore Wim Wenders…) jusqu’à décrocher la récompense du meilleur acteur de la sélection Un certain regard au Festival de Cannes de 2014 pour son rôle quasi-autobiographique dans le Charlie’s Country de Rolf de Heer. Outre sa prestigieuse carrière paradoxalement jalonnée de rôles proches de l’emploi (il fut souvent cantonné à incarner des aborigènes malins et « civilisés » voire raffinés, ce qu’il était) David Gulpilil fut par ailleurs l’invité d’honneur régulier de la Reine d’Angleterre, un compagnon de fumette de l’incontournable Bob Marley, un alcoolique notoire sujet aux incarcérations écopées de bonne foi ou encore un chantre de la Mémoire de son peuple, oiseau affûté n’ayant jamais renié ses origines malgré la célébrité (Gulpilil signifiant littéralement martin-pêcheur en langue aborigène, ndlr).

Mort le 29 novembre 2021 David Gulpilil a néanmoins pu tourner son dernier grand oeuvre en l’objet du documentaire dont il est ici question, étant allé jusqu’à assister à sa première projection au Festival d’Adélaïde du mois de mars de la même année. Filmé sous l’égide de Molly Reynolds devant laquelle il semble se livrer corps et âme l’aborigène aguerri nous apprend par-lui même son incurable cancer du poumon, tumeur qui l’accapare depuis 2017, soit quelques années seulement après ses légers démêlés avec la justice lui imputant indirectement une addiction aux drogues et surtout à l’alcool… Espiègle et sage dans le même temps Gulpilil parle donc en son seul nom, reléguant au plan des abonnés absents les intervenants de tout poil…

Hormis cette belle et respectable originalité de l’autoportrait savamment empirique le film de Molly Reynolds conserve modestement un certain classicisme illustratif, miraculeusement sublimé par le charisme naturel de l’acteur. Poignant et courtois Gulpilil est de presque tous les plans, cultivant spontanément la cinégénie pour laquelle certains (très) grands noms du Septième Art l’ont sollicité par le passé…

Entrecoupé d’extraits de films incluant la présence de cette force de la nature joviale et puissante ledit documentaire nous laisse entrevoir l’acceptation pénible mais apaisée de David Gulpilil face à une maladie dont il ne peut rien, ou si peu : coopérant simplement avec la médecine occidentale (nous sommes loin de la diatribe cinglante de Dieudonné et de son comiquement vitriolé Métastases, ndlr) le grand homme semble en permanence conserver une philosophie de vie coulant de source, partageant sa brillance tout en la revendiquant avec amour-propre, dans l’anglais le plus limpide qui soit.

Ce 31 août sera donc pour nos chers lecteurs l’occasion de découvrir ou de redécouvrir cette figure de proue du cinéma australien, artiste à la personnalité impressionnante et amicale tout à la fois. La rédaction se fera quant à elle une joie de se plonger dans l’Oeuvre d’un comédien qui se définissait lui-même comme « un homme ne faisant jamais semblant » aux yeux des caméras rivées sur son visage d’autochtone marqué par la terre, le soleil et les moirures du fleuve… Superbe.

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