Où est Anne Frank ! : Elle n’est plus là

Cet article accompagne la sortie vidéo (disponible chez Le Pacte) du dernier film d’Ari Folman Où est Anne Frank. Pour les friands de bonus, un entretien du réalisateur et un très court making-of sont disponibles en plus du film. Loin d’être assez travaillés pour amener un nouveau point de vue sur la création du film, ils permettent d’expliciter les volontés de son auteur et de donner un aperçu de sa création. Mieux vaut cela que rien du tout !

Ari Folman n’a pas perdu de sa superbe. Il réalise avec Où est Anne Frank, un nouveau film d’animation plein d’inventivités, melting-pot d’influences venant d’une culture populaire diverse. Complètement libéré de son sujet, il arrive même à placer une charge de cavalerie directement reprise des Seigneurs des Anneaux de Peter Jackson. Le film est alors une parfaite introduction à l’histoire d’Anne Frank et touche tout autant les enfants que les adultes. L’originalité se trouve dans l’idée de prendre Kitty, l’ami imaginaire d’Anne Frank réveillée 75 ans plus tard dans la maison de sa créatrice alors transformée en musée, comme protagoniste du récit. Perdue et seule, elle erre dans ce sanctuaire à la recherche d’Anne alors qu’elle est invisible aux yeux du reste des visiteurs. Mais tout changera lorsqu’en touchant le livre, elle s’apercevra pouvoir prendre matière. Plus rien ne pourra alors l’arrêter dans sa quête : retrouver son amie Anne.

L’histoire d’Anne Frank que, nous spectateurs, sachons jouée d’avance, se trouve dans les lectures du fameux journal et de l’autobiographie de son père par Kitty. Anne Frank est devenue, au même titre que son amie imaginaire, un fantôme marquant de sa présence tous les lieux de la ville où elle a vécu : la bibliothèque Anne Frank, le théâtre Anne Frank, le musée Anne Frank… Ainsi, lorsque Ari Folman présente les horreurs de la guerre, il le fait à travers l’imagination d’un enfant à la manière du récent Jojo Rabbit de Taïka Waititi. L’expressionnisme de l’animation permet de se distancer juste assez pour apprécier l’esthétisme tout en sentant ce qui n’est pas montré mais su en creux. Gorgé de paysages édifiants, le troisième acte est une véritable mine d’or visuelle. Le design des soldats SS est somptueusement terrifiant et l’on regrette presque de ne pas plus les voir. Surtout que contrairement à son film précédent, Où est Anne Frank a le mérite d’être assez court et efficace.

À la vision du film, on regrette le choix d’un titre qui ne met pas en avant le personnage de Kitty. Cette déterminée et courageuse protagoniste sert d’alter ego à Anne Frank mais aussi à Ari Folman afin de délivrer son message, malheureusement on ne peut plus maladroit. Dès le début du récit, on comprend à travers un jeu de montage pas spécialement subtil que le réveil de Kitty est dû à un orage qui, par un violent coup de vent, détruit la tente de migrants précaires dormant près de la maison d’Anne Frank. De nombreux parallèles auront lieu par la suite entre les agissements de la police actuelle envers les migrants et celle des nazis envers les juifs alors que ces deux situations n’ont strictement rien à voir. Bien sûr, Ari Folman se défend de mettre leur souffrance sur un pied d’égalité mais le langage visuel parle de lui-même et c’est que le public retiendra. C’est regrettable venant d’un réalisateur ayant dédicacé son film à ses parents survivants d’Auschwitz de tomber dans ce genre d’idéologie facile. 

Où est Anne Frank reste donc un enthousiasmant film d’animation malgré son écriture balourde surtout vers la fin où l’aspect militant prend de plus en plus d’importance. Ari Folman arrive néanmoins à donner une nuance bienvenue à son propos et s’intéresse avant tout à la poésie du personnage de Kitty, inspiré par la personnalité de sa propre fille. Que ce soit la seconde guerre mondiale, l’holocauste ou même Anne Frank, cette sombre période a été tellement traitée qu’il est rafraichissant de voir que des artistes arrivent encore à s’en emparer pour créer de nouvelles formes. À ce titre, il est bon de rappeler l’existence de ce film injustement oublié qu’est The Captain sorti en 2017.

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