Saw X : Episode 1.5, chapitre 3…

Bonjour enfants des années 2000, nous allons jouer à un jeu… Saw, premier du nom, avait été un raz-de-marée qui avait tout emporté sur son passage lors de sa sortie en 2004. Désigné, à tort, comme l’instigateur de la vague torture porn, le premier film de James Wan était pourtant loin de l’image qui colle à la franchise. Sorte de thriller indépendant très fortement inspiré par Seven et tous ses rejetons (il)légitimes, le premier film de la saga n’avait pas encore initié les fameux codes qui allaient contribuer à la déclinaison qualitative des projets suivants. Ce n’est qu’à partir du second film que la franchise va trouver sa recette gagnante et ainsi nous pondre jusqu’à 8 suites et un spin-off, sorti il y a deux ans, qui vont témoigner d’un sacré déclin dans la manière de tirer les ficelles. D’aucuns diront que l’histoire s’étoffe à parti du quatrième film, nous pensons à dire que la saga est morte avec son personnage iconique (John Kramer) à la fin du troisième film. Car, oui, pour ceux qui n’auraient pas suivi, Jigsaw meurt au bout du troisième épisode et ne revient que dans divers flashbacks dans les films suivants. Leigh Whannell ayant laissé le poste de scénariste au bout de trois films, la fameuse poule aux œufs d’or de Lionsgate s’est entichée de nouvelles intrigues tarabiscotées pour introduire de nouveaux complices au tueur au puzzle et ainsi raccorder les wagons de manière plus ou moins grossière. Ce n’est pas un hasard si nous nous emmêlons les pinceaux lorsqu’il s’agit d’évoquer nos souvenirs des épisodes 4 à 9, tout s’entremêle dans un joyeux bordel aux apparences contrôlées, mais juste présent pour faire du chiffre chaque année en salle à la période d’Halloween. Saw n’est pas une saga que nous détestons foncièrement. Nous avons suivi tous les épisodes avec un plaisir certain lors de chaque sortie. Mais force est de constater qu’il ne s’agissait que d’étancher notre soif de voir des meurtres graphiques plus que des histoires proprement écrites qui n’existaient que par des twists plus ou moins cohérents afin de nous donner envie de continuer à suivre les épisodes suivants. Nous pensions la franchise morte et enterrée, surtout après l’échec cuisant de Spirale. C’était sans compter sur Kevin Greutert (réalisateur sur Saw VI et Saw 3D et monteur des cinq premiers films) rappelé au poste de réalisateur pour mettre en scène un scénario écrit par Josh Stolberg et Peter Goldfinger (les scénaristes de Jigsaw et Spirale) : de quoi appréhender fortement ce Saw X qui, contrairement à ses grands frères, s’est montré plutôt discret en termes de campagne marketing, ce qui est, généralement, mauvais signe.

John Kramer, atteint d’un cancer incurable, part au Mexique afin de tenter une opération médicale hasardeuse et inédite qui pourrait le sauver. Après son opération, il réalise qu’il s’agissait d’une arnaque en bande organisée qui profite de la détresse des gens. Il décide alors de se venger des arnaqueurs en les soumettant à des épreuves mortelles.

Que penser ? Que dire ? Nous n’attendions pas du tout le retour du célèbre tueur au puzzle au cinéma. Pourtant, Saw X se révèle être le meilleur film de la franchise depuis belle lurette. Au-delà de l’aspect nostalgique qu’il y a à voir Tobin Bell revenir au cœur de l’intrigue, Saw X est un film qui va à l’encontre des codes préétablis par la saga, notamment sur sa gestion du rythme et des temps forts. Exit les ouvertures en fanfare avec un meurtre gore monté par un épileptique en pleine crise. L’histoire se situe entre les intrigues du premier et du second opus et présente son anti-héros comme un homme ordinaire en proie à la peur de mourir. Le film va creuser ce qui fait l’essence des motivations meurtrières de son personnage. Tobin Bell a tout l’espace pour proposer ce qu’il peut apporter d’humain et de palpable à un personnage qui a trop souvent été mis au second plan puisqu’il est (enfin !) au cœur du récit. Pour ce dixième film, et pour la première fois, on vient chercher de l’empathie chez le spectateur, on fait ressortir toutes les failles et tout ce qui compose le personnage de John Kramer en tant qu’être humain avant d’être le tueur moralisateur froid et méthodique que l’on connaît. De plus, le récit creuse encore plus ses liens très forts avec Amanda, sa complice sur laquelle il agit comme un père adoptif. Attention, le film n’a rien de bien innovant dans sa manière de construire ses personnages, mais le fait de prendre le temps de poser les propos confère à Saw X une sagesse et un bien fou. De plus, le cœur de l’intrigue ramène tous les personnages en une seule unité de lieu à mi-parcours, ce qui oblige le scénario à devoir tisser des liens forts entre tous les protagonistes présents dans le hangar. Le film est débarrassé de toute substance anxiogène (au revoir les flashbacks interminables) pour ne se focaliser que sur l’instant présent. Bien sûr, il ne s’agit que du deuxième acte du film. C’est pourquoi toute la première partie est intéressante (l’errance de Kramer, son combat et ses espoirs pour vaincre la maladie) puisqu’elle amène inévitablement au huis-clos que nous attendons patiemment. Savoir renouer avec la notion d’attente pour offrir au public des meurtres spectaculaires, voilà quelque chose que la franchise avait perdu en cours de route et qu’elle retrouve avec un certain panache.

Bien évidemment, on n’évitera pas les tropes qui ont construit l’identité visuelle de la saga (montage épileptique sur les séquences de mise à mort, un étalonnage verdâtre proprement immonde), mais on ne boudera pas notre plaisir lorsque les morts surviendront. Les effets visuels sont à rapprocher de Saw 3 en termes de violence graphique. Les morts sont sales, tortueuses et particulièrement vicieuses. On retrouve le plaisir des effets pratiques et des hectolitres de sang à la pelle. Les pièges sont loin d’être alambiqués. Ils reviennent à un principe simple et plausible : devoir se mutiler une partie de son corps pour survivre. On est loin de Chester Bennington collé sur un siège de voiture en lévitation qui doit actionner une manette pour sauver ses potes perdus dans une casse automobile… Saw X revient aux bases de son concept et inscrit parfaitement son récit en tenant compte des éléments qui surviennent entre le premier et le second opus. Bien sûr, il y aura de grosses ficelles scénaristiques pour raccorder les wagons, mais la saga s’était déjà perdue depuis longtemps de ce côté-là que les raccourcis ne surprennent plus. Et en parlant de grosses ficelles, nous regretterons un twist beaucoup trop tiré par les cheveux. Une fois encore, difficile de faire mieux que la fin du second film (qui reste la plus surprenante à nos yeux). Sans vous en dévoiler davantage concernant la finalité du film, les événements qui amènent le dénouement sont beaucoup trop improbables pour qu’on puisse en sortir avec une réelle satisfaction. Tout repose sur des suppositions qui sont loin du contrôle total et des plans minutieusement concoctés par Jigsaw. De fait, lorsque survient le fameux thème de Charlie Clouser, nous restons amèrement sur notre faim quand bien même nous comprenons le choix. En effet, difficile de proposer une fin spectaculaire tant le film se veut être un chant du cygne, un adieu en bonne et due forme à John Kramer tout en ayant conscience des aventures qui l’attendent ensuite et dont nous avons déjà eu connaissance. Ainsi, en dehors du twist malhabile, nous apprécierons le dernier plan quasi christique qui englobe le tueur dans un voile blanc et qui lui offre une conclusion digne de sa légende. Si Jigsaw est rentré au panthéon des tueurs les plus célèbres du cinéma d’horreur, il lui manquait un film à la hauteur de son aura, c’est maintenant chose faite. Il faudra attendre une scène post-générique pour avoir droit au moment jubilatoire que nous espérions lors de la résolution de l’ultime énigme. Quelques erreurs de parcours, certes, mais qui, globalement, sont rattrapés par un film aux qualités plus que bienvenues.

Ainsi, Saw X est une surprise que nous n’attendions pas. Le film renoue avec les atouts forts de son univers et prend le temps de construire son intrigue qui se recentre clairement autours du tueur au puzzle. Il confère également une véritable fin au personnage de John Kramer et redore le blason d’une saga qui s’était embourbée dans un tourbillon d’immondices, certes funs, mais incroyablement paresseux scénaristiquement parlant.

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