Post Mortem : Mortel ennui

Post Mortem est un film hongrois de Peter Bergendy, présenté en janvier au Festival international du film fantastique de Gérardmer (qui a succédé au fameux Festival d’Avoriaz), ayant obtenu des prix à ceux de Porto et Toronto, et sorti directement en DVD et Blu-ray le 22 juin 2022. Il nous convie à l’histoire de Tomas, rescapé de la Première Guerre mondiale et photographe post mortem qui immortalise les décédés de fraiche date, un embaumement visuel en quelque sorte. Arrivé dans un village, il va se trouver confronté à des phénomènes étranges et annonciateurs d’événements dramatiques.

Le film commence in medias res en pleine bataille et nous plonge d’emblée dans la psyché du héros qui est assailli par la vision en contre-plongée d’un visage de jeune fille au moment-même où les bombes pourraient le déchiqueter. Cette primordiale hallucination « ante mortem » n’est que la première d’une longue suite d’effets visuels mettant à mal l’architecture réaliste d’un monde désolé par les ravages des conflits et la grippe espagnole. Une ellipse de six mois nous amène à l’activité professionnelle de Tomas, sorte de double du réalisateur dans sa recréation picturale de moments familiaux voués à l’oubli, n’eût été l’éternité accordée par la caméra. Mais cette présentation est très rapide, ce qui est relativement frustrant : à peine une douzaine de minutes et nous voilà dans ce village où nous resterons embourbés pendant plus d’une heure et quarante minutes.

Et c’est peu dire que, tels des revenants de salles obscures, nous allons nous aussi trouver le temps long en ces lieux figés par les clichés. On peut en effet déplorer le classique recours, sans inspiration ni signature particulières, aux stéréotypes les plus éculés des films d’ambiance horrifique à base de fantomatiques avertissements : mise en évidence récurrente de portes enclines à de révélateurs mouvements, musique discrépante et bruits discordants envahissants, multiples plans fixes sur des cadavres à l’inertie incertaine ou sur des ombres à l’étendue suspecte… La faculté de nous permettre d’entrevoir la labilité des états de vie et de mort n’est pas suggérée, mais assénée par la mise en scène.

Alors certes, il y a un véritable souci de l’aspect visuel: cadrage précis, ambiance chromatique aux teints pastels, à base de blanc, d’ocre et de bleu, qui accentuent la sobriété de cet endroit abandonné et sans vitalité, vidé de toute sève à même de ressusciter la joliesse d’une époque révolue. Malheureusement, cela renforce également la pesanteur d’un ennui croissant. Cette esthétique léchée, associée à une narration pataude et à une interprétation assez terne (les personnages souffrant par ailleurs d’une caractérisation sommaire), confine à l’aseptisé et ne permet pas l’implication émotionnelle. Un peu de grain n’aurait pas fait de mal pour que la chair s’anime.

On retrouve donc dans ce métrage cette fameuse et classique malédiction qui fige les expressions des autochtones en un rictus saugrenu, une terreur farouche, une hostilité mutique ou une agressivité xénophobe face à ce virus qu’est l’étranger, ce lépreux qui est l’inconscient porteur du stigmate de tout un microcosme, voire une figure de l’Antéchrist apte à réveiller les démons à peine assoupis et toujours à l’orée d’une effroyable vindicte.

Telle la peste obligeant Oedipe à ouvrir les yeux avant de les fermer dans l’éternelle obscurité de la lucidité, la stérilité de cette terre gelée force ses anciens, qui ne sont qu’impuissance physique et sapientiale, à la réminiscence et à l’acceptation du châtiment. On ne dévoilera rien du climax final qui en sera l’illustration, seulement qu’on a déjà vu plus original et moins virevoltant.

Post Mortem, malgré ses qualités visuelles, est plombé par des effets peu inspirés, un rythme tortuesque et une narration sans surprise. Il n’offre pas une diégèse à même de susciter l’intérêt d’un spectateur déjà assailli par les revenants de toutes contrées et à l’affût de sang nouveau.

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