Exécution en automne : Tempus fugit

Il est facile de se répéter chaque fois qu’on salue le travail d’un éditeur tel que Carlotta Films mais force est de constater que chacune de leur proposition relève d’une passion toujours vivace pour le cinéma, entre grands noms du cinéma et découvertes plus confidentielles mais tout aussi passionnantes. Cette fois, Carlotta continue son exploration du cinéma taïwanais (ils avaient déjà sorti Typhoon plus tôt dans l’année) avec Exécution en automne, disponible en blu-ray et DVD depuis le 7 juin dernier.

Réalisé par Lee Hsing, considéré comme le ‘’parrain du cinéma taïwanais’’, Exécution en automne était paraît-il le film de sa carrière qu’il préférait. Si nous devons avouer n’avoir jamais entendu parler du cinéaste avant de nous pencher sur cette chronique, on peut aisément comprendre ce qui pouvait rendre Lee Hsing fier de son film dont la maîtrise formelle n’a d’égale que la richesse psychologique de ses personnages. Exécution en automne nous conte l’histoire de Pei Gang. Unique héritier de sa famille, couvé par sa grand-mère, Pei Gang est devenu un homme tyrannique et une brute. Coupable d’avoir assassiné trois personnes (acte pour lequel il n’exprime aucun remords lors de son procès), il est condamné à mort et se retrouve en prison en attendant son exécution en automne, comme l’exige la tradition. Sa grand-mère va alors tout faire pour sortir son petit-fils de là et surtout essayer de lui faire concevoir un héritier afin de perpétuer la lignée familiale…

Il s’agit donc pour Lee Hsing de réaliser un drame sur la culpabilité et la rédemption en explorant les trajectoires de plusieurs personnages, notamment Pei Gang. Rapidement défini au début du récit comme une brute épaisse (il en a d’ailleurs le physique avec sa silhouette massive et sa grosse barbe d’ours), le personnage ne nous inspire que peu de sympathie. Puis à mesure que l’intrigue se révèle, on réalise que Pei Gang est devenu comme ça à cause de l’éducation de sa grand-mère, bien trop heureuse de choyer son petit-fils pour s’occuper de lui donner des valeurs morales. C’est dans une optique d’enfant gâté que Pei Gang a tué, dans un caprice qu’il pensait sans conséquence puisque tout lui est dû depuis toujours. Cependant, alors que les saisons défilent et que Pei Gang se lie avec la fille adoptive de sa grand-mère ayant accepté de lui donner un enfant, le personnage s’ouvre au monde et réalise peu à peu combien il était dans l’erreur.

Il y a bien évidemment dans le film une dimension spirituelle, proche de la philosophie confucéenne et cet éveil spirituel est filmé en accord avec les saisons qui rapprochent Pei Gang de l’automne. L’hiver est ainsi composé de cadres fixes, rythmé de façon lente tandis que le printemps et l’été se déroulent plus rapidement, apportant au personnage une forme d’apaisement tandis que la mise en scène se fait plus dynamique, avec quelques coupes de montage rendant compte du bouillonnement intérieur de son personnage. Sans jamais faire dans le pathos, Exécution en automne est d’une finesse extraordinaire, dévoilant par bribes les sentiments de ses personnages (non seulement Pei Gang mais ceux qui l’entourent comme la fille adoptive tombant amoureuse de lui contre toute attente ou le directeur de la prison sévère finissant par nouer une relation paternelle avec son prisonnier), se montrant bien plus complexe qu’un simple drame conçu pour faire pleurer dans les chaumières. Et s’il sera difficile de ne pas être bouleversé par la fin (franchement magnifique), on ne peut qu’admirer la façon dont la mise en scène épouse peu à peu les transformations intérieures de son personnage, sachant faire ressentir le temps qui passe, livrant un récit important sur la nécessité d’accepter ses erreurs et d’en assumer les conséquences. Vous l’aurez compris, c’est une fois de plus une découverte sublime que Carlotta nous fait partager !

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