Une femme du monde : Liberté chérie

Strasbourg : Marie se prostitue depuis vingt ans. Un métier difficile mais qu’elle a choisi et qu’elle assume totalement car elle tient à sa liberté. Une liberté parfois chère payée mais qui compte beaucoup pour elle. Pour Marie, une autre personne compte beaucoup : Adrien, son fils âgé de 17 ans. Un adolescent comme les autres, au caractère bien trempé, aux bouillonnements intérieurs que seule sa passion de la cuisine semble calmer. Alors quand, malgré son dossier scolaire peu reluisant, Adrien est accepté dans une prestigieuse école de cuisine aux frais de scolarité exorbitants, Marie décide de tout faire pour payer ses études à son fils. Il lui faut de l’argent, et vite…

Avec Une femme du monde, la réalisatrice Cécile Ducrocq (dont c’est ici le premier long-métrage) se place dans la continuité de son court-métrage La contre-allée (César du meilleur court métrage en 2016) où Laure Calamy jouait déjà une prostituée. Une façon de poursuivre l’exploration d’un personnage et de ses thématiques avec un beau portrait de femme venant taire les clichés habituels sur la prostitution. Ici, Marie se prostitue par choix et revendique cette liberté, celle de disposer de son corps et de gagner sa vie comme elle l’entend. Une profession qu’elle assume (il faut la voir demander un prêt à son banquier et l’informer sans ciller de sa profession) et dont le film nous montre le quotidien, sans pudeur mais sans trop insister non plus sur les scènes explicites puisque l’essentiel du récit se trouve ailleurs.

En effet, tout en brossant le portrait d’une profession injustement marginalisée et fragilisée depuis que la loi pénalise les clients, c’est avant tout un portrait de femme qu’effectue ici Cécile Ducrocq. Une femme courage dont on ne saura pas grand-chose de son passé mais que l’on verra investie dans sa recherche d’argent pour son fils, ne lâchant jamais rien, se laissant rarement démonter, utilisant son corps comme une arme. En cela le personnage rejoint bien la personnalité de Laure Calamy, actrice qui n’a jamais hésité à se dénuder face caméra et qui déclare : ‘’je vois mon corps comme un instrument, un champ de bataille. Il est aussi fort que ma pensée.’’ Difficile dès lors de dissocier Marie de Laure Calamy tant l’actrice s’investit dans le rôle, irradiant l’écran de son charme (avec l’image très marquante de son personnage et de son imper doré), de son énergie, de sa fragilité, portant littéralement le film sur les épaules, livrant une prestation vibrante face à un jeune Nissim Renard ne manquant pas de talent.

Malheureusement, en dépit de ses acteurs impeccables, Une femme du monde souffre d’un scénario trop convenu pour convaincre. D’un côté, le récit offre un regard salvateur sur Marie et sur sa profession en l’éloignant des clichés. De l’autre, dans sa structure, il manque de rigueur et s’essouffle très rapidement, multipliant les répétitions (les scènes de dispute entre Marie et Adrien, nombreuses et loin d’apporter beaucoup au récit) et les rebondissements téléphonés (le vol d’argent dans le club en Allemagne), empêchant alors de créer un véritable intérêt pour le film puisque l’histoire se délite parfois en séquences n’apportant pas grand-chose jusqu’à une belle résolution mais trop facile, qui aurait mérité d’être mieux travaillée. Le regard de Cécile Ducrocq n’est pourtant pas dénué de justesse mais il lui aurait fallu plus de rigueur, la cinéaste laissant Laure Calamy faire beaucoup pour son film mais l’actrice, aussi formidable soit-elle, ne peut rattraper des errances de scénario que l’on imputera au fait que Ducrocq signe là son premier film, en espérant que le prochain ne souffre pas des mêmes défauts.

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