
Après avoir dynamité les codes du format sériel avec Too Old To Die Young sur Amazon Prime Video, Nicolas Winding Refn s’est évidemment vu remercié par la plate-forme, incapable de savoir comment vendre une série qui ne respectait aucune règle si ce n’est celles qu’elle avait elle-même créées. En effet, avec des épisodes dont la durée oscillait entre 1h40 et 40 minutes, avec une épure narrative totale et une violence associée à une beauté formelle incroyable, Too Old To Die Young permettait au réalisateur de pousser tous les curseurs de son cinéma à son paroxysme dans un élan artistique nihiliste aussi passionnant qu’agaçant, jugulant aussi bien les qualités et les défauts du style du cinéaste dans ce qui apparaît comme une œuvre totale et comme une forme d’aboutissement dans son travail.

Voir revenir NWR au Danemark pour la première fois depuis Pusher 3 et dans une nouvelle série (pour Netflix cette fois, composée de six épisodes et mise en ligne depuis le 5 janvier dernier) permettait de laisser espérer à la fois un retour aux sources et un éventuel nouveau départ pour le réalisateur. La vision de Copenhagen Cowboy vient infirmer notre présomption puisque la série brasse de nouveau les mêmes thématiques et les mêmes obsessions avec un goût formel de plus en plus systématique et attendu. On croise en effet dans la série (qui au passage nous montre finalement peu de choses de Copenhague) un petit bout de femme aux pouvoirs mystiques (elle est censée porter chance) et aux compétences de combat étonnantes, de la masculinité toxique où l’on parle beaucoup de sa bite en malmenant les femmes, des mafieux, de la violence, quelques conflits avec les parents, un brin d’inceste mais aussi des néons, des plans parfaitement agencés et des panoramiques à 360 degrés. Soit tout l’éventail du petit Nicolas Winding Refn illustré dans lequel le réalisateur semble se complaire de plus en plus ces dernières années.
Sauf qu’après Too Old To Die Young qui poussait réellement le cinéma du réalisateur dans ses retranchements pour mieux l’interroger et le bousculer, Copenhagen Cowboy apparaît presque comme une régression, trop sage pour réellement emballer (tout y est sur un mode mineur) mais également trop figé et enfermé dans son propre système pour franchement convaincre, chaque personnage n’étant qu’une figure manipulable à l’envie par le cinéaste pour composer de jolis plans mais au final ne pas raconter grand-chose – ou tout du moins pas grand-chose de nouveau dans son cinéma. Notez que l’on parle bien de cinéma en mentionnant Too Old To Die Young et Copenhagen Cowboy, les deux œuvres étant clairement pensées comme quelque chose de purement cinématographique et non sériel même si la série qui nous intéresse aujourd’hui est plus tenue dans la durée de ses épisodes. Semblant engoncé et figé dans un geste artistique de plus en plus poseur et désincarné, NWR est à l’image des panoramiques à 360 degrés qu’il multiplie : il tourne en rond, incapable de proposer quoi que ce soit de nouveau.

Bien que parfois profondément agaçante, Too Old To Die Young avait le mérite de proposer quelque chose de radical et d’inédit. Ici, Refn recycle son cinéma tout en continuant d’emprunter aux autres sans jamais sembler vouloir se remettre en question. Certes l’humour noir et l’autodérision dont il est capable de faire preuve empêchent de totalement s’insurger contre un cinéaste décidément bien imbu de lui-même et à quelques moments Copenhagen Cowboy sait surprendre (la vision d’un petit bout de femme en train de tataner un aryen psychopathe dans une porcherie n’est pas pour nous déplaire) mais l’hermétisme général de la narration (qui en plus ne trouve aucune forme de conclusion au bout des six épisodes, nous laissant attendre une éventuelle saison 2 dont on se demande si elle viendra un jour) aurait plutôt tendance à nous agacer et il faudra que NWR commence à se renouveler s’il ne veut pas se transformer en la caricature de lui-même qu’il menace déjà de devenir…
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