Stay Out Of The Attic : Le troisième étage du Troisième Reich

Halloween approche à grand pas et le moins que l’on puisse dire c’est que les collègues de chez Shadowz ne chôment pas. Un film par jour depuis le début du mois, du documentaire le plus atypique aux classiques oubliés, en passant par les productions indépendantes plus obscures, Shadowz nous régale. Difficile de porter un choix définitif quant à la recommandation que nous souhaitons vous faire tant on ne sait plus où donner de la tête. Cependant, l’ajout de Stay Out Of The Attic a fait beaucoup parlé sur les réseaux cette semaine. Premier long-métrage co-écrit et réalisé par Jerren Lauder, il est la définition parfaite du film de festival qui doit sa réputation au bouche à oreille. Grand gagnant de l’Atlanta Horror Film Festival en 2020 et en sélection officielle du South African Horrorfest 2020, Stay Out Of The Attic faisait partie des incontournables de la plate-forme Shudder (cousin américain de Shadowz). Son arrivée par chez nous lui offre enfin la visibilité qu’il recherchait. Une visibilité très appréciée compte tenu des retours enjoués entrevus un peu partout sur la toile. Réputation méritée ? Sachons raison garder.

Un groupe d’anciens détenus, devenus déménageurs, est convaincu par leur sinistre client, Vern Muller, de passer une nuit blanche dans son immense demeure dans le but de vider toutes les pièces avant le petit matin. Au fur et à mesure que la nuit avance, ils découvrent les horreurs qui existent à l’intérieur de cet ancien manoir victorien : pièges mortels, expériences déviantes et monstres nazis s’invitent à la partie…

Originellement, la nazisploitation regroupait un ensemble de films d’exploitation montrant généralement des nazis commettant des actes de nature sexuelle, souvent dans des camps de concentration. Un genre spécifique qui possède son public, mais qui est clairement réservé à une élite assez minoritaire. Depuis quelques années, le genre a connu un second souffle par le biais de productions qui incluaient la figure du nazi sur un ton résolument provocateur et décalé (Iron Sky, Dead Snow, Overlord et même, à sa manière, Jojo Rabbit). Exit les productions bis fauchées, la figure du nazi est devenu un élément à part entière de la pop-culture. Totalement dépossédée de son histoire, la figure nazie est devenue un emblème, une raison suffisante pour les auteurs de se moquer allégrement d’elle et de la malmener dans tous les sens. Le nazi n’effraie plus, le nazi amuse. Si Chaplin s’en moquait déjà en 1940 dans Le Dictateur, il y avait une raison valable de taper sur la figure nazie derrière. On pourrait dire que le bât blesse désormais puisqu’on s’amuse d’une figure responsable d’un des pires crimes contre l’Humanité que la Terre n’ait jamais connue. Avouons que nous nous sommes toujours amusés à voir les nazis putréfiant de Dead Snow en prendre pour leur grade, comme une expiation fantasmée du seul sort qui devrait leur être réservé. Si l’on reste sur l’idée du fantasme, on ne fera jamais mieux que Quentin Tarantino qui réécrit l’Histoire en assassinant Hitler dans une séquence gore à souhait lors du final d’Inglourious Basterds. Pour ces exemples précis, les réalisateurs justifient, à raison, leur utilisation des nazis comme un travail de mémoire indispensable sans omettre leurs envies de divertissement. Seulement, n’est pas Tarantino qui veut, et nous avons toujours du mal lorsque le nazi se banalise et n’apporte rien au récit. Vous l’avez sans doute compris, Stay Out Of The Attic est l’exemple type du film qui prend l’imagerie et les idéologies nazies pour ne rien en faire d’impactant.

Stay Out Of The Attic utilise les expériences du Dr Josef Mengele pour appuyer ses séquences horrifiques. Il y aurait pu y avoir une volonté de dénoncer toutes les horreurs perpétrées à Auschwitz par cet officier SS. Surnommé Angel of Death (l’Ange de la Mort), Mengele est responsable d’un nombre incalculable de crimes atroces et abominables et n’a jamais été jugé ni condamné pour ses actes. Si le film de Lauder laisse penser qu’il va prendre appui sur les expériences de Mengele pour dénoncer l’impunité qu’il l’a sauvé d’une condamnation à mort, il n’en sera vraiment rien. Stay Out Of The Attic aurait pu être une série B bête et méchante, mais drôlement efficace, si le(s) tueur(s) n’avai(en)t pas été nazi. En choisissant délibérément d’apporter l’iconographie nazie au milieu des problématiques, Jerren Lauder oublie d’exercer un certain devoir de mémoire qui lui incombe automatiquement. Pire que tout, il banalise les crimes de Mengele et les rendrait presque cool pour le néophyte n’ayant pas suivi ses cours d’Histoire. Donner du crédit à de telles horreurs fait irrémédiablement tomber le film dans la case des pires abominations jamais produites. Impossible de trouver la moindre once de divertissement dans un film qui banalise l’idéologie nazie. Montrer frontalement les horreurs nazies ne suffisent pas à jouir d’un devoir de mémoire, il faut y adapter un discours clairement ciblé contre. Stay Out Of The Attic n’en fait rien. Et en ne se mouillant pas, le film peut laisser penser qu’il se range du côté des pires hommes que la Terre ait porté. C’est une idée qu’on ne peut décemment pas cautionner. Il est du devoir de chacun de faire en sorte que ce qu’il s’est passé en 39-45 ne se reproduise plus jamais. Lauder se tire une balle dans le pied avec son vilain. Vern Muller aurait pu être un scientifique fou, sans aucun lien avec l’Allemagne nazie, que le film aurait définitivement mérité la réputation qu’il se traîne actuellement. En l’état, Stay Out Of The Attic peut s’avérer être presque dangereux par la banalisation des actes qu’il dénonce. C’est un énorme carton rouge en ce qui nous concerne.

Séance Shadowz particulière pour cette semaine. C’est bien la première fois qu’on vous conjure de ne pas voir un film sans en être totalement averti. Stay Out Of The Attic n’est pas un mauvais film, loin de là. C’est une honnête série B fait avec l’amour du genre et aux idées graphiques qui plairont aux amateurs de films gores. Seulement, il était de notre devoir de vous avertir de son fond aussi atroce que dangereux. C’est tout de même incroyable qu’aucun producteur n’ait pas conseillé à Jerren Lauder de remplacer l’imagerie de ses antagonistes. De plaisir délicieusement coupable à sacrément exécrable, il n’y avait qu’un petit pas que Stay Out Of The Attic n’a pas su gérer. Dommage, on n’y reviendra pas…

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Article réalisé dans le cadre d’un partenariat avec la plateforme Shadowz.

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