Jojo Rabbit : Allemagne Année Zéro.

Surprenant Taika Waititi qui, après avoir dynamité la licence Thor pour Marvel, s’attaque à la Seconde Guerre Mondiale sous le regard naïf d’un enfant de la Jeunesse Hitlérienne. À première vue, comment un tel film peut voir le jour en 2019 ? Adolf Hitler meilleur ami d’un enfant aryen aux convictions assises à force de propagande.
Le film débute sur le départ de Jojo en camp d’entraînement avec son ami Yorki. La séquence est hilarante, car tournant en dérision le procédé même du camp et de l’embrigadement des jeunes Allemands à l’époque. Taika Waititi ironise pour amuser le spectateur et mieux le piéger par un rebondissement de ton, salvateur pour le film.

Après Thor Ragnarok, nous étions curieux de voir la perspective de carrière du réalisateur néo-zélandais. Préparant son retour dans la franchise Marvel avec Thor : Love & Thunder après une participation au Suicide Squad de James Gunn, le voilà nous embarquant sous le regard d’un enfant au cœur de l’Allemagne d’Adolf Hitler et dans les dernières heures du conflit mondial.
Taika Waititi nous aspire donc au cœur d’une comédie gaudriole sous influence des ZAZ, voire de Mel Brooks. On pense beaucoup à ce dernier pour l’approche comique, Les Producteurs n’étant jamais loin avant que Jojo Rabbit bascule dans une réalité bien moins drôle.
La force de Jojo Rabbit est de se servir de la comédie pour mieux traiter le drame de la guerre. Si la présence d’Adolf Hitler en personnage secondaire peut porter à confusion, voire à polémique, rapidement nous comprenons l’utilité de cette incarnation par Taika Waititi lui-même. S’il s’est obligé de l’incarner faute de choix et de refus des acteurs contactés, le réalisateur/acteur est la projection de l’embrigadement psychologique d’un enfant qui n’a rien demandé. Il se voit conditionné par une propagande forte et un pouvoir qui ne s’embarrassera point de lancer les enfants dans la bataille finale pour contrecarrer l’entrée des Américains dans la ville.

Taika Waititi brosse le portrait d’un enfant perdu dans les ruines d’un pays dégradé par la folie de son dictateur. On évitera de divulguer les points forts d’un long-métrage narrant le cheminement d’un enfant qui va mûrir en apprenant la tragédie humaine. Blessé et portant sur lui les cicatrices de la folie meurtrière de son propre pays, il va, boiteux, porter haut la parole de la propagande avant de comprendre la tragédie qui se joue en les écrivant sous forme de lettres. Ainsi Jojo va connaître l’amour, un sentiment papillonnant dans son ventre et le recadrant dans une réalité tragique. Le jeune personnage se confond alors avec Edmund, jeune aryen traînant dans les décombres d’une Allemagne apocalyptique chez Roberto Rosselini et son Allemagne – Année Zéro. La comédie pour mieux laisser exploser la tragédie au cœur d’une séquence de pendaison qui nous atteint au cœur voyant Jojo refaire les lacets d’un personnage clé, l’espoir et la lumière sensuelle d’un film plus fin que le laisse présager sa bande-annonce.
Taika Waititi se montre définitivement être un réalisateur mûr, intéressant et surprenant. Trichant sur la valeur de son casting pour mieux nous attraper et nous chavirer au cœur d’une douleur toujours vive aujourd’hui, le final ne s’empêche pas une once d’espoir convoquant des valeurs d’amitié et d’amour. L’humain avant tout alors que pour Rosselini, en 1947, ce n’était qu’une chimère dévorante et meurtrière. Deux mesures pour deux époques bien distinctes.

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