Candyman : Who can take a sunrise ?

Parmi les figures emblématiques du film de genre des années 90, le personnage de Candyman trône sur une place privilégiée pour les fans du genre. Adapté d’une nouvelle de Clive Barker, The Forbidden, et tel Freddy Krueger (qui restera, à jamais, le visage de Robert Englund), Candyman est indissociable de son acteur, Tony Todd. Croquemitaine atypique teinté d’une légende urbaine connue de tous, cet artiste noir, fils d’esclaves, assassiné pour avoir eu une liaison avec une femme blanche au lendemain de la guerre de Sécession a connu un succès retentissant. Avec son crochet à la place de la main et son essaim d’abeilles lui collant à la peau, il avait la panoplie parfaite du personnage en passe de devenir culte. Et ça n’a pas loupé. Trois films auront suffit à le hisser parmi les tueurs les plus appréciés du cinéma horrifique. Débarqué à une époque où le genre connaissait un certain essoufflement, Candyman, premier du nom, a saisit la meilleure des opportunités pour asseoir sa légende. Sorti en 1993, Candyman a probablement fait parti des films de chevet de Jordan Peele, alors âgé de 14 ans. Rien d’étonnant de le voir annoncer un remake en 2018 qu’il désirait produire via sa société Monkeypaw Productions. Très rapidement, les studios MGM et Universal se sont associés à Peele pour monter le projet. Gardé secret jusque dans sa promo, on ne savait pas grand chose de ce Candyman nouveau cru. Suite ? Remake ? Reboot ? Toutes les suppositions étaient bonnes. D’autant que la pandémie de COVID-19 a repoussé la sortie du film d’un peu plus d’un an, de quoi spéculer encore plus. Tant de mystère autour du film et le peu de fuites pouvaient laisser craindre le meilleur comme le pire. Mais le voile est désormais levé et il est temps d’en découdre avec ce film dont la réalisation a été confiée à Nia DaCosta.

Anthony McCoy, artiste, vit à Chicago, avec sa femme, directrice d’une galerie d’art. En panne d’inspiration, il découvre la légende de Candyman. Il commence à s’en inspirer pour ses peintures. Cela va faire ressurgir en lui un passé sanglant. Il va peu à peu perdre la raison. Selon la légende, on peut invoquer Candyman en prononçant son nom cinq fois en se regardant dans un miroir. Meurtres macabres et légendes urbaines se mêlent à la terreur de cette ville traumatisée.

Nia DaCosta est une écrivaine. Elle s’est découverte une passion pour le cinéma après avoir vu Apocalypse Now. Elle avait été révélée en 2018 avec son premier film, Little Woods, qui a été présenté en avant-première au Festival du Film de Tribeca où elle y a reçu le prix Nora Ephron pour « l’excellence de la narration pour une écrivaine ou une réalisatrice ». Le vent en poupe, c’est naturellement que Jordan Peele s’associe à elle pour écrire la nouvelle monture de Candyman. Toujours inspiré par la nouvelle de Clive Barker, il vous faudra, toutefois, bien avoir en tête le film original de Bernard Rose pour en apprécier la pleine substance de cette suite. Car, oui, Candyman, s’il semble commencer comme un remake, se révèle rapidement être une suite directe au film de 1993. En prenant aussi les meilleurs éléments de Candyman 2 et Candyman 3 pour servir la légende de ce nouveau film, Candyman se hisse d’emblée au rang des meilleures résurrections de franchise jamais faites. Le scénario de Nia DaCosta, Jordan Peele et Win Rosenfeld joue sur plusieurs structures narratives. Si l’on peut se sentir désarçonné dans le premier tiers, Candyman réunira tout autant les néophytes de son histoire que les mordus de l’homme au crochet. Un rappel en ombres chinoises et marionnettes (tellement beau et sublimement mis en scène) se chargera d’éclairer les lanternes des moins avisés. Peele et DaCosta expliquent ce parti pris par une haine viscérale des flashbacks qui exhument des séquences de films originaux. Ils désiraient que Candyman soit autonome, bien que rattaché à la franchise, mais compréhensif en tant que tel. Rassurez-vous donc, si vous décidez de découvrir la légende de Candyman via ce film, vous ne serez pas mis à l’écart. Mais afin de mieux en apprécier les clins d’yeux, nous vous préconisons tout de même de voir le film de Bernard Rose en amont. Si les scénaristes semblent réécrire l’histoire en présentant un croquemitaine différent du film de 1993, ce n’est que pour mieux brouiller les pistes d’un scénario terriblement malin. En effet, le tueur présenté en début de film devient une traduction littérale de son nom, le Candyman (homme aux bonbons). On nous présente un homme inquiétant offrant des paquets de bonbons aux enfants dans lesquels il dissimule des lames de rasoir. A mi-chemin entre tueur sadique et pédophile refoulé, ce nouveau tueur fascine autant qu’il pourra décevoir les fans de la première heure. Mais ne vous laissez pas berner, un tueur peut en cacher un autre…

Bien évidemment, si vous avez connaissance du cinéma de Jordan Peele (Get Out, Us) et de ses prises de position qui militent, notamment, contre le racisme ordinaire, vous savez que Candyman n’en sera pas exempt. Tout comme le film de 1993 qui traitait des difficultés d’intégration de la minorité afro-américaine, Candyman prend un positionnement tout aussi radical. Avec un discours modernisé, le film de Nia DaCosta dénonce une gentrification avilissante et un vol de culture où les artistes noirs se voient dépossédés de leurs œuvres. Candyman va également chercher les spectres des maux esclavagistes qui ponctuaient l’histoire du film original. Tout se combine dans une atmosphère solidement construite. Rien n’est enfoncé à coups de gros sabots, bien au contraire. L’horreur de Candyman se construit en finesse et élégance. Il subsistera quelques meurtres graphiques (que ceux qui attendent du gore soient rassurés), mais l’horreur qui se joue dans les non-dits intéresse bien plus sa réalisatrice. Ils se sont mis à trois afin de rendre le film le plus fidèle et intelligent possible. Bien conscients de la force de leur scénario, il est tout à fait normal que la réalisation suive également. Lorsque Candyman survient pour dessouder ses victimes, l’élégance de DaCosta frappe également et bluffe par des partis pris de mise en scène et de cadres atypiques, raffinés et esthétiquement hallucinants. Mention spéciale pour la séquence dans la galerie d’art où le jeu des miroirs joue un rôle majeur dans la construction de la scène. C’est d’une maîtrise ahurissante, une vraie claque visuelle. On en a réellement pour notre argent. Et, cerise sur le gâteau, en plus d’y mêler horreur sociale et fantastique, DaCosta s’approprie des codes du body horror pour nous livrer une métamorphose graphique d’un de ses personnages que vous n’êtes pas prêt d’oublier. Rajoutez à cela un casting aux petits oignons, et vous obtiendrez la recette parfaite d’un succès qu’on espère aussi florissant par chez nous qu’aux États-Unis. Candyman a réalisé un démarrage en trombe en salle là-bas permettant à Nia DaCosta de devenir la première femme noire à avoir réalisé un film qui obtient la première place du box-office américain. Un succès amplement mérité vu toutes les qualités du film et le travail riche et intelligent qui y a été fourni.

Candyman est la preuve formelle que l’on peut ressusciter une franchise horrifique qui respecte l’œuvre originale et qui a des choses à dire autre que de compter sur une fibre nostalgique d’une élite de spectateurs. Candyman est un grand film d’horreur et l’un des meilleurs films de l’année. Une claque à la fois visuelle et scénaristique qui aura su combler des attentes que l’on ne voyait pas si grandes, mais qui étaient pourtant bien là. Que ça fait du bien d’avoir droit à un vrai bon film dont la cible (principalement adolescente) se retrouve de plus en plus fréquemment pervertie par des produits calibrés et fades. Pas de doute que Candyman relève hautement le niveau et que nous suivrons de près la suite de la carrière de Nia DaCosta qui est, pour l’instant, annoncée pour mettre en scène la suite de Captain Marvel. Et, de vous à nous, si elle parvient à en tirer quelque chose de bon avec le néant abyssal qu’était le premier volet, ce sera la preuve que nous ne nous étions pas trompés à son sujet. Affaire à suivre donc…

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