Angel : Un ange avec un flingue

Nouveaux venus au sein de la série Midnight Collection chez Carlotta, les trois films Angel s’offrent un coup de jeune dans des restaurations qui raviront les fans de la saga. Gros succès du cinéma d’exploitation américain, Carlotta nous permet de (re)découvrir une série de films atypique, le genre de cinéma qu’on adorait louer au vidéo-club à l’époque, le genre de films qui ont fait les grandes heures de chaînes télé comme la Cinq. La trilogie Angel dépoussière le genre du vigilante movie en le mettant à la sauce féminine, tout en ne manquant pas de croustillant. Sexe, action et comédie : voilà le programme qui vous attend dans un superbe coffret bichonné par un éditeur qui, décidément, nous surprend à chaque sortie.

ANGEL, Robert Vincent O’Neil (1983)

Molly Stewart, 15 ans, mène une double vie. Lycéenne modèle le jour, elle devient à la nuit tombée Angel, une prostituée officiant sur Hollywood Boulevard. Alors qu’un dangereux tueur en série fait son apparition dans les rues de Los Angeles, assassinant sauvagement deux de ses amies, Angel refuse de céder à la peur.

Co-écrit et réalisé par Robert Vincent O’Neil, Angel est un film surprenant et qui soulève une critique de l’abandon de la jeunesse qui demeure (malheureusement) terriblement actuelle. Par le personnage de Molly, O’Neil retranscrit ce qu’il y avait de meilleur dans les vigilante movies de l’époque et vient casser les codes du genre par une approche à la fois expérimentale et viscérale. Il enchaîne les séquences à l’univers craspec (qui convoquent certains films de Ferrara ou Henenlotter) avec des scènes colorées où la comédie absurde (avec des personnages semblants sortir de l’univers de John Waters) deviendra un moteur complémentaire aux scènes chocs. Le dosage des deux univers est habilement mené, on s’immerge parfaitement dans l’ambiance singulière du film, c’est une totale réussite. Tourné en à peine 4 semaines (et sans autorisation de filmer sur Hollywood Boulevard), nous serons stupéfaits de la grande efficacité du découpage technique. Malgré quelques maladresses (O’Neil est, avant tout, scénariste et technicien), Angel transpire le travail vite fait, mais bien fait. Et cette méthode de travail, O’Neil en sera très fier (il le confiera au sein d’un entretien présent dans les bonus de l’édition de Carlotta), c’est sa marque de fabrique. Avec un budget microscopique, Angel parvient à rivaliser avec n’importe quel film de l’époque tant il est fait avec le cœur et l’envie de délivrer un produit honnête.

Ne vous fiez pas à la tagline (horrible) du film qui dit : « Bonne élève le jour, bonne p…. la nuit ! » (on ne pourrait plus oser ce genre de tagline sexiste aujourd’hui). Angel vaut bien plus que le racolage de son affiche. Les acteurs en surjeu permanent confèrent une sympathie immédiate chez le spectateur. On a envie de déambuler sur Hollywood Boulevard avec eux et d’aller se payer une bonne tarte aux pommes bien chaude avec un café au diner du coin. Ils sont hauts en couleurs, complètement en marge de la société et terriblement drôles et attachants. Angel est une ode à la différence et à la tolérance. Il s’évertue à nous montrer comment une personne vulnérable, laissée à l’abandon, peut se reconstruire, se trouver une nouvelle famille et grandir (peu importe que ce soit avec des travestis et autres prostituées). Et puis, sans vous en dévoiler la substantifique moelle, la fin est d’une efficacité à toute épreuve. Tension, suspense, action…la fin du film est une pépite qui mérite à elle-seule la justification de se le procurer. Preuve formelle qu’une petite série B peut délivrer des messages et des scènes aussi poignants qu’un film à gros budget. Bien sûr, la forme et les contraintes de tournage demandent au spectateur de devoir revoir ses exigences, mais si vous vous retrouvez devant le film, logiquement, vous savez pourquoi vous êtes venus. D’autant que la copie restaurée en 4K du film est stupéfiante. Angel se redécouvre dans un écrin sublime, foncez !

ANGEL 2 : LA VENGEANCE, Robert Vincent O’Neil (1984)

Désormais étudiante en droit, Molly Stewart a définitivement tiré un trait sur son passé de prostituée. Son seul lien avec cette époque révolue est le lieutenant Andrews, l’homme qui lui a sauvé la vie il y a quatre ans et dont elle est restée très proche. Lorsque ce dernier se fait assassiner en service, Molly décide de partir à la recherche du meurtrier sous les traits d’Angel.

Suite au succès du premier film, Robert Vincent O’Neil remet le couvert. Pour la suite, il réutilise les ingrédients qui ont fait la sève du premier film, mais pousse les curseurs de l’absurde un cran au-dessus. Angel 2 semble véritablement s’être acoquiné du cinéma de John Waters. On ne compte pas les multiples gags rocambolesques du scénario, la suite se pose comme une comédie joyeusement débile où le sérieux semble ne pas être à sa place. La savant dosage des deux éléments entre l’aspect vigilante et la comédie du premier film ont volé en éclats. Certes, la suite offre des séquences d’actions où le bruit des canons rythme une violence toujours présente, mais le changement de ton demeure tout de même vraiment radical. Pour preuve, la séquence dans l’hôpital qui semble tournée sous cocaïne, les grimaces nanardesques des protagonistes, les diverses situations loufoques qui sortent n’importe quel personnage de la panade par l’opération du saint esprit, ou encore les coupes du montage totalement aléatoires… D’une série B honnête et rondement menée, nous tombons dans une bisserie nanardesque lorgnant dangereusement vers la série Z.

Bien qu’il était tout à fait prompt à réaliser cette suite, O’Neil ne semble pas autant investit que pour le premier film. Il concède à ce que son casting cabotine comme jamais, mais semble vouloir assurer un montage nerveux et sérieux malgré tout. Il suffit d’analyser la séquence finale pour s’en rendre compte. Passé outre l’absurdité du jeu des acteurs, il y a des relents de la scène de la gare des Incorruptibles avant l’heure. La séquence, qui se passe dans un immeuble, joue sur les différents étages de ce dernier afin d’y imbriquer différentes phases d’actions avec beaucoup de personnages. C’est un joli essai qui se déroule sous nos yeux, il est vraiment dommage que tout le film ne soit pas tourné avec cette même démarche. De plus, la banalisation de la prostitution (qui était un vrai point narratif important dans le premier film avec un regard critique bien mené) devient un accessoire, un prétexte, pour nous ramener Molly sous les traits d’Angel. Quand on sait pourquoi elle était contrainte de le faire dans le premier film, nous avons du mal à accepter la facilité du retour de celle-ci en tenue aguichante. Il y avait clairement quelque chose à creuser pour mieux nous aider à accepter ce retour. Et même si l’on prend plaisir à retrouver des personnages haut en couleur, il manque une âme qui faisait d’Angel un excellent film, là où Angel 2 demeure un film sympathique s’il ne vous a pas perdu à la 36e grimaces de ses protagonistes.

ANGEL 3 : LE CHAPITRE FINAL, Tom DeSimone (1989)

Molly Stewart est installée à New York où elle est photographe. Lors d’un vernissage, elle croit reconnaître parmi la foule sa mère disparue. Après avoir obtenu quelques informations sur elle, Molly décide de la confronter et s’envole pour Los Angeles. Sa mère lui apprend que Michelle, sa petite sœur dont elle ignorait l’existence, court actuellement un grand danger. Elle a été enlevée par une organisation qui propose les services d’escort girls. Lorsque Gloria est retrouvée morte, Molly décide d’infiltrer la filière afin de sauver sa sœur.

Écrit et réalisé par Tom DeSimone (Le Sexe Qui Chante), Angel 3 fait totalement abstraction du second opus afin de nous focaliser sur l’abandon qu’a vécu Molly étant jeune. Dès l’ouverture du film, on pousse le curseur de la nudité gratuite à fond les ballons pour nous présenter le nouvel univers qui sera traité dans le film. En effet, Angel 3 va s’attarder à dépeindre l’envers de la prostitution moderne par le biais des réseaux pornographiques et les trafics de femmes. Avec une approche plus sérieuse que le second opus, ce troisième film renoue avec l’envie de délivrer une histoire sérieuse (tout en n’omettant pas de nous gratifier de quelques personnages absurdes). L’équilibre qui faisait la force d’Angel est de retour, on sent que DeSimone cherche à offrir une suite digne au modèle originale. De fait, il prend le temps de mettre en place son histoire et ses personnages. Il nous présente les faits et gestes de l’organisation dans la ligne de mire de Molly et se sert des séquelles de son passé comme une vraie force d’attaque (et pas un simple prétexte pour la faire redevenir Angel). Et c’est de son expérience dans la rue, et de tout le mal que cela lui a fait à l’époque, que Molly va se servir afin d’infiltrer les kidnappeurs de sa petite sœur. Il y a une vraie évolution dans le personnage de Molly et c’est un vrai plaisir de la suivre dans cette nouvelle aventure. DeSimone prend le contre-pied de l’univers malsain de la rue pour venir taper sur l’envers d’un décors d’apparence luxueux. Il s’attaque aux réseaux de prostitution internationaux et dénonce une pratique qui fait (malheureusement) encore légion de nos jours. En revanche, Angel 3 abandonne ses traits vigilante pour mieux se conformer au style thriller nettement plus classique. Malgré, une fois encore, un budget ridicule, ce troisième opus s’en sort avec les honneurs et conclut l’histoire de Molly dans un déferlement d’action à la hauteur des deux fins précédentes.

La trilogie Angel fait donc peau neuve dans un coffret édité par Carlotta qui ravira autant les fans de celle-ci que les curieux souhaitant faire connaissance avec Molly/Angel. Une vraie découverte qui a tout à fait sa place au sein de la Midnight Collection de notre éditeur du jour. De plus, les différents bonus permettront de prolonger la découverte grâce à des entretiens des acteurs et techniciens encore vivant. On regrettera un manque de bonus pour le troisième opus, mais c’est uniquement pour faire la fine bouche étant donné le travail qualitatif déjà effectué sur le coffret.

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