Au-dessous du volcan : Jusqu’à plus soif

Au-dessous du volcan est le deuxième film de John Huston à avoir été édité en Blu-ray le 7 avril dernier par Carlotta Films. Autant le dire tout de suite, il ne s’agit pas du film le plus abordable du cinéaste et il demande un certain effort pour s’y plonger. De fait, cet effort est le même que l’écrivain Malcolm Lowry demande à son lecteur dans le roman dont le film est adapté, œuvre littéraire ravageuse et foisonnante noyée sous des litres de mezcal. Longtemps jugé inadaptable, le roman a vu plusieurs cinéastes tenter de s’y attaquer avant que John Huston, alors âgé de 78 ans ne s’attelle au projet, retournant au Mexique, pays qu’il adorait, des années après Le trésor de la Sierra Madre et La nuit de l’iguane.

Mais que raconte Au-dessous du volcan ? Vingt-quatre heures dans la vie d’un homme, Geoffrey Firmin, ex-consul britannique au Mexique qui, en cette année 1938 s’est récemment fait quitter par sa femme Yvonne. Depuis, il est un alcoolique notoire des environs, figure tragique et solitaire que tout le monde connaît, soutenu par son demi-frère Hugh dans sa peine même si Geoffrey le soupçonne d’avoir couché avec Yvonne. Yvonne qui réapparaît brusquement dans la vie de Geoffrey, voyant là une dernière opportunité de refaire sa vie avant qu’il ne soit trop tard…

Le film ne fait donc que raconter une errance, celle d’un homme qui a tout perdu, qui se noie dans l’alcool en trouvant un équilibre précaire entre ‘’la tremblote du trop peu et le gouffre du trop’’ pour tâcher de survivre. Geoffrey boit pour tenter d’échapper au bord du précipice sur lequel tient sa vie mais paradoxalement, cette même boisson le rapproche du dit précipice. Puisque l’équilibre même du monde est menacé et tout promet de volet en éclats (nous sommes à la veille de la Seconde Guerre Mondiale), Geoffrey ne fait que caler son état d’esprit sur celui du monde, se laissant parfois bercer par quelques illusions mais sachant très bien qu’au fond, le retour tant attendu d’Yvonne, ne lui apportera pas la paix nécessaire, il y a trop de rancœur, trop de regrets, trop de chagrin pour qu’une réconciliation soit possible.

Sans jamais prendre le spectateur par le bras, John Huston embrasse son sujet dans toute sa splendeur, collant de plus près au style de Lowry pour nous décrire la descente aux enfers d’un personnage mal-aimable, tourmenté, difficilement attachant, pétri de contradictions mais décidé à brûler cette vie par les deux bouts quoiqu’il arrive. Un personnage hustonien par excellence, l’un des derniers d’une longue série, tornade passionnée qui ira jusqu’au bout des choses, quitte à causer sa perte en passant. Pour incarner ce personnage fabuleux et haut en couleurs, il fallait un acteur à la hauteur. Albert Finney s’avère être le choix idéal, dévorant littéralement l’écran dans une composition difficile, toujours sur la brèche, prêt à imploser mais laissant tout de même de la place à ses partenaire Jacqueline Bisset et Anthony Andrews qui ont des rôles tout aussi exigeants. Sa prestation flamboyante retranscrit parfaitement le texte de Lowry auquel John Huston reste fidèle, reconnaissant lui-même qu’il s’agit là de l’adaptation la plus difficile qu’il ait jamais eu à faire.

Le résultat est fascinant, parfois justement plombé par une lourdeur héritée du matériau original mais toujours relevé par son rythme, ne laissant jamais les personnages souffler. Huston, solidement entouré par son équipe technique (son chef-opérateur est le légendaire Gabriel Figueroa, ayant travaillé avec Eisenstein ou Bunuel) et par de nombreux figurants locaux, se montre évidemment inspiré, trouvant dans ce personnage un écho à sa propre vie, lui qui ne fut pas le dernier des aventuriers et des grands romantiques portés sur la bouteille. De même que ses personnages, Huston ira jusqu’au bout de ses ambitions en terminant le tournage de son dernier film en fauteuil roulant et sous oxygène, on peut donc imaginer sans problème les affinités qu’il a pu ressentir avec une figure aussi tragique que Geoffrey Firmin, fabuleux personnage trop sensible pour supporter la douleur de ce monde. A noter que dans les bonus de cette édition se trouve un documentaire de Gary Conklin captant John Huston au travail sur le tournage, un film quasiment aussi précieux que Au-dessous du volcan dont on vous recommande chaleureusement le visionnage pour mieux saisir la portée profonde du film qui se savoure accompagné d’une bonne dose de mezcal évidemment.

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