Freaky : Effrayant comme l’ennui

Les studios Blumhouse ont encore frappé. Fort de sa collaboration avec eux, le réalisateur/scénariste Christopher Landon (Happy Birthdead, Paranormal Activity : The Marked Ones) s’est mis d’accord avec Jason Blum sur une nouvelle commande de comédie horrifique. Freaky s’inspire allégrement du roman Freaky Friday de Mary Rodgers (le titre de travail du film était d’ailleurs nommé Freaky Friday The 13th) et possède tous les atouts pour plaire à son public cible : les adolescents de 12-15 ans. Pour ce qui sera du reste des spectateurs, l’expérience risque de leur être, au mieux, ennuyante, au pire, sacrément difficile à supporter. Vous l’aurez compris, nous nous situons clairement dans la seconde catégorie. Mais dire de Freaky que c’est un mauvais film serait terriblement réducteur, encore que… Le film ne se donne pas la peine de nous fournir guère plus de divertissement, pourquoi devrions-nous faire preuve de compassion ? Que peut bien (ne pas) avoir Freaky pour avoir suscité tant de mépris ? C’est ce que nous allons essayer de démêler ci-dessous.

Millie Kessler, une lycéenne de dix-sept ans, est loin d’être populaire ou à la pointe de la mode. Les autres élèves du lycée Blissfield High se font un malin plaisir à se moquer d’elle. Un soir de match où elle officie en tant que mascotte, elle devient la cible de Barney Garris, alors le « Boucher », un tueur en série qui sévit dans sa ville. Néanmoins, la dague ancienne qu’utilise ce dernier déclenche quelque chose de surnaturel et les fait échanger de corps. Millie découvre qu’il ne lui reste plus qu’une journée pour récupérer son corps avant que l’échange ne devienne permanent.

Sur le papier, Freaky a tout de la comédie horrifique teenage que l’on adorait se louer un vendredi soir au vidéo-club. Le film promet son lot de vannes puériles, ainsi qu’un body count conséquent compte-tenu de l’aspect slasher qu’il aborde. De plus, Vince Vaughn possède une carrure imposante, idéale pour incarner un boogeyman qui a de l’allure. Si le film démarre sans encombre, nous offrant effectivement ce à quoi nous nous attendions, il sera bien dommage de constater qu’il ne tiendra absolument pas la route. Dès lors que les deux protagonistes changent de corps, Freaky tombe dans la banalité la plus insupportable qu’il soit. Vince Vaughn cabotine comme jamais, c’est rigolo le temps de quelques scènes. Seulement, on ne lui offrira jamais rien de plus que ces cabotinages excessifs. Le soufflet retombe aussi vite qu’il est monté. Et il en sera de même pour Kathryn Newton, voire pire. Elle ne fera rien d’autre que de froncer les sourcils en arborant un sourire sadique. Il y a une conception très primitive de ce à quoi un tueur de slasher doit ressembler. Le film ne joue jamais avec le charisme de son actrice et ne lui offre aucune substance. Kathryn Newton est un pion qu’on déplace difficilement entre les séquences puisqu’on préfère s’attarder sur les déboires de Millie qui tente de convaincre ses amis qu’elle est coincée dans le corps d’un homme. Une fois encore, l’alchimie opère péniblement au sein du trio formé par les héros du film. De fait, d’une comédie légère et horrifique, on se retrouve avec un produit pathétiquement calibré pour ne parler qu’aux spectateurs peu regardants (et s’ils sont néophytes en la matière, c’est encore mieux). Que c’est laborieux ! Surtout que, s’il faut comparer avec le matériau de base (Freaky Friday), les deux personnages n’ont aucun enjeu, aucun but à atteindre, aucune catharsis à chercher qui pourrait leur permettre de regagner leur corps respectif une fois les changements opérés. Ici, la source du dilemme, une dague lambda volée dans une maison, ne sert que d’élément déclencheur à la mascarade qui suit derrière…mais c’est absolument tout. Le tueur aurait pu poignarder n’importe qui d’autre que la finalité demeurerait la même. En fin de parcours, personne n’a changé, personne n’a grandit, les personnages reprennent leur quotidien là où ils l’avaient laissé. Freaky manque sérieusement de corps, de substance et d’enjeux.

A croire que Christopher Landon semble convaincu qu’un bon concept suffit à faire un bon film (c’est le credo de plus de la moitié du catalogue de Blumhouse vous nous direz). Pourtant, le bonhomme a su, parfois, aller au-delà d’un simple concept et lui apporter suffisamment de consistance pour réussir à imprimer les rétines. On se souvient de ses scénarios sur Paranormal Activity 2 et Paranormal Activity 3 qui réussissaient à dépoussiérer la forme conceptuelle des œuvres pour les amener à un degré de satisfaction qui faisait vraiment plaisir à voir. Qu’on aime ou non ces films, impossible de ne pas leur accorder qu’ils ont une structure narrative qui surpasse bon nombre d’ersatz qui ont tenté de surfer sur la même vague. De même que lorsqu’il écrit et réalise Manuel de Survie à l’Apocalypse Zombie, il offre une satire du teen horror movie vraiment plaisante et qui marque après visionnage. Le succès qu’il a rencontré avec Happy Birthdead a sûrement du lui ouvrir les yeux. En effet, Happy Birthdead souffre du même mal que Freaky : il ne transcende jamais son concept. Les deux films attirent l’attention dans leur exposition, mais n’en font jamais rien de bien derrière et tournent inutilement en rond pour combler les longues minutes qui nous séparent du générique de fin. Landon en fait le moins possible et remarque l’engouement et les chiffres du box-office qui ne trompent pas. Les gens se déplacent, séduits par le concept, et les retours sont, dans la plupart des cas, assez concluants (une fois encore, nous nous basons sur les retours des spectateurs cibles, les adolescents adeptes de films horrifiques légers). Pourquoi s’emmerder à faire compliquer quand il suffit de fournir un high-concept qui appâte le chaland dans le premier tiers ? Après tout, on a les films qu’on mérite…

Freaky est oubliable (et déjà oublié en ce qui nous concerne). Fort d’un concept éculé, Christopher Landon ne propose rien de bien affriolant à se mettre sous la dent. Film kleenex que l’on ingurgite sans véritable plaisir un dimanche après-midi, qui tue le temps à sa manière (ou le fait perdre, ça dépend comment on voit les choses). Si ce n’est que pour le (léger) numéro comique de Vince Vaughn, le film ne vaut pas la peine qu’on revienne vers lui dans un jour futur.

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