The Boys Next Door : Escapade meurtrière à Los Angeles

Carlotta continue d’embellir sa Midnight Collection en exhumant les meilleurs titres du marché vidéo américain des années 80. Cinquième long-métrage réalisé par Penelope Spheeris (Wayne’s World, Les Chenapans), The Boys Next Door (sorti chez nous, en vidéo, sous le titre De Sang-Froid) est typiquement le genre de proposition radicale, en avance sur son temps, préfigurant une époque triste et réelle qui inspirera les tueries de Columbine et consorts. Un portrait d’une jeunesse américaine désabusée où le culte de la banalité de la violence devient le seul cri effarant de cette dernière. Entièrement restauré à partir d’un master 4K d’une excellente qualité, The Boys Next Door fait entièrement peau neuve et s’accorde une visibilité sans précédent grâce au travail méticuleux fournit par Carlotta.

Roy Alston et Bo Richards sont deux adolescents marginaux qui s’ennuient ferme au lycée. Fraîchement diplômés, ils n’ont d’autre perspective qu’une vie de dur labeur à l’usine locale. Pour leur dernier week-end de liberté, ils décident de partir en virée à Los Angeles. Les années de rage et de frustration contenues vont déclencher en eux une véritable folie meurtrière.

The Boys Next Door s’ouvre sur des portraits de véritables tueurs en série avec une voix-off journalistique qui décrit la banalité physique de ces derniers qui pourraient être les voisins de monsieur tout le monde. L’ambiance est posée d’emblée, nous savons que nous allons assister à une descente aux enfers particulière. A mi-chemin entre La Balade Sauvage et Orange Mécanique en passant par Elephant, le tout mis à la sauce petit budget (presque téléfilm), The Boys Next Door repose avant tout sur son duo impressionnant. Maxwell Caulfield, révélé en 1982 dans Grease 2, bouffe l’écran. Immense gaillard tout en muscle, il électrise par son regard bleu, froid, presque sans âme, juste guidé par la rage, la frustration et la haine. 1986 est une grande année pour Charlie Sheen puisqu’on le retrouve à l’affiche de pas moins de six films. Entre des rôles mineurs comme celui du voyou au commissariat dans La Folle Journée de Ferris Bueller et d’autres plus importants comme dans le trop méconnu Lucas (teen movie de David Seltzer avec le regretté Corey Haim, à voir impérativement pour quiconque s’intéressant à ce genre de comédies), il va surtout exploser dans Platoon d’Oliver Stone qui lui permettra de rentrer dans la cour des grands. Et pourtant, il n’a pas à rougir de sa performance dans The Boys Next Door. Charlie Sheen supplante parfaitement son partenaire, il est l’acolyte qui cherche à passer un week-end avec son ami où il pourra laisser libre court à ses pulsions adolescentes (boire et coucher avec des femmes, entre autres), et qui est incapable d’assumer la folie meurtrière dans laquelle son ami est en train de l’entraîner. En effet, si les enjeux sont limpides du côté de Maxwell Caulfield qui est dépeint comme une bombe à retardement irrécupérable et prête à exploser, Charlie Sheen est beaucoup plus nuancé. Il tient plus du petit loubard prêt à transgresser quelques lois pour peu qu’il n’y ait pas de répercussions. Caulfield, lui, veut faire le mal, tuer un maximum de nuisible selon ses codes. L’impassibilité de Sheen le rend nettement plus dangereux que Caulfield puisqu’il est toujours dans la retenue, comme essayant de combattre les pulsions auxquelles son ami a définitivement cédé. Les deux amis se retrouvent donc dans une spirale infernale dont l’issue ombragera fortement un quelconque avenir.

Ce qui rend le film de Spheeris absolument fascinant, c’est sa capacité à plonger doucement le spectateur dans le déchaînement violent qui vient gangrener ses personnages sans qu’il s’en rende forcément compte. Ce qui démarre comme des provocations d’adolescents immatures et irresponsables se transforme en une odyssée sanglante, barbare et franchement glauque. Le film distille un malaise qui devient de plus en plus palpable au fur et à mesure que les minutes défilent. Avec son approche explicite et frontale, Penelope Spheeris essaye d’analyser ce qui fait la psyché d’un tueur en série et comment une personne raisonnée peut tenter d’endiguer la menace. The Boys Next Door est un film surprenant sur ce qu’il raconte de la jeunesse américaine populaire des années 80. Il dresse un portrait profondément désespérant de la classe moyenne vouée à trimer à l’usine pour tenter d’arrondir ses fins des mois. Une middle class totalement vouée à l’échec car littéralement abandonnée par les institutions. Le film s’ouvre sur la dernière journée de classe des élèves, et l’on constate fort bien l’avenir tracé par les professeurs pour ceux qu’ils jugent « aptes » à côtoyer leur sphère et ceux qu’ils sont bien contents d’envoyer aux abattoirs. Non pas que The Boys Next Door soit un film en faveur des laissés pour compte, seulement, Penelope Spheeris tente de tirer la sonnette d’alarme. En choisissant délibérément de jauger la jeunesse qui fera la société de demain en fonction de l’opinion que l’on se fait d’elle à un instant précis, il n’y a rien d’étonnant à ce que certains d’entre eux deviennent de dangereux psychopathes. D’ailleurs, les deux personnages se surprendront à rêvasser à une journée dans l’année où tous les crimes seraient légaux (tient, tient, n’aurait-on pas les prémices d’American Nightmare ici?), puisqu’aller à l’encontre de tous les codes moraux établis semble être leur seul moyen d’écoute.

The Boys Next Door accuse le coup de son faible budget par une réalisation simpliste, efficace et qui laisse la place à une analyse de fond absolument complète et qui sonne terriblement actuelle quasiment 40 ans après sa sortie. Penelope Spheeris livre l’un de ses meilleurs films, très loin des comédies enfantines ou burlesques pour lesquelles on retient son nom. The Boys Next Door est un film sombre, dur et violent qui doit beaucoup aux excellentes prestations de ses héros. Un must-have disponible chez Carlotta dans une édition ultime à la copie vidéo propre et limpide.

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